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samedi, 28 février 2015

Une démocratie pour notre siècle

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Une démocratie pour notre siècle

par Arthur De Grave

Ex: http://fortune.fdesouche.com

Affaiblissement du politique, sécession des élites, émergence d’une culture participative… Le consensus qui existait jusqu’alors autour du régime représentatif est en train de voler en éclats sous nos yeux. Une démocratie est à réinventer pour le siècle qui s’ouvre.

Inutile de tourner autour du pot : notre démocratie représentative – ce système où une minorité élue gouverne – est à bout de souffle.

Dès le départ, le concept était plutôt fragile : si un Athénien du Ve siècle av. J.-C. se retrouvait à notre époque, il s’étonnerait qu’on puisse appeler notre régime démocratie. A Athènes, le pouvoir était aux mains des citoyens eux-mêmes, qui prenaient une part active aux décisions : la démocratie est alors directe et participative.

On l’oublie souvent : l’idée même que la démocratie puisse être autre chose que participative ne s’est imposée que très récemment, vers la fin du XIXe siècle. Notre Athénien parlerait d’oligarchie élective (en grec, oligos signifie “petit nombre”). Le problème, c’est qu’au fil du temps, les tendances oligarchiques du régime représentatif se sont renforcées aux dépens de son vernis démocratique.

Professionnalisation de la vie politique, reproduction des élites gouvernantes, consanguinité entre sphères politiques et économiques, corruption, creusement des inégalités… La liste est bien connue. Mais il faut plutôt y voir les symptômes que les causes du problème. Ces dernières sont à chercher ailleurs.

Au fil du temps, les tendances oligarchiques du régime représentatif se sont renforcées aux dépens de son vernis démocratique

D’un côté, les gouvernés ne font plus aucune confiance à ceux qui n’ont plus de “représentants” que le nom. De l’autre, les élites gouvernantes, s’il est vrai qu’elles se sont toujours méfiées du « flot de la démocratie »1, ne prennent même plus la peine de s’en cacher. En guise d’illustration, les récentes déclarations de monsieur Juncker (« il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ») ou de madame Merkel, qui préfèrent opposer au nouveau gouvernement grec – démocratiquement élu – le train sans fin des réformes nécessaires.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Remontons le temps, vers la fin du siècle dernier, quand le politique a cessé d’être considéré comme l’élément central de la vie en commun.

TINA, TINA, TINA (AD LIB.)2

Je suis né en 1986. J’avais trois ans quand le mur de Berlin est tombé. Deux ans plus tard, l’Union Soviétique s’effondrait, par ce qu’on a voulu nous faire voir comme une sorte de nécessité historique. C’était, paraît-il, la fin de l’Histoire, la vraie. Le triomphe de la lumière de la rationalité – économique, nécessairement économique – sur les ténèbres de l’idéologie.

J’ai grandi dans un monde où il n’y avait pas d’alternative. J’ai grandi dans un monde où la politique pouvait être remisée au placard puisque nous étions désormais placés sous le haut patronage de la Raison économique. Le pilote automatique était enclenché, nous pouvions regagner nos couchettes. Étudiant, je me désintéressais à peu près totalement de la vie politique. Comme beaucoup de gens de ma génération, je n’ai vu dans la politique qu’un enchaînement de combats un peu vains et un empilement sans fin de mesures technocratiques. Dans ce marigot qu’était devenue la vie politique, la gauche était condamnée à devenir une copie vaguement délavée de ses anciens adversaires conservateurs. Se convertir, ou mourir. C’est ce qu’on appelle, paraît-il, un aggiornamento.

LA RAISON (DU PLUS FORT EST TOUJOURS LA MEILLEURE)

There is no alternative, nous répétait sans cesse le nouveau clergé. Cette partition rend de jour en jour un son de plus en plus faux. Je suis entré dans l’âge adulte alors que l’Europe commençait à sombrer. Si la victoire de Syriza en Grèce et celle, probable, de Podemos en Espagne suscitent tant d’espérances au sein d’une jeunesse européenne qui avait fini par se résigner à un siècle de paupérisation et d’humiliation, c’est qu’elle signe le grand retour du politique. Mieux : elle révèle que le politique n’avait jamais disparu, que le pilote automatique n’était rien d’autre qu’un mensonge.

Ce qui passe depuis trente ans pour la marche naturelle des choses n’était en fait qu’un programme admirablement exécuté. Sous la rationalité autoproclamée se cachait bien une idéologie, qu’on l’appelle « économisme » ou « orthodoxie libérale ».

D’un côté, les tenants de la rationalité économique stricte, (…) de l’autre, les peuples européens qui commencent à gronder, enrageant de subir cette étrange condition d’auto-colonisés.

Ce qui nous conduit aujourd’hui à l’aube d’une crise politique majeure. La crise, étymologiquement, c’est ce moment paroxystique où deux issues mutuellement exclusives se cristallisent : la vie, ou la mort. La liberté, ou la sujétion. Bref, les positions se polarisent, et le statu quo ne peut être maintenu. D’un côté, les tenants de la rationalité économique stricte qui se crispent et campent sur leurs positions ; de l’autre, les peuples européens qui commencent à gronder, enrageant de subir cette étrange condition d’auto-colonisés.

L’issue de ce combat est incertaine, mais quelle qu’elle soit, pour le système représentatif, il est à peu près certain que le pronostic vital est engagé. Qu’en sortira-t-il ? Ou bien quelque chose de pire, ou bien quelque chose meilleur.

UNE DÉMOCRATIE POUR NOTRE SIÈCLE

Le système représentatif n’a pas fondamentalement évolué depuis l’époque de la rotative et de la machine à vapeur. La dernière innovation en politique ? 1944 : le droit de vote des femmes. Notre conception du rapport entre gouvernant et citoyen – vertical, hiérarchique – n’a pas changé depuis le siècle dernier : vote tous les X ans et tais-toi le reste du temps.

Dans un monde où chacun est connecté avec tous, où les systèmes participatifs bouleversent la plupart des domaines de notre vie quotidienne, le concept même de représentation est devenu franchement poussiéreux. Quand tout – médias, éducation, finance, etc. – devient peu ou prou participatif, pourquoi le système politique devrait-il, lui, échapper à la règle ?

Une première génération d’outils collaboratifs susceptibles de permettre un début de rééquilibrage entre systèmes participatif et représentatif existe déjà : Avaaz, change.org, LiquidFeedback, Parlement & Citoyens, Democracy OS, Loomio… Il ne s’agit que de simples outils, qui ne suffiront pas seuls à raviver la flamme démocratique. Internet a prouvé par le passé qu’il pouvait être l’instrument de notre émancipation comme celui de notre soumission (voir notamment ici et ici). Nous avons probablement déjà fait quelques pas de trop dans la seconde direction.

C’est dans les marges, à la lisière du politique, qu’une nouvelle vision du monde s’élabore
Le principal obstacle à l’établissement d’une démocratie participative n’est cependant pas technique : il est culturel. Le changement ne viendra ni des formations partisanes du passé, ni des hommes et femmes politiques d’aujourd’hui. C’est dans les marges, à la lisière du politique, qu’une nouvelle vision du monde s’élabore. Faire cadeau d’outils collaboratifs à des gens qui gardent une conception césariste du pouvoir, c’est, comme disaient nos grands-mères, donner de la confiture aux cochons3.

Le vent tourne : le parti espagnol Podemos, le premier, a su intégrer les réseaux sociaux et les modes d’organisation horizontaux pour évoluer vers une forme démocratique participative. Peut-être ne s’agit-il que de premières étincelles d’un embrasement plus vaste ? Il n’y a pas si longtemps, nous nous demandions avec David Graeber si la dette ne jouerait pas le rôle de catalyseur de la prochaine grande révolte. Ce cycle vient peut-être de commencer. Les Grecs ont secoué le joug. Nous sommes sortis de la torpeur dans laquelle les berceuses chantées par les économistes orthodoxes nous avaient plongés. Il est maintenant temps de se lever.

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Notes :

1. Emile Boutmy, fondateur de l’Ecole libre des sciences politiques,mieux connue sous le nom de Sciences Po, écrivait en 1872 :« Contraintes de subir le droit du plus nombreux, les classes qui se nomment elles-mêmes les classes élevées ne peuvent conserver leur hégémonie politique qu’en invoquant le droit du plus capable. Il faut que, derrière l’enceinte croulante de leurs prérogatives et de la tradition, le flot de la démocratie se heurte à un second rempart fait de mérites éclatants et utiles, de supériorités dont le prestige s’impose, de capacités dont on ne puisse pas se priver sans folie »

2. TINA, acronyme de There is no alternative. La formule, attribuée à Margaret Thatcher, signifie que le capitalisme de marché est l’unique voie possible.

3. Ou, comme le dit un proverbe populaire russe similaire : « Invite un cochon à ta table, il posera les pieds dessus »

OUISHARE

vendredi, 27 février 2015

El amor al orden del mundo: saber ancestral en el pensamiento de Simone Weil

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El amor al orden del mundo: saber ancestral en el pensamiento de Simone Weil

por Mailer Mattié

Instituto Simone Weil/CEPRID

Ex: http://paginatransversal.wordpress.com

“Si se quisiera emprenderlo, el camino del pensamiento moderno a la sabiduría antigua sería corto y directo”. Simone Weil (Echar raíces,1943).

“El objeto de la búsqueda no debe ser lo sobrenatural, sino este mundo. Lo sobrenatural es la luz: si hacemos de ello un objeto, lo menoscabamos”. Simone Weil (La gravedad y la gracia, 1934-1943).

La realidad sobrenatural -el orden del universo- iluminó intensamente el pensamiento de Simone Weil, especialmente a partir de 1938 cuando, a los veintinueve años, admitió –como recordó en una carta dirigida a Joë Bousquet en 1942- que, si bien Dios nunca había tenido un lugar en sus reflexiones, una rigurosa concepción cristiana había guiado su vocación: el deseo y la búsqueda de la verdad en relación con los problemas de este mundo; disposición a la que seguramente contribuyó el significado espiritual de su experiencia mística. En 1935, en efecto, mientras observaba profundamente conmovida una fervorosa procesión de humildes mujeres en un pueblo de pescadores en Portugal, según sus propias palabras tuvo la certeza de que el cristianismo era la religión de los esclavos. Dos años más tarde, durante un viaje a Italia visitó en Asís la capilla donde solía orar San Francisco y sintió, por primera vez, la necesidad de arrodillarse. Asimismo, en 1938, en una abadía en Francia, experimentó un éxtasis escuchando los cantos gregorianos que entonaban los monjes, igual que en otra ocasión leyendo el poema Love de George Herbert –algo que solía hacer al sufrir violentos dolores de cabeza-, cuando percibió –según reveló también a Bousquet- una presencia “del todo inaccesible a los sentidos y a la imaginación”.

En medio del desconcierto de quienes conocían su escaso interés por los asuntos religiosos, inclusive respecto a su propia ascendencia judía, Simone Weil incorporó con insistencia a Dios en sus cartas, cuadernos, artículos y ensayos escritos principalmente durante los últimos cinco años de su vida, la mayoría recopilados y editados tras su muerte en títulos fundamentales como Pensamientos desordenados, La gravedad y la gracia o su gran obra Echar raíces. Un Dios auténticamente cristiano, antiguo y ausente, cuyo poder no interviene en el destino de los seres humanos.

Su acercamiento al verdadero cristianismo –en oposición al que llamó cristianismo ficticio vinculado a Roma- no significó, sin embargo, ruptura alguna en referencia a la orientación de su pensamiento. Dio un giro, ciertamente, un movimiento en espiral, imitando la proporción divina de la materia, iluminado por un punto infinitamente pequeño, por la luz sobrenatural, como si procediera de tradiciones ancestrales. Acentuó su tono metafórico y poético sin disminuir la energía y la templanza y, sobre todo, sin perder su inclinación permanente hacia los asuntos prácticos, hacia la acción. Su aguda y penetrante atención –esa singular hazaña-, en fin, se concentró aún más en este mundo.

Al conectar con la matriz del conocimiento humano acerca de lo real -cuya continuidad fue interrumpida por el desarrollo de la sociedad moderna y cuyo origen se pierde en el tiempo-, Simone Weil tendió, sin más, un puente, un metaxu, entre el pensamiento contemporáneo occidental y las vertientes del pensamiento antiguo –desaparecidas casi por completo- que reflejaban la proyección del orden del universo, de la verdad eterna, en la construcción de la vida social y en el destino común de la humanidad. En tal sentido, su obra simboliza el encuentro, un punto de intersección entre el pensamiento moderno y el saber de la antigüedad.

Plantear el problema del arraigo del mundo en el universo -en la realidad real-, la iluminación de lo sobrenatural aquí en la tierra, confiere al pensamiento weileano, indudablemente, el horizonte y la jerarquía legítima de su significado espiritual definitivo. El mismo que, a su juicio, sería posible hallar –si se dispone de un “auténtico discernimiento y utilizando un método de lectura que permita aislar los elementos correspondientes”- no solo entre las diferentes religiones, también en las leyendas, en la mitología, en la alquimia, en ciertas herejías y –añadimos- en la cosmología y cosmovisión de los pueblos indígenas originarios, representación de lo que ella misma denominó el pasado vivo, si bien en constante amenaza de extinción.

A su modo de ver, una misma verdad que brota, como esencia común y con múltiples “acentos de alegría”, en determinadas partes del Antiguo Testamento; entre los pitagóricos y los estoicos en Grecia, cuya concepción del Amor Fati –el amor al orden del mundo- constituía el centro de toda virtud humana; en el Tao Te Ching del filósofo chino Lao-Tse del siglo VI a.C.; en el Bhagavad-Gita –el Canto de Dios- del siglo III a.C.; en el budismo zen; y también –podemos agregar- en el Popol-Vuh –el Libro de la Comunidad del pueblo maya quiché-, o en los relatos orales que atesoran numerosos colectivos indígenas en el continente americano. El problema –decía Weil- es que “estamos ciegos, leemos sin comprender”.

Supuso ella, además –como manifestó en 1940 en una carta dirigida a Déodat Roché-, que había existido una civilización continua, anterior al Imperio romano, entre el Mediterráneo y el Cercano Oriente, común a regiones de Egipto, Tracia, Persia y Grecia que compartieron un mismo pensamiento, expresado en modos distintos, acerca del orden sobrenatural –lo que probablemente sucedió también entre las diferentes civilizaciones destruidas en América por la colonización española-, algunos de cuyos postulados podrían inclusive haber inspirado la obra de Platón. En esa antigua tradición situó igualmente la fuente del cristianismo que practicaron, entre otros, los gnósticos, los maniqueos y los cátaros que desaparecieron en el siglo XIII por la acción violenta del incipiente Estado francés y de la Iglesia.

Civilización que, en su criterio, habría experimentado un débil indicio de resurrección, armonizando con el verdadero espíritu cristiano heredero de la Alta Edad Media, durante el “Primer Renacimiento” en el siglo XV, si bien tal actitud fue breve al imponerse finalmente una “orientación contraria a la auténtica espiritualidad que dio paso a la Europa desarraigada”: la misma que, “estúpida y ciegamente”, “desarraigó al mundo entero imponiendo la fuerza de la conquista”.

II

La sociedad moderna, ajena al orden del cosmos y sin raíces porque ha roto con el pasado significaba para Simone Weil, en consecuencia, un mundo “mal hecho”, una “factoría para producir irrealidad”, un gran problema. El ámbito, en fin, donde la vida de la mayoría de las personas transcurre indiferente al destino humano y la relación con el universo es irrelevante. “No miramos las estrellas –advirtió-; desconocemos, incluso, qué constelaciones pueden verse en el cielo en cada época del año y el sol del que hablan a los niños en la escuela no tiene el menor parecido con el que ven”.

El pasado –señaló- ha sido reducido a las “cenizas de la superstición”, instalándose en su lugar el “veneno de nuestra época”: el fetichismo del progreso y la fantasía de la revolución. Un mundo artificial, además, donde la única forma posible de la relación del individuo con Dios es la idolatría: el Dios del “tipo romano”, a quien se atribuye el poder de intervenir “personalmente” en los asuntos humanos; la religión que el Estado puede o no dejar a la elección de cada uno.

simw2.gifResultado de semejante ausencia de luz en la vida contemporánea es, pues, su desequilibrio y su falta de armonía, de templanza. La desmesura lo inunda todo, reiteró Weil: el pensamiento, la acción, la actividad pública y la vida privada. Un desorden, efectivamente, que genera la pérdida de vitalidad y de autonomía en las comunidades y en las personas; que penetra y degrada todas las relaciones y las actividades humanas, a tal punto que los móviles de la conducta individual -restringidos y rebajados al miedo y al dinero-, la opresión del trabajo asalariado y la educación convierten a la gente en seres deshumanizados, infrahumanos. Asimismo, la comunidad –uno de cuyos fines primordiales es mantener la conexión entre el pasado y el futuro- ha sido destruida en todas partes, suplantada por el Estado-nación: en sus palabras, esa “niñera mediocre a la que hay que obedecer”.

El orgullo que inspira la civilización moderna -difundido por la ideología y la propaganda- solo demuestra, por tanto, el nivel de desarraigo y deshumanización que hemos sido capaces de alcanzar.     Sin la influencia de la verdad sobrenatural, ciertamente, el orden social continuará siendo irrespirable: el tejido de las relaciones sociales, la necesidad del alma que Weil consideró más cercana al destino universal. En consecuencia, debe ser el principal objeto al cual dedicar nuestro mayor esfuerzo de atención; intentar, al menos, aproximarnos a la “situación de un hombre que camina de noche sin guía, aunque sin dejar de pensar en la dirección que desea seguir. Para tal caminante –leemos en Echar raíces- hay una esperanza grande”.

III

La privación del pasado, no obstante, impide que el mundo contemporáneo disponga de una auténtica fuente de inspiración para ordenar el tejido social. Un problema real -aunque indiferente a las preocupaciones de la sociedad moderna- al que Weil, sin embargo, dedicó enorme atención, convencida de la tarea urgente de idear un método que sirviera a los pueblos con esa finalidad; es decir, que permitiera encontrar una inspiración ajena al misterio, expresada en primer lugar de forma verbal para ser convertida luego en acción: algo que exigiría, sobre todo –subrayó-, un “interés apasionado” por la humanidad.

Preocupación, por lo demás, universalmente reconocida en la Antigüedad, si bien dejó de percibirse por completo a partir de la segunda mitad del Renacimiento en Europa. Trescientos años más tarde –apuntó Weil-, en pleno auge del capitalismo industrial en el siglo XIX, ya “el nivel de las inteligencias había caído muy por debajo del ámbito en el que se plantean semejantes cuestiones”. En un mundo ideologizado, por otra parte, donde la propaganda ahoga en fanatismo el pensamiento de los individuos, es imposible el surgimiento de cualquier tipo de inspiración.

La propaganda –sostuvo- es contraria a la inspiración, puesto que si ésta es auténtica –es decir, una verdadera luz, un alto grado de conciencia-, eleva el nivel de atención dirigida a ordenar la realidad: a construir un “mundo bien hecho”, orientado al mejoramiento de los pueblos y el arraigo de las personas. Si la virtud de las leyes que ordenan el universo está ausente en la organización social, entonces todo obedecerá a normas ciegas relacionadas con la fuerza y el poder.

IV

La Creación -la eterna sabiduría por “virtud del amor”, una idea que había embriagado auténticamente a los antiguos en opinión de Weil- constituyó en el pasado, precisamente, una fuente de inspiración de la humanidad en todas partes; la verdad traducida a diferentes sistemas de símbolos para expresar los principios del orden universal a tener en cuenta, cuyo legado ha desaparecido casi por completo, a excepción de los tesoros del “pasado vivo” que aún sobreviven en el mundo.

Motivo de inspiración justamente al ser interpretada como un acto de abdicación. La Creación es descreación, afirmó Weil: “el reino del que Dios se ha retirado”; es gravedad y gracia, generosidad y renuncia. No el mejor mundo posible, sino aquel que contiene por igual todos los grados de bien –la fuente de lo sagrado- y de mal; de luz y de desdicha.

El tiempo, el espacio, el movimiento eterno de la materia, expresan esa separación y muestran, además, que el principio que organiza la Creación es la conformidad: la total obediencia del Universo a Dios; el orden del Cosmos es un modelo perfecto, por su perfecta obediencia al Creador. Conformidad –observó Weil- que se refleja en la belleza del mundo, a la que, sin embargo, hemos dejado de prestar atención, cometiendo así un crimen de ingratitud que bien merece el castigo de la desdicha. La materia –subrayó- es bella cuando obedece no a los humanos, sino a Dios.

Admitió, de hecho, que el pensamiento estoico -originado en los siglos III-II a.C.-, había dominado el mundo antiguo hasta el Lejano Oriente, cuando floreció la idea de que el universo era solo obediencia perfecta. Para los griegos, por ejemplo, extasiados al encontrar en la ciencia la maravillosa confirmación de esa obediencia, el círculo representaba el movimiento en el que nada cambia; y en la India, la palabra “equilibrio” era sinónimo del “orden del mundo” y de “justicia”.

Como seres inteligentes, entonces, tenemos ciertamente la opción de aceptar o no la verdad de esa obediencia, aun cuando –decía Weil-, es posible aprender a sentirla en todas las cosas, como se aprende a leer o se aprende un oficio que exige atención, esfuerzo y tiempo.

La sociedad contemporánea, desde luego, ignora la distancia a la que nos encontramos de Dios: un verdadero bien, una ausencia que debe ser amada y que constituye, a la vez, un puente, un metaxu, entre el mundo moderno y la Antigüedad. Weil atribuyó, en consecuencia, los errores de nuestra época precisamente al declive de la influencia de la verdad sobrenatural en el orden social. Huérfana del pasado, en el siglo XVIII, en efecto, la sociedad podía admitir únicamente el ámbito de las cosas humanas; exactamente la razón por la que en 1789 se pretendió instaurar principios absolutos a partir de la noción de derecho, obviando por completo el significado de las obligaciones. En su opinión, una contradicción que generó la confusión del lenguaje y del pensamiento, presente, cada vez con mayor fuerza, en todas las esferas de la vida política y social contemporánea prisionera de la reivindicación. El punto de partida, en fin, de un mundo mal hecho.

Ignorar la verdad eterna significa, en realidad, vivir en la fantasía y el sueño, en la idolatría. Por tanto, el centro del orden del mundo se sitúa en los medios convertidos en fines como la ciencia, la economía, la técnica y el Estado –algo que la gente encuentra completamente natural-, o en aquellos individuos que simbolizan el poder y la fuerza como Napoleón, Hitler o Stalin, entre tantos. Si, además, se atribuye convenientemente al Creador cualidades semejantes para intervenir en este mundo, poco importa –afirmó Weil- en cuál Dios se cree.

simw3.jpgUn “mundo bien hecho”, al contrario, sería una “metáfora real” del orden universal; solo la gracia –la luz sobrenatural, aseguró Weil- puede propiciar el fracaso de la fuerza, de la gravedad: convertir la Creación en objeto de perfecta atención y de amor mediante el trabajo, la ciencia, el arte, la técnica y la educación, considerados auténticos medios para sustituir la ficción del dominio ilimitado sobre la naturaleza por la obligación de obedecerla.

La descreación, la ausencia de Dios, pues, es un privilegio que nos permite reconocernos como co-creadores: es decir, como seres que pueden disponer del don de la libertad para hacer que lo que está aquí abajo se parezca a lo que está allí arriba.

Con el objeto de intentar restablecer la antigua vocación de imitar en la vida social el orden del cosmos, Weil exhortó, en consecuencia, sobre la necesidad de precisar científicamente las relaciones entre el ámbito de lo humano y la órbita de lo sobrenatural. Tarea, por lo demás, a la que atribuyó gran dificultad y cuyo significado precisó en encontrar de nuevo el “pacto original entre el espíritu y el mundo” en la civilización actual: la única posibilidad para evitar que lo social destruya por completo al individuo, puesto que corremos el riesgo –admitió- no solo de desaparecer como especie, sino inclusive de no haber existido jamás.

En la Creación –puntualizó también-, todo está sometido a un método, incluyendo las pautas para la intersección entre este mundo y el otro. En tal sentido, el orden superior puede ser representado en el orden inferior solamente por un punto infinitamente pequeño; gráficamente, la imagen mostraría un punto de contacto entre un círculo y una línea tangente para expresar la sumisión, la obediencia y el amor en el mundo al orden del universo, lo que denominó una “monarquía perfecta”.

Dicha obediencia, por otra parte, sería igualmente manifestación del equilibrio perfecto que anula el poder, la fuerza y la idolatría, dado que el orden social que podría surgir a la luz del espíritu de verdad -de la energía de la verdad sobrenatural-, no sería otra cosa que un equilibrio entre diferentes elementos, armonía cuya naturaleza es la complementariedad de los contrarios, tal como sugiere el movimiento eterno de la materia.

Weil argumentó en 1943, además, que en la construcción de un orden semejante, el Estado estaría llamado a ejercer apenas una acción negativa; es decir, una ligera presión para impulsar el equilibrio. Se trataría, en todo caso, de lo que podríamos llamar un no-Estado, algo que cada vez debería ser más anhelado.

Lo cierto es que, en determinados momentos de la Antigüedad, sin la influencia del orden sobrenatural, la humanidad no habría sido capaz de producir en el mundo aquello que Weil denominó “auténtica grandeza” en el arte, en la ciencia, en el pensamiento y en la vida social en general. No obstante, en la actualidad, en esos mismos dominios persiste lo contrario; es decir, la falsa grandeza que amenaza la esperanza de la humanidad.

V

En Abya Yala –el continente americano-, diversas comunidades indígenas, herederas de antiguas civilizaciones, han conseguido mantener, a pesar de la firmeza de la violencia, diferentes expresiones de una misma y ancestral percepción sobre la creación del mundo que incluye, en términos generales, la antigua idea de la ausencia, del retiro de Dios, a quien solo se advierte a través de su obra.

simw4.gifLa noción de descreación testifica, de esta forma, el sorprendente y prodigioso encuentro del pensamiento weileano con antiguas cosmovisiones, cuyo origen se remonta a cinco mil años, aproximadamente, por ejemplo entre los pueblos que habitaron las regiones de América Central o el Altiplano andino y el territorio del Tahuantinsuyo que comprendía gran parte de América del Sur. Un conocimiento, en efecto, que refleja la iluminación sobrenatural en el mundo, traducido a símbolos milenarios como la chakana de los quechuas y aymaras en los Andes -una escalera de cuatro lados que representa los puentes, la unión entre el mundo de los humanos y lo que está arriba, cuya antigüedad se calcula en cuatro mil años-, o el kultrún mapuche –un tambor ancestral utilizado en rituales sagrados de medicina o fertilidad; constituye una representación del universo, los puntos cardinales, las estaciones y en el centro la Tierra-.

Sabiduría ancestral que contempla, asimismo, las motivaciones que deben encauzar la conducta de los individuos, la práctica social y las pautas de intersección no solo entre este mundo y el otro, también con el pasado. Un método, un modelo permanente de inspiración que contiene a su vez las indicaciones para ser transmitido en el tiempo a todas las generaciones, de tal forma que puedan integrar la obligación de cuidar la Creación como manifestación máxima de amor y de obediencia a un Creador que es también el instructor, el guía ausente.

Según la cosmovisión del pueblo Wiwa -en la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombia- por ejemplo, los padres del Universo crearon igualmente La Ley de Sé o Ley de Origen, los mandatos que orientan a la población en su obligación de proteger la vida y el territorio; es decir, las pautas de comportamiento individual y social de las personas, cuya interpretación exige el conocimiento y la intervención de las jerarquías y autoridades legítimas de la comunidad, principalmente de los ancianos.

En el pensamiento indígena, además, la Creación posee un significado evolutivo que contiene al mismo tiempo una advertencia. Los dioses crean y destruyen una vez tras otra, hasta conseguir formar seres auténticamente humanos; es decir, aptos para cuidar obedeciendo –en la tradición oral del pueblo Hopi de Norteamérica, por ejemplo, desobedecer las instrucciones de Konchakila, el Gran Espíritu, supone arriesgarse a perder su identidad y su nombre cuyo significado es “ser pacífico”-. Según la comunidad de que se trate, el relato difiere en relación con las etapas de la Creación que pueden ser dos, tres o cuatro en cada caso.

El Popol-Vuh reúne al respecto los elementos centrales de la narración más extendida entre los pueblos descendientes de los antiguos mayas, cuya tradición oral coincide diferenciándose apenas en alguna variación. El fraile dominico Francisco Ximénez descubrió el manuscrito original en Chichicastenango-Chuilá, Guatemala, alrededor del año 1700 –al parecer, el único que fue rescatado de la destrucción durante la conquista española- y lo tradujo al castellano, texto del cual se hizo luego una versión en francés. Es un relato cosmogónico inspirado probablemente en antiguos códices del pueblo maya-quiché, conocido en su lengua también como Saq Petenaq Ch’aqapalo: La ley que vino desde el mar.

La narración constituye una alegoría de la Creación como obra colectiva, aun cuando la indefinición acerca de sus autores es constante. Como señala Milton Hernán Bentacor -en “Dios, dioses y diositos. Una lectura de la primera parte del Popol-Vuh en comparación con los primeros capítulos del Génesis”, interesante artículo publicado en 2012-, resulta imposible saber si los Creadores son solo Tepeu y Gucumatz, si cumplen instrucciones de una deidad más poderosa como Hurakán o si son simplemente quienes organizan un trabajo conjunto con otros dioses que permanecen ausentes: como si, en realidad, no se quisiera identificar, precisar, la figura del verdadero Creador.

Tepeu y Gucumatz, en efecto, actúan como aprendices –señala Hernán Bentacor-, como deidades menores: se equivocan, discuten, dudan y piden auxilio a otros dioses. Crean primero la tierra, los vegetales, los animales y las montañas; luego, a los distintos seres cuyo destino es honrar y obedecer a quien los ha creado. Así, inicialmente aparecen los seres de barro, imperfectos porque no podían hablar, ni caminar; después, aquellos de madera que hablaban y caminaban, aunque no tenían memoria y, por tanto, no recordaban quién los había creado; finalmente, tras un destructor diluvio de lluvia negra, fueron modelados -con ayuda de las plantas y de los animales- los seres de maíz, de figura humana, dotados de gran inteligencia, hablaban, razonaban, veían, escuchaban y caminaban: es decir, seres dispuestos para honrar y obedecer a un Creador impreciso, lejano.

En la tradición aymara-quechua, por otra parte, existen también diversas versiones de un mismo relato original. En el principio solo existía Wiracocha, quien primero creó a los animales; luego esculpió en piedra seres gigantes y los llamó Jaque (hombres) y, más tarde, a la mujer y la nombró warmi, ordenándoles poblar el Altiplano andino. Wiracocha se dirigió entonces a una montaña muy alta y dispuso las costumbres y las maneras de vivir, aunque aún el universo no tenía luz. Los seres gigantes, sin embargo, desobedecieron las instrucciones y el Creador decidió destruirlos provocando un diluvio -el Unu Pachakuti, el agua que transformó el mundo-; convirtió en estatuas a los que sobrevivieron, dejándolos en grutas y en los cerros. Al diluvio sobrevivió también un puma, cuyos ojos dorados brillaban en medio del lago Titikaka.

Tiempo después, Wiracocha emergió del lago y transformó los ojos del puma en el sol y en la luna. Se dirigió a Tiwanaco y mezclando con agua y barro del Titikaka a los gigantes que había petrificado, creó hombres y mujeres de menor estatura, la nueva humanidad. Les dio vestidos, nombres, instrumentos agrícolas, les enseñó las lenguas, las costumbres, las artes y les transmitió leyes justas para que pudieran cuidar la Creación. Cuando Manco Capac –el primer Inca- fundó Cuzco –el ombligo del mundo, la ciudad más bella del Tahuantinsuyo-, Wiracocha desapareció: se dirigió al Oeste -al Manqhe Pacha-, donde se pierden las aguas y termina la vegetación, el desierto, el lugar de la oscuridad a dónde van los muertos.

En estos relatos ancestrales, por otro lado, coincide también la referencia al diseño y la estructura del Universo. La principal característica es la relación permanente –la intersección- del mundo de los humanos con el dominio de lo sobrenatural.

Entre los pueblos mayas, por ejemplo, se concibe el Universo formado por tres planos superpuestos; la Tierra aparece en equilibrio entre el plano celeste y el inframundo –de donde manan las semillas y el agua, los bienes que sostienen la vida-. Las pirámides probablemente simbolizan la comunicación entre los tres planos. El movimiento de los astros y principalmente del sol orientaba, de hecho, la posición en el espacio de las ciudades más importantes y de los templos.

Según la cosmovisión andina, Wiracocha dividió el Universo en lugares opuestos y complementarios. El Alax Pacha -el mundo de arriba donde están el sol, la luna y las estrellas- y el Manqha Pacha -el mundo de abajo donde mora el pasado-; entre ambos, el Aka Pacha de los humanos.

El futuro, en efecto, constituye para los quechuas y los aymaras un regreso al pasado; en consecuencia, la vida humana transcurre a través de ciclos. Así, cada quinientos años, aproximadamente, se produce una transformación –el Pachakuti- que da paso a un nuevo período. Entonces, el mundo de abajo –el pasado- retorna al Aka Pacha y el ciclo se reinicia.

El pasado se piensa, pues, como un espacio-tiempo –el Pacha-; forma parte del orden del mundo, de su equilibrio: en realidad, no puede ser destruido, dado que el movimiento del tiempo es circular, igual que en el Cosmos.

Además de la tradición oral, los rituales y el calendario han permitido igualmente a los pueblos indígenas conservar y transmitir la memoria ancestral. El calendario conmemora el movimiento eterno del universo, registrando los cambios en el ámbito sobrenatural y en el de los humanos. En los rituales, la música, la danza, el vestido, los alimentos y la bebida se juntan para celebrar la fertilidad de la tierra y la vida comunitaria; para conmemorar el pasado y revitalizar las costumbres y los valores que fortalecen el orden social. Instrumentos, en fin, que fomentan el arraigo de las personas y de la comunidad en el mundo y en el universo.

VI

¿De dónde podría surgir un Renacimiento capaz de transformar el mundo moderno? –Se preguntó Simone Weil-. El equilibrio y la armonía pueden venir solo del pasado –precisó-, siempre que lo amemos. A su juicio, la vida cotidiana –individual y social- tendría que convertirse en una parábola; es decir, en un relato con un profundo significado espiritual. Por tanto, únicamente el pensamiento antiguo podría hacer fluir “la savia de la vida” en todos los lugares del planeta.

Sin el reflejo de la verdad sobrenatural en el orden del mundo, efectivamente, no son posibles las formas de organizar la vida colectiva de acuerdo a los principios de legitimidad, de obligación y de obediencia: la antigua noción de colectividad que incluye a los vivos, a los antepasados y a los que nacerán en los próximos siglos. Un modo de existencia social, pues, que hunde sus raíces en el pasado y penetra en el futuro; el lugar donde puede custodiarse el legado de los ancestros -principalmente la conciencia del destino de la especie humana, en relación con la obligación de mantener el equilibrio en el mundo- y donde puede ser transmitido a las generaciones. Desarrollar el arraigo en una sociedad “bien hecha” conduce, por tanto, a la recuperación de lo auténticamente humano.

En medio de la situación de desarraigo en la que transcurre la vida social contemporánea, entonces, solo es posible encontrar auxilio en aquello que Weil denominó los “islotes del pasado” conservados vivos sobre la tierra. Por ello advirtió sobre la necesidad de preservarlos donde quiera que estén –“en París o en Tahití”-, porque cada vez quedan menos en el planeta. El futuro está vacío –escribió- y para construirlo no hay otra savia que los tesoros que nos lleguen del pasado.

Fuente: CEPRID

dimanche, 22 février 2015

Populisme : et si les demeurés de l'Europe n'étaient pas ceux que l'on croit ?

Populisme : et si les demeurés de l'Europe n'étaient pas ceux que l'on croit ?

Ex: http://www.atlantico.fr

Chantal_Delsol.jpgLe « populisme » évoque un courant d'opinion fondé sur l'enracinement (la patrie, la famille) et jugeant que l'émancipation (mondialisation, ouverture) est allée trop loin. Si le « populisme » est d'abord une injure, c'est que ce courant d'opinion est aujourd'hui frappé d'ostracisme. Cet ouvrage a pour but de montrer sur quoi repose cet ostracisme, ses fondements et ses arguments. Et les liens entre le peuple et l'enracinement, entre les élites et l'émancipation. Extrait de "Populisme - les demeurés de l'Histoire", de Chantal Delsol,édité aux éditions du Rocher (1/2).

Bonnes feuilles

Il me semble que le désamour entre les centres et les périphéries est homothétique du désamour entre les élites et les peuples. Des deux côtés, même écart culturel qui avec la modernité s’analyse comme un écart moral et vient échouer dans la relation condescendance/ ressentiment. Même rébellion finalement chez les méprisés qui traduisent leur position, jugée inférieure ou retardataire, comme une opinion, pas moins cohérente que d’autres.

Les centres ont déployé des idéaux et des idoles pour les envoyer rayonner dans l’ensemble du cercle imaginaire, et jusqu’aux confins. Ils ont éduqué les élites des confins pour le meilleur et pour le pire. Ils ont servi d’exemples, rêves et cauchemars mêlés. Ainsi les centres européens (Londres, Berlin, Paris) se confèrent-ils à eux-mêmes une vocation de découvreurs, peut-être usurpée. Quand les centres, où s’était concoctée l’idée d’unification européenne, ont mis en oeuvre l’élargis-sement de l’Europe institutionnelle, il s’agissait pour eux de s’adjoindre des périphéries considérées comme « en retard » dans la marche au progrès.

Ces périphéries étaient supposées désireuses de faire un pas en avant, de se moderniser à tous égards, avec l’aide bienveillante des centres. Se moderniser, autrement dit avancer vers le progrès et les Lumières : cette démarche n’a pas seulement une connotation économique, mais aussi morale. Les centres européens ont pensé qu’ils allaient aider les périphéries à améliorer leur niveau de vie, mais aussi les aider à abandonner des moeurs devenues indésirables avec la marche du temps : les périphéries devraient par exemple accepter la libéralisation des moeurs, repousser la religion dans la seule sphère privée, et en tout cas, devenir en toute chose les admirateurs des centres et non leurs contradicteurs, car les centres ne se voient pas en égaux, mais en guides. C’est ce qui explique la dureté des phrases de Jacques Chirac à l’adresse des pays du centre-est : ceux-ci auraient dû imiter les centres, et non pas revendiquer une liberté de parole et d’action.

Aujourd’hui une grande méfiance s’est instaurée face à l’élargissement, et l’on entend partout en Europe occidentale que l’élargissement a été trop rapide, que l’on n’a pas assez réfléchi, qu’il aurait fallu attendre davantage, voire même qu’il faudrait revenir à un « noyau dur » composé des quelques pays occidentaux dans lesquels l’idée de l’Europe institutionnelle a germé juste après guerre. Cette méfiance répond naturellement à une crainte de devoir partager matériellement le bien-être occidental avec un grand nombre de pays moins favorisés (comme on le sait, les Occidentaux sont assez matérialistes, donc peu portés au partage du bien-être). Mais cette méfiance répond aussi, pour une large part, à la crainte de voir des pays moins « avancés » dans la marche aux Lumières gagner de l’influence en ce qui concerne la définition de la « bonne vie ». Autrement dit, les Occidentaux ont le sentiment que l’élargissement, en incluant des provinces périphériques, pourrait faire reculer l’Europe tout entière dans sa marche au Progrès. Car ces périphéries, comme disait Mauriac à propos des provinces, « croient encore au bien et au mal, gardent le sens de l’indignation et du dégoût ». Autrement dit, à l’égal des provinces par rapport à la capitale, elles sont plus attachées aux traditions et plus défiantes face à des changements dont les centres se font les champions. Nul doute, par exemple, qu’une loi autorisant l’euthanasie, déjà votée en Hollande, s’instaurera plus facilement en Espagne ou en France qu’en Pologne ou en Roumanie. Il suffit de lire la presse occidentale vociférant sur les opinions irlandaise ou polonaise à propos de l’IVG, pour apercevoir l’expression de ce qui est vu comme une menace : le traditionalisme des périphéries.

Les périphéries de l’Europe, comme les provinces au sein d’un même pays, tiennent davantage que les centres au maintien des cultures héritées, et si elles acceptent bien le progrès (qui ne l’accepterait pas ?), elles refusent le plus souvent d’adopter des transformations avant d’en avoir mûrement réfléchi les conséquences. Il est clair qu’aujourd’hui, avec le déplacement de l’Europe élargie vers l’Est, la Pologne met tous ses efforts à faire de Varsovie un nouveau centre européen. Varsovie (ou le duo Varsovie/Cracovie) deviendrait alors une métropole assez différente de Berlin ou de Paris, au sens où elle enverrait l’écho d’une autre interprétation des droits de l’homme et de la post-modernité.

Ces deux pôles, qui symbolisent le paradoxe entre le particulier et l’universel, ont réciproquement besoin l’un de l’autre. Il n’y a pas seulement des centres qui tirent vers les Lumières des périphéries passéistes et trop récalcitrantes. Il y a aussi des périphéries habitées d’anciennes sagesses capables de domestiquer le progrès et d’en limiter les perversions. C’est pourquoi on ne peut approuver sans réflexion la volonté de domination des centres qui s’instituent trop facilement détenteurs du Bien. L’histoire avance sans doute à l’instigation des centres. Mais ce sont les périphéries qui peuvent dresser des barrières au bord des gouffres.

Extrait de "Populisme - les demeurés de l'Histoire", de Chantal Delsol,édité aux éditions du Rocher, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.


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samedi, 21 février 2015

Les nouveaux paradigmes du politique

Les nouveaux paradigmes du politique

par Claude BOURRINET

 

bigmother.jpgLes conflits virulents qui ont troublé la vie politique ces deux dernières années ont semblé ranimer la vieille dichotomie entre « gauche » et « droite ». Ne s’agirait-il pas d’une illusion engendrée par la persistance, dans le champ de l’imaginaire idéologique, de réflexes désuets?

 

La postmodernité présente, en effet, plusieurs caractéristiques. Elle se caractérise d’abord par une déréalisation de l’humain, conséquence d’une destruction méthodique des liens fondamentaux qui produisent les appartenances, autrefois considérées comme naturelles, et qui ont été laminées par le libéralisme triomphant, le culte de l’individualisme, du consumérisme, un hédonisme dissolvant, et les progrès de la techno-science. L’humain est comme hors sol, seulement capable de s’attacher à des repères qu’il croît pouvoir se donner. On sait combien, du reste, l’homme ignore quelle histoire il fait, pour peu que l’Histoire soit encore possible.

 

L’évolution de plus en plus accélérée des mœurs, qui a fait passer une société de son statut patriarcal, autoritaire, hiérarchique, à une société clitocratique, maternalisante, infantilisante, émolliente, transforme toute revendication sociopolitique en caprice puéril, en défense d’intérêts particuliers, ou en jeu. Dans le même temps, l’État, qui n’est plus qu’une centrale de management sociétal, et, subsidiairement, un organisme à réprimer toute contestation de l’ordre existant, ne détient plus de puissance que ce que les instances supranationales veulent bien lui laisser. S’emparer de l’Élysée, quelle importance?

 

C’est comme si la vie politique avait été vidée de sang et de sens. Le personnel d’État, qui siège dans les organismes pour la plupart créés sous le Premier Empire, ne sont plus que des machines à projeter des effets d’annonces. On suscite ainsi des réactions, on joue avec les étiquettes, avec des mots chargés de connotations fortes, on manipule des émotions, on provoque de pseudo-événements, dérisoires, qui occupent les consciences. Et, in fine, les concepts de gauche et de droite ne signifient plus grand chose.

 

D’un point de vue géopolitique, un système unique, celui du capitalisme, semble s’imposer. Certes, l’on sait que les États-Unis, acteurs déterminants de cette conquête du marché à l’échelle mondiale, rencontrent des résistances. Cependant, la question est de savoir si ses adversaires incarnent une alternative au libéralisme, auquel cas ils devraient rompre avec le modèle libéral, pour retrouver des racines anciennes, ou bien des alter-libéralismes, des manières différentes de gérer le capitalisme.

 

On voit donc que les enjeux, qui paraissaient clairs il y a cinquante ans, où des systèmes antithétiques s’affrontaient, sont maintenant singulièrement brouillés.

 

Restent des problèmes irréductibles, qu’il est difficile de surpasser, les dangers que présentent l’évolution démographique mondiale, partant les migrations, l’épuisement des ressources énergétiques, la destruction de la nature, la précarisation des société, l’éradication des identités, le ravalement de l’humain à l’état de chose.

 

Cependant, l’homme étant, selon les mots de Dostoïevski, un « animal qui s’habitue à tout », il n’est pas certain que souffrance, désespoir et même l’espoir, aboutissent à une hypothèse de changement radical. Le post-nihilisme a vidé le monde de tout sentiment de la véritable altérité, donc de toute imagination. Le seul rêve permis est celui d’une adaptation heureuse à l’aliénation.

 

Du reste, depuis que l’homme a décidé, au seuil de la modernité, à la Renaissance, que le seul univers possible était le sien, qu’il était le centre du Cosmos, il s’est enfermé dans une prison conceptuel et existentiel.

 

La Révolution est, littéralement, un décentrement de l’individu, un retour aux sources premières de l’Europe spirituelle, à l’assomption de notre Terre natale.

 

Claude Bourrinet

 

• D’abord mis en ligne sur Cercle non conforme, le 9 novembre 2014.

 


 

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vendredi, 20 février 2015

Jean-Claude Michéa: «Si l’on pense sans peur, on ne peut être politiquement orthodoxe»

Jean-Claude Michéa: «Si l’on pense sans peur, on ne peut être politiquement orthodoxe»

 
Ex: http://fortune.fdesouche.com
 
Entretien avec Jean-Claude Michéa qui occupe une place à part dans la pensée critique contemporaine: le philosophe montpelliérain s’est fait connaître en réhabilitant le socialisme populaire, anticapitaliste et anti-autoritaire d’Orwell, se tient loin des médias, loue les vertus du football, affectionne le populisme, tance l’Université et éreinte à l’envi les intellectuels de la gauche plus ou moins radicale.

Rixes et noms d’oiseaux : Lordon, Corcuff, Halimi, Boltanski, Fassin, Garo et Amselle (rien moins) ont ferraillé contre celui, désormais proche des mouvements décroissants, qu’ils accusent de ravitailler la droite réactionnaire. Michéa semble s’en moquer éperdument, amusé, peut-être, à l’idée de scandaliser ceux qu’il assimile à la gauche « bohème » et « petite-bourgeoise » autant qu’à l’extrême gauche « culturelle ».

Le penseur prise les phrases aux allures de piques: il arrive que l’on se perde en chemin mais son œuvre a le mérite de saler les plaies d’une gauche qui, trop souvent, a rompu les ponts avec les classes populaires.

Vous venez du PCF et possédez, à la base, une formation marxiste. Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à ces « frères ennemis », pour reprendre la formule de Guérin, que sont Bakounine, Proudhon, Rocker, Camus, Durruti, Voline, Goodman, Louise Michel, Albert Thierry, Chomsky, Landauer, James C. Scott ou Graeber, que vous ne cessez de citer au fil de vos textes ?

Bien des problèmes rencontrés par le mouvement anticapitaliste moderne tiennent au fait que le terme de « socialisme » recouvre, depuis l’origine, deux choses qu’il serait temps de réapprendre à distinguer.

Il s’applique aussi bien, en effet, à la critique radicale du nouvel ordre capitaliste issu des effets croisés de la révolution industrielle et du libéralisme des Lumières qu’aux innombrables descriptions positives de la société sans classe qui était censée succéder à cet ordre, qu’il s’agisse du Voyage en Icarie de Cabet, du nouveau monde sociétaire de Charles Fourier ou de la Critique du programme de Gotha de Karl Marx.

Or il s’agit là de deux moments philosophiquement distincts. On peut très bien, par exemple, accepter l’essentiel de la critique marxiste de la dynamique du capital (la loi de la valeur, le fétichisme de la marchandise, la baisse tendancielle du taux de profit, le développement du capital fictif etc.) sans pour autant souscrire – à l’instar d’un Lénine ou d’un Kautsky – à l’idéal d’une société reposant sur le seul principe de la grande industrie « socialisée » et, par conséquent, sur l’appel au développement illimité des « forces productives » et à la gestion centralisée de la vie collective (pour ne rien dire des différentes mythologies de l’« homme nouveau » – ou artificiellement reconstruit – qu’appelle logiquement cette vision « progressiste »).

C’est donc l’échec, rétrospectivement inévitable, du modèle « soviétique » (modèle qui supposait de surcroît – comme l’école de la Wertkritik l’a bien montré – l’occultation systématique de certains des aspects les plus radicaux de la critique de Marx) qui m’a graduellement conduit à redécouvrir les textes de l’autre tradition du mouvement socialiste originel, disons celle du socialisme coopératif et antiautoritaire, tradition que l’hégémonie intellectuelle du léninisme avait longtemps contribué à discréditer comme « petite-bourgeoise » et « réactionnaire ».

« C’est avant tout la lecture de Guy Debord et de l’Internationale situationniste (suivie de celle d’Orwell, de Lasch et d’Illich) qui m’a rendue possible cette sortie philosophique du modèle léniniste. »

J’ajoute que dans mon cas personnel, c’est avant tout la lecture – au début des années 1970 – des écrits de Guy Debord et de l’Internationale situationniste (suivie, un peu plus tard, de celle de George Orwell, de Christopher Lasch et d’Ivan Illich) qui m’a progressivement rendue possible cette sortie philosophique du modèle léniniste.

Les analyses de l’I.S. permettaient à la fois, en effet, de penser le capitalisme moderne comme un « fait social total » (tel est bien le sens du concept de « société du Spectacle » comme forme accomplie de la logique marchande) et d’en fonder la critique sur ce principe d’autonomie individuelle et collective qui était au cœur du socialisme coopératif et de l’« anarcho-syndicalisme ».

Et cela, au moment même où la plupart des intellectuels déçus par le stalinisme et le maoïsme amorçaient leur repli stratégique sur cet individualisme libéral du XVIIIe siècle – la synthèse de l’économie de marché et des « droits de l’homme » – dont le socialisme originel s’était précisément donné pour but de dénoncer l’abstraction constitutive et les implications désocialisantes.

Mais, au fond, on sent que la tradition libertaire est chez vous une profonde assise morale et philosophique bien plus qu’un programme politique (pourtant présent, aujourd’hui encore, dans tous les mouvements anarchistes constitués de par le monde). Quelles sont les limites théoriques et pratiques que vous lui trouvez et qui vous empêchent de vous en revendiquer pleinement ?

C’est une question assurément très complexe. Il est clair, en effet, que la plupart des anarchistes du XIXe siècle se considéraient comme une partie intégrante du mouvement socialiste originel (il suffit de se référer aux débats de la première internationale).

Mais alors qu’il n’y aurait guère de sens à parler de « socialisme » avant la révolution industrielle (selon la formule d’un historien des années cinquante, le « pauvre » de Babeuf n’était pas encore le « prolétaire » de Sismondi), il y en a clairement un, en revanche, à poser l’existence d’une sensibilité « anarchiste » dès la plus haute Antiquité (et peut-être même, si l’on suit Pierre Clastres, dans le cas de certaines sociétés dites « primitives »).

C’est ce qui avait, par exemple, conduit Jaime Semprun et l’Encyclopédie des nuisances à voir dans l’œuvre de Pao King-yen et de Hsi K’ang – deux penseurs chinois du troisième siècle – un véritable « éloge de l’anarchie » (Éloge de l’anarchie par deux excentriques chinois, paru en 2004).

Cela s’explique avant tout par le fait que la question du pouvoir est aussi ancienne que l’humanité – contrairement aux formes de domination capitalistes qui ne devraient constituer, du moins faut-il l’espérer, qu’une simple parenthèse dans l’histoire de cette dernière. Il s’est toujours trouvé, en effet, des peuples, ou des individus, si farouchement attachés à leur autonomie qu’ils mettaient systématiquement leur point d’honneur à refuser toute forme de servitude, que celle-ci leur soit imposée du dehors ou, ce qui est évidemment encore plus aliénant, qu’elle finisse, comme dans le capitalisme de consommation moderne, par devenir « volontaire ».

En ce sens, il existe incontestablement une tradition « anarchiste » (ou « libertaire ») dont les principes débordent largement les conditions spécifiques de la modernité libérale (songeons, par exemple, à l’œuvre de La Boétie ou à celle des cyniques grecs) et dont l’assise principale – je reprends votre formule – est effectivement beaucoup plus « morale et philosophique » (j’ajouterais même « psychologique ») que politique, au sens étroit du terme.

« La critique anarchiste originelle laisse peu à peu la place à un simple mouvement d’extrême gauche parmi d’autres, ou même, dans les cas les plus extrêmes, à une posture purement œdipienne. »

jean-claude michéa,entretien,décroissance,philosophie,philosophie politique,politologie,sciences politiques,théorie politiqueC’est évidemment la persistance historique de cette sensibilité morale et philosophique (l’idée, en somme, que toute acceptation de la servitude est forcément déshonorante pour un être humain digne de ce nom) qui explique le développement, au sein du mouvement socialiste originel – et notamment parmi ces artisans et ces ouvriers de métier que leur savoir-faire protégeait encore d’une dépendance totale envers la logique du salariat – d’un puissant courant  libertaire, allergique, par nature, à tout « socialisme d’État », à tout « gouvernement des savants » (Bakounine) et à toute discipline de parti calquée, en dernière instance, sur les seules formes hiérarchiques de l’usine bourgeoise.

Le problème c’est qu’au fur et à mesure que la dynamique de l’accumulation du capital conduisait inexorablement à remplacer la logique du métier par celle de l’emploi (dans une société fondée sur le primat de la valeur d’usage et du travail concret, une telle logique devra forcément être inversée), le socialisme libertaire allait progressivement voir une grande partie de sa base populaire initiale fondre comme neige au soleil.

Avec le risque, devenu patent aujourd’hui, que la critique anarchiste originelle – celle qui se fondait d’abord sur une « assise morale et philosophique » – laisse peu à peu la place à un simple mouvement d’extrême gauche parmi d’autres, ou même, dans les cas les plus extrêmes, à une posture purement œdipienne (c’est ainsi que dans un entretien récent avec Raoul Vaneigem, Mustapha Khayati rappelait qu’une partie des querelles internes de l’I.S. pouvaient s’expliquer par le fait qu’« un certain nombre d’entre nous, autour de Debord, avait un problème à régler, un problème avec le père »).

La multiplication des conflits de pouvoir au sein de nombreuses organisations dites « libertaires » – conflits dont les scissions répétitives et la violence des polémiques ou des excommunications sont un symptôme particulièrement navrant – illustre malheureusement de façon très claire cette lente dégradation idéologique d’une partie du mouvement anarchiste moderne : celle dont les capacités de résistance morale et intellectuelle au maelstrom libéral sont, par définition, les plus faibles – comme c’est très souvent le cas, par exemple, chez les enfants perdus des nouvelles classes moyennes métropolitaines (le microcosme parisien constituant, de ce point de vue, un véritable cas d’école ).

De là, effectivement, mes réticences à me situer aujourd’hui par rapport au seul mouvement anarchiste orthodoxe et, surtout, mon insistance continuelle (dans le sillage, entre autres, d’Albert Camus et d’André Prudhommeaux) à défendre cette idée de « décence commune » dont l’oubli, ou le refus de principe, conduit presque toujours un mouvement révolutionnaire à céder, tôt ou tard, à la fascination du pouvoir et à se couper ainsi des classes populaires réellement existantes.

On a du mal à savoir ce que vous pensez précisément de l’État – une problématique pourtant chère aux marxistes comme aux anarchistes…

Je n’ai effectivement pas écrit grand-chose sur cette question (sauf, un peu, dans la Double pensée et dans mon entretien avec le Mauss), tant elle me semble polluée par les querelles terminologiques. Ce que marxistes et anarchistes, en effet, critiquaient sous le nom d’État au XIXe siècle ne correspond plus entièrement à ce qu’on range aujourd’hui sous ce nom (pour ne rien dire de la critique libérale de l’État qui relève d’une autre logique, malheureusement trop facilement acceptée par certains « anarchistes » parisiens tendance Largo Winch).

Le mieux est donc de rappeler ici quelques principes de bon sens élémentaire. Ce qui commande une critique socialiste/anarchiste de l’État, c’est avant tout la défense de l’autonomie populaire sous toutes ses formes (cela suppose naturellement une confiance de principe dans la capacité des gens ordinaires à s’autogouverner dans toute une série de domaines essentiels de leur vie).

Autonomie dont le point d’ancrage premier est forcément toujours local (la « commune » pris au sens large du mot – cf. Marx –, c’est-à-dire là où un certain degré de face-à-face, donc de démocratie directe – est en droit encore possible). Cela implique donc :

a) la critique de tout pouvoir bureaucratique séparé et qui entendrait organiser d’en haut la totalité de la vie commune.

b) la critique de la mythologie républicaine de « l’Universel » dont l’État serait le fonctionnaire, du moins si par « universel » on entend l’universel abstrait, pensé comme séparé du particulier et opposé à lui. L’idée en somme que les communautés de base devraient renoncer à tout ce qui les particularise pour pouvoir entrer dans la grande famille uniformisée de la Nation ou du genre humain.

En bon hégélien, je pense au contraire que l’universel concret est toujours un résultat – par définition provisoire – et qu’il intègre la particularité à titre de moment essentiel (c’est-à-dire non pas comme « moindre mal », mais comme condition sine qua non de son effectivité réelle).

C’est pourquoi – mais on l’a déjà dit mille fois – l’État et l’Individu modernes (autrement dit, l’État « universaliste » et l’individu « séparé de l’homme et de la communauté », Marx) définissent depuis le début une opposition en trompe l’œil (c’est Hobbes qui a génialement démontré, le premier, que l’individu absolu – celui que vante le « rebelle » libertarien – ne pouvait trouver sa vérité que dans l’État absolu [et réciproquement]).

 « Ce que marxistes et anarchistes critiquaient sous le nom d’État au XIXe siècle ne correspond plus entièrement à ce qu’on range aujourd’hui sous ce nom. »

jean-claude michéa,entretien,décroissance,philosophie,philosophie politique,politologie,sciences politiques,théorie politiqueL’individu hors-sol et intégralement déraciné (le « self made man » des libéraux) n’est, en réalité, que le complément logique du Marché uniformisateur et de l’État « citoyen » et abstrait (tout cela était déjà admirablement décrit par Marx dans la question juive). La base de toute société socialiste sera donc, à l’inverse, l’homme comme « animal social » (Marx) et capable, à ce titre, de convivialité (le contraire, en somme de l’individu stirnero-hobbesien).

Le dernier livre de David Graeber sur la dette (qui prolonge les travaux du Mauss), contient, du reste, des passages remarquables sur ce point (c’est même la réfutation la plus cruelle qui soit du néo-utilitarisme de Lordon et des bourdivins). C’est pourquoi une critique socialiste/anarchiste de l’État n’a de sens que si elle inclut une critique parallèle de l’individualisme absolu. On ne peut pas dire que ce lien soit toujours bien compris de nos jours !

Pour autant, et à moins de rêver d’une fédération mondiale de communes autarciques dont le mode de vie serait nécessairement paléolithique, il est clair qu’une société socialiste développée et étendue à l’ensemble de la planète suppose une organisation beaucoup plus complexe à la fois pour rendre possible la coopération amicale entre les communautés et les peuples à tous les niveaux et pour donner tout son sens au principe de subsidiarité (on ne délègue au niveau supérieur que les tâches qui ne peuvent pas être réalisé au niveau inférieur [ce qui est exactement le contraire de la façon de procéder liée à l’Europe libérale]).

C’est évidemment ici que doit se situer la réflexion – compliquée – sur le statut, le rôle et les limites des services publics, de la monnaie, du crédit public, de la planification, de l’enseignement, des biens communs etc.

Tout comme Chomsky, je ne suis donc pas trop gêné – surtout en ces temps libéraux – par l’emploi du mot « étatique » s’il ne s’agit que de désigner par là ces structures de coordination de l’action commune (avec, bien entendu, les effets d’autorité et de discipline qu’elles incluent) qu’une société complexe appelle nécessairement (que ce soit au niveau régional, national ou mondial).

L’important devient alors de s’assurer du plus grand contrôle démocratique possible de ces structures par les collectivités de base (principe de rotation des fonctions, tirages au sort, interdiction d’exercer plus d’un mandat, contrôle des experts, référendums d’initiatives populaires, reddition des comptes, etc., etc.).

Dans l’idéal, la contradiction dialectique entre la base et le « sommet » (et le mouvement perpétuel de va-et-vient entre les deux) pourrait alors cesser d’être « antagoniste ». Mais, vous le voyez, je n’ai improvisé là que quelques banalités de base.

Comme vous le savez, le terme « libertaire » a été inventé par Déjacque en opposition au terme « libéral », lors d’une querelle avec Proudhon. Vous n’avez pas de mots assez durs contre les « libéraux-libertaires » chers, si l’on peut dire, à Clouscard. Comment expliquez-vous cette alliance a priori incongrue ?

« De là le rôle philosophique que les premiers socialistes accordaient aux concepts de “communauté” (on a presque fini par oublier que le terme “socialisme” s’opposait à celui d’”individualisme”) et leur critique du dogme libéral. »

On aura une idée supplémentaire de toutes ces difficultés sémantiques si l’on ajoute que la traduction américaine du mot « libertaire » (le journal de Joseph Déjacque était certes publié à New-York, mais uniquement en français) est libertarian. Or ce dernier terme (qu’on a curieusement retraduit par « libertarien ») en est peu à peu venu à désigner, aux États-Unis, la forme la plus radicale du libéralisme économique, politique et culturel – celle qu’incarnent notamment Murray Rothbard et David Friedman – au point d’être parfois considéré aujourd’hui comme un simple équivalent de celui d’« anarcho-capitaliste » !

Pour dissiper ce nuage d’encre, il est donc temps d’en revenir aux fondements mêmes de la critique socialiste originelle de l’anthropologie libérale. On sait, en effet, que pour les libéraux – il suffit de lire John Rawls – l’homme doit toujours être considéré comme un être « indépendant par nature » et qui ne peut donc chercher à nouer des liens avec ses semblables (ne serait-ce – écrit ironiquement David Graeber – que pour pouvoir « échanger des peaux de castor ») que dans la stricte mesure où ce type d’engagement contractuel lui paraît « juste », c’est-à-dire, en dernière instance, conforme à son « intérêt bien compris ».

jean-claude michéa,entretien,décroissance,philosophie,philosophie politique,politologie,sciences politiques,théorie politiqueDans cette perspective à la Robinson Crusoé (Marx voyait significativement dans le cash nexus des économistes libéraux – terme qu’il avait emprunté au « réactionnaire » Carlyle – une pure et simple « robinsonnade »), il va de soi qu’aucune norme morale, philosophique ou religieuse ne saurait venir limiter du dehors le droit « naturel » de tout individu à vivre en fonction de son seul intérêt égoïste (y compris dans sa vie familiale et affective), si ce n’est, bien entendu, la liberté équivalente dont sont supposés disposer symétriquement les autres membres d’une société libérale (les interventions de l’État « minimal » n’ayant alors plus d’autre prétexte officiel que la nécessité permanente de protéger ces libertés individuelles, que ce soit sur le plan politique et culturel – la défense des « droits de l’homme », y compris en Irak, au Mali ou en Afghanistan – ou économique – la défense de la libre concurrence et de la liberté intégrale d’entreprendre, de vendre et d’acheter).

Or si la plupart des fondateurs du socialisme partageaient effectivement l’idéal émancipateur des Lumières et leur défense de l’esprit critique (ils étaient évidemment tout aussi hostiles que les libéraux aux sociétés oppressives et inégalitaires d’ancien régime), ils n’en dénonçaient pas moins l’anthropologie individualiste et abstraite sur laquelle cet idéal était structurellement fondé. À leurs yeux il allait de soi, en effet, que l’homme était d’abord un être social, dont la prétendue « indépendance naturelle » (déjà contredite par la moindre observation ethnologique) impliquait – comme Marx l’écrivait en 1857 – une « chose aussi absurde que le serait le développement du langage sans la présence d’individus vivant et parlant ensemble ».

 « La liberté d’expression c’est d’abord et toujours, selon la formule de Rosa Luxemburg, la liberté de celui qui pense autrement. »

De là, naturellement, le rôle philosophique absolument central que ces premiers socialistes accordaient aux concepts d’entraide et de « communauté » (on a presque fini par oublier que le terme de « socialisme » s’opposait, à l’origine, à celui d’« individualisme ») et leur critique corrélative du dogme libéral selon lequel l’émancipation intégrale des individus ne pourrait trouver ses ultimes conditions que dans la transformation correspondante de la société – pour reprendre une formule de l’école saint-simonienne – en une simple « agrégation d’individus sans liens, sans relations, et n’ayant pour mobile que l’impulsion de l’égoïsme » (la coexistence « pacifique » des individus ainsi atomisés devant alors être assurée par les seuls mécanismes anonymes et impersonnels du Droit et du Marché, eux-mêmes placés sous l’égide métaphysique du Progrès continuel de la Science et des « nouvelles technologies »). Il suffit, dès lors, de réactiver ce clivage originel (ce qui suppose, vous vous en doutez bien, une rupture radicale avec tous les postulats idéologiques de la gauche et de l’extrême gauche contemporaines) pour redécouvrir aussitôt ce qui sépare fondamentalement un authentique libertaire – celui dont la volonté d’émancipation personnelle, à l’image de celle d’un Kropotkine, d’un Gustav Landauer, ou d’un Nestor Makhno, s’inscrit nécessairement dans un horizon collectif et prend toujours appui sur les « liens qui libèrent » (comme, par exemple, l’amour, l’amitié ou l’esprit d’entraide) – d’un « libertaire » libéral (ou « anarcho-capitaliste ») aux yeux duquel un tel travail d’émancipation personnelle ne saurait être l’œuvre que d’un sujet « séparé de l’homme et de la communauté » (Marx), c’est-à-dire, en définitive, essentiellement narcissique (Lasch) et replié sur ses caprices individuels et son « intérêt bien compris » (quand ce n’est pas sur sa seule volonté de puissance, comme c’était par exemple le cas chez le Marquis de Sade).

jean-claude michéa,entretien,décroissance,philosophie,philosophie politique,politologie,sciences politiques,théorie politiqueC’est d’ailleurs cette triste perversion libérale de l’esprit « libertaire » que Proudhon avait su décrire, dès 1858, comme le règne de « l’absolutisme individuel multiplié par le nombre de coquilles d’huîtres qui l’expriment ». Description, hélas, rétrospectivement bien prophétique et qui explique, pour une grande part, le désastreux naufrage intellectuel de la gauche occidentale moderne et, notamment, son incapacité croissante à admettre que la liberté d’expression c’est d’abord et toujours, selon la formule de Rosa Luxemburg, la liberté de celui qui pense autrement.

L’an passé, Le Monde libertaire vous a consacré quelques pages. S’il louait un certain nombre de vos analyses, il vous reprochait votre usage du terme « matriarcat », votre conception de l’internationalisme et de l’immigration, et, surtout, ce qu’il percevait comme une complaisance à l’endroit des penseurs et des formations nationalistes ou néofascistes – au prétexte qu’ils seraient antilibéraux et que cela constituerait votre clivage essentiel, quitte à fouler aux pieds tout ce qui, dans ces traditions, s’oppose brutalement à l’émancipation de chacune des composantes du corps social. Comprenez-vous que vous puissiez créer ce « malaise », pour reprendre leur terme, au sein de tendances (socialistes, libertaires, communistes, révolutionnaires, etc.) dont vous vous revendiquez pourtant ?

Passons d’abord sur l’idée grotesque – et visiblement inspirée par le courant féministe dit « matérialiste » – selon laquelle l’accumulation mondialisée du capital (dont David Harvey rappelait encore récemment qu’elle constituait la dynamique de base à partir de laquelle notre vie était quotidiennement façonnée) trouverait sa condition anthropologique première dans le développement du « patriarcat » – lui-même allègrement confondu avec cette domination masculine qui peut très bien prospérer, à l’occasion, à l’abri du matriarcat psychologique.

Une telle idée incite évidemment à oublier – comme le soulignait déjà Marx – que le processus d’atomisation marchande de la vie collective conduit, au contraire, « à fouler aux pieds toutes les relations patriarcales » et, d’une manière générale, à noyer toutes les relations humaines « dans les eaux glacées du calcul égoïste ».

« La conception de la solidarité internationale défendue par les fondateurs du mouvement ouvrier était impossible à confondre avec ce culte de la « mobilité » et de la « flexibilité » au cœur de l’idéologie capitaliste moderne. »

Passons également sur cette assimilation pour le moins hâtive (et que l’extrême gauche post-mitterrandienne ne songe même plus à interroger) de l’internationalisme du mouvement ouvrier originel à cette nouvelle idéologie « mobilitaire » (dont la libre circulation mondiale de la force de travail et le tourisme de masse ne représentent, du reste, qu’un aspect secondaire) qui constitue désormais – comme le rappelait Kristin Ross – « le premier impératif catégorique de l’ordre économique » libéral.

Mes critiques semblent avoir oublié, là encore, que l’une des raisons d’être premières de l’association internationale des travailleurs, au XIXe siècle, était précisément la nécessité de coordonner le combat des différentes classes ouvrières nationales contre ce recours massif à la main d’œuvre étrangère qui apparaissait déjà, à l’époque, comme l’une des armes économiques les plus efficaces de la grande bourgeoisie industrielle.

Comme le soulignaient, par exemple, les représentants du mouvement ouvrier anglais (dans un célèbre appel de novembre 1863 adressé au prolétariat français), « la fraternité des peuples est extrêmement nécessaire dans l’intérêt des ouvriers. Car chaque fois que nous essayons d’améliorer notre condition sociale au moyen de la réduction de la journée de travail ou de l’augmentation des salaires, on nous menace toujours de faire venir des Français, des Allemands, des Belges qui travaillent à meilleur compte ».

Naturellement, les syndicalistes anglais – étrangers, par principe, à toute xénophobie – s’empressaient aussitôt d’ajouter que la « faute n’en est certes pas aux frères du continent, mais exclusivement à l’absence de liaison systématique entre les classes industrielles des différents pays. Nous espérons que de tels rapports s’établiront bientôt [de fait, l’association internationale des travailleurs sera fondée l’année suivante] et auront pour résultat d’élever les gages trop bas au niveau de ceux qui sont mieux partagés, d’empêcher les maîtres de nous mettre dans une concurrence qui nous rabaisse à l’état le plus déplorable qui convient à leur misérable avarice » (notons qu’on trouvait déjà une analyse semblable des effets négatifs de la politique libérale d’immigration dans l’ouvrage d’Engels sur la situation de la classe laborieuse en Angleterre).

Comme on le voit, la conception de la solidarité internationale défendue par les fondateurs du mouvement ouvrier était donc un peu plus complexe (et surtout impossible à confondre avec ce culte de la « mobilité » et de la « flexibilité » qui est au cœur de l’idéologie capitaliste moderne) que celle du brave Olivier Besancenot ou de n’importe quel autre représentant de cette nouvelle extrême gauche qui apparaît désormais – pour reprendre une expression de Marx – « au-dessous de toute critique ».

jean-claude michéa,entretien,décroissance,philosophie,philosophie politique,politologie,sciences politiques,théorie politiqueQuant à l’idée selon laquelle ma critique du capitalisme entretiendrait un rapport ambigu, certains disent même structurel, avec le « néofascisme » – idée notamment propagée par Philippe Corcuff, Luc Boltanski et Jean-Loup Amselle –, elle me semble pour le moins difficile à concilier avec cet autre reproche (que m’adressent paradoxalement les mêmes auteurs) selon lequel j’accorderais trop d’importance à cette notion de common decency qui constituait aux yeux d’Orwell le seul fondement moral possible de tout antifascisme véritable.

Il est vrai que les incohérences inhérentes à ce type de croisade (dont le signal de départ avait été donné, en 2002, par la très libérale Fondation Saint-Simon, avec la publication du pamphlet de Daniel Lindenberg sur les « nouveaux réactionnaires ») perdent une grande partie de leur mystère une fois que l’on a compris que l’objectif premier des nouveaux évangélistes libéraux était de rendre progressivement impossible toute analyse sérieuse (ou même tout souvenir concret) de l’histoire véritable des « années trente » et du fascisme réellement existant.

« Faire place nette à cet “antifascisme” abstrait et instrumental sous lequel, depuis 1984, la gauche moderne ne cesse de dissimuler sa conversion définitive au libéralisme. »

Et cela, bien sûr, afin de faire place nette – ce qui n’offre plus aucune difficulté majeure dans le monde de Youtube et des « réseaux sociaux » – à cet « antifascisme » abstrait et purement instrumental sous lequel, depuis 1984, la gauche moderne ne cesse de dissimuler sa conversion définitive au libéralisme. Bernard-Henri Lévy l’avait d’ailleurs reconnu lui-même lorsqu’il écrivait, à l’époque, que « le seul débat de notre temps [autrement dit, le seul qui puisse être encore médiatiquement autorisé] doit être celui du fascisme et l’antifascisme ».

Or on ne peut rien comprendre à l’écho que le fascisme a pu rencontrer, tout au long du XXe siècle, dans de vastes secteurs des classes populaires, et des classes moyennes, si l’on ne commence pas – à la suite d’Orwell – par prendre acte du fait qu’il constituait d’abord, du moins dans sa rhétorique officielle, une forme pervertie, dégradée, voire parodique du projet socialiste originel (« tout ce qu’il y a de bon dans le fascisme – n’hésitait pas à écrire Orwell – est aussi implicitement contenu dans le socialisme »).

Ce qui veut tout simplement dire que cette idéologie ontologiquement criminelle (analyse qui vaudrait également pour les autres formes de totalitarisme, y compris celles qui s’abritent aujourd’hui sous l’étendard de la religion) trouvait, au même titre que le socialisme, son point de départ moral et psychologique privilégié dans le désespoir et l’exaspération croissante d’une partie des classes populaires devant cette progressive « dissolution de tous les liens sociaux » (Debord) que le principe de neutralité axiologique libéral engendre inexorablement (processus qu’Engels décrivait, pour sa part, comme la « désagrégation de l’humanité en monades dont chacune à un principe de vie particulier et une fin particulière »).

Naturellement, la fétichisation du concept d’unité nationale (qui ne peut qu’entretenir l’illusion d’une collaboration « équitable » entre le travail et le capital) et sa nostalgie romantique des anciennes aristocraties guerrières (avec son culte du paganisme, de la hiérarchie et de la force brutale) interdisaient par définition au fascisme de désigner de façon cohérente les causes réelles du désarroi ressenti par les classes populaires, tout comme la véritable logique de l’exploitation à laquelle elles se trouvaient quotidiennement soumises.

De là, entre autres, cet « antisémitisme structurel » (Robert Kurz) qui « ne fait que renforcer le préjugé populaire du “capital accapareur” rendu responsable de tous les maux de la société et qui, depuis deux cents ans, est associé aux juifs » (Robert Kurz ne manquait d’ailleurs pas de souligner, après Moishe Postone, que cet antisémitisme continuait d’irriguer, « de façon consciente ou inconsciente » – et, le plus souvent, sous le masque d’une prétendue solidarité avec le peuple palestinien – une grande partie des discours de l’extrême gauche contemporaine).

Il n’en reste pas moins que l’idéologie fasciste – comme c’était d’ailleurs déjà le cas, au XIXe siècle, de celle d’une partie de la droite monarchiste et catholique (on se souvient, par exemple, du tollé provoqué sur les bancs de la gauche par Paul Lafargue – en décembre 1891 – lorsqu’il avait osé saluer dans une intervention du député catholique Albert de Mun « l’un des meilleurs discours socialistes qui aient été prononcés ici ») – incorpore, tout en les dénaturant, un certain nombre d’éléments qui appartiennent de plein droit à la tradition socialiste originelle.

« On aurait le plus grand mal à trouver dans l’œuvre de Fassin une seule page qui puisse inciter les gens ordinaires à remettre en question la dynamique aveugle du capital. »

Tel est bien le cas, entre autres, de la critique de l’atomisation marchande du monde, de l’idée que l’égalité essentiellement abstraite des « citoyens » masque toujours le pouvoir réel de minorités qui contrôlent la richesse et l’information, ou encore de la thèse selon laquelle aucun monde véritablement commun ne saurait s’édifier sur l’exigence libérale de « neutralité axiologique » (d’ailleurs généralement confondue, de nos jours, avec le principe de « laïcité ») ni, par conséquent, sur ce relativisme moral et culturel « postmoderne » qui en est l’expression philosophique achevée (à l’inverse, on aurait effectivement le plus grand mal à trouver, dans toute l’œuvre d’Eric Fassin, une seule page qui puisse réellement inciter les gens ordinaires à remettre en question la dynamique aveugle du capital ou l’imaginaire de la croissance et de la consommation).

C’est naturellement l’existence de ces points d’intersection entre la critique fasciste de la modernité libérale (ou, d’une manière générale, sa critique « réactionnaire ») et celle qui était originellement portée par le mouvement ouvrier socialiste, qui allait donc permettre aux think tanks libéraux (Fondation Saint-Simon, Institut Montaigne, Terra Nova, etc.) de mettre très vite au point – au lendemain de la chute de l’empire soviétique – cette nouvelle stratégie Godwin (ou de reductio ad hitlerum) qui en est progressivement venue à prendre la place de l’ancienne rhétorique maccarthyste.

Stratégie particulièrement économe en matière grise – d’où le succès qu’elle rencontre chez beaucoup d’intellectuels de gauche – puisqu’il suffira désormais aux innombrables spin doctors du libéralisme de dénoncer rituellement comme « fasciste » (ou, à tout le moins, de nature à engendrer un regrettable « brouillage idéologique ») toute cette partie de l’héritage socialiste dont une droite antilibérale se montre toujours capable, par définition, de revendiquer certains aspects – moyennant, bien sûr, les inévitables ajustements que son logiciel inégalitaire et nationaliste lui impose par ailleurs.

À tel point que les représentants les plus intelligents de cette droite antilibérale ont eux-mêmes fini par comprendre, en bons lecteurs de Gramsci, tout le bénéfice qu’il leur était à présent possible de tirer de leurs hommages sans cesse plus appuyés – et sans doute parfois sincères – à l’œuvre de Marx, de Debord ou de Castoriadis.

Un tel type de récupération est, du reste, d’autant plus inévitable que le disque dur métaphysique de la gauche moderne – à présent « prisonnière de l’ontologie capitaliste » (Kurz) – ne lui permet plus, désormais, de regarder en face la moindre réalité sociologique concrète (comme dans le célèbre conte d’Andersen sur les Habits neufs de l’Empereur) et, par conséquent, de percevoir dans la détresse et l’exaspération grandissantes des classes populaires (qu’elle interprète nécessairement comme un signe de leur incapacité frileuse à s’adapter « aux exigences du monde moderne ») tout ce qui relève, au contraire, d’une protestation légitime (je renvoie ici au remarquable essai de Stephen Marglin sur The Dismal science) contre le démantèlement continuel de leurs identités et de leurs conditions matérielles de vie par la dynamique transgressive du marché mondialisé et de sa culture « postmoderne » (« cette agitation et cette insécurité perpétuelles » – écrivait déjà Marx – « qui distinguent l’époque bourgeoise de toutes les précédentes »).

« La nouvelle stratégie Godwin apparaît bien comme l’héritière directe de la “Nouvelle Philosophie” de la fin des années soixante-dix. »

jean-claude michéa,entretien,décroissance,philosophie,philosophie politique,politologie,sciences politiques,théorie politiqueDe là, bien entendu, l’étonnante facilité avec laquelle il est devenu aujourd’hui possible de discréditer a priori toutes ces mises en question de la logique marchande et de la société du Spectacle qui, il y a quelques décennies encore, étaient clairement le signe d’une pensée radicale – qu’il s’agisse de l’École de Francfort, de l’Internationale situationniste ou des écrits d’Ivan Illich.

Si, par exemple, le Front National – tournant le dos à la rhétorique reaganienne de son fondateur – en vient, de nos jours, à soutenir l’idée que les politiques libérales mises en œuvre par la Commission européenne, et le déchaînement correspondant de la spéculation financière internationale, sont l’une des causes majeures du chômage de masse (tout en prenant évidemment bien soin de dissocier ce processus de financiarisation « néolibéral » des contradictions systémiques que la mise en valeur du capital productif rencontre depuis le début des années soixante-dix), on devra donc désormais y voir la preuve irréfutable que toute critique de l’euro et des politiques menées depuis trente ans par l’oligarchie bruxelloise ne peut être que le fait d’un esprit « populiste », « europhobe » ou même « rouge-brun » (et peu importe, au passage, que le terme d’« europhobie » ait lui-même été forgé par la propagande hitlérienne, au cours de la Seconde Guerre mondiale, dans le but de stigmatiser la résistance héroïque des peuples anglais et serbe à l’avènement d’une Europe nouvelle !).

En ce sens, la nouvelle stratégie Godwin apparaît bien comme l’héritière directe de la « Nouvelle Philosophie » de la fin des années soixante-dix. À ceci près, que là où un Glucksmann ou un BHL se contentaient d’affirmer que toute contestation radicale du capitalisme conduisait nécessairement au Goulag, la grande innovation théorique des Godwiniens aura été de remplacer la Kolyma et les îles Solovski par Auschwitz, Sobibor et Treblinka. De ce point de vue, Jean-Loup Amselle – avec son récent pamphlet sur les « nouveaux Rouges-Bruns » et le « racisme qui vient » – est incontestablement celui qui a su conférer à ces nouveaux « éléments de langage » libéraux une sorte de perfection platonicienne.

Au terme d’une analyse fondée sur le postulat selon lequel « la culture n’existe pas, il n’y a que des individus » (hommage à peine voilé à la célèbre formule de Margaret Thatcher), il réussit, en effet, le tour de force de dénoncer dans le projet d’une « organisation sociale et économique reposant sur les principes d’échange non marchand, de don, de réciprocité et de redistribution » – autrement dit dans le projet socialiste traditionnel – l’une des incarnations les plus insidieuses, du fait de son supposé « primitivisme », de cette « posture rouge-brune qui fait le lit du Front national et de Riposte laïque » (il est vrai qu’aux yeux de cet étrange anthropologue de gauche, les partisans de la décroissance, les écologistes et les « anarchistes de tout poil » avaient déjà, depuis longtemps, largement contribué à cette lente fascisation des esprits).

Le fait qu’une pensée aussi délirante ait pu rencontrer un écho favorable auprès de tant d’« antifascistes » auto-proclamés (pour ne rien dire des éloges dithyrambiques d’un Laurent Joffrin) nous en apprend donc énormément sur l’ampleur du confusionnisme qui règne aujourd’hui dans les rangs de la gauche et de l’extrême gauche post-mitterrandiennes – mouvement anarchiste compris.

« Je suis sincèrement désolé pour tous ces braves policiers de la pensée qui ne font, après tout, que le travail pour lequel l’Université les paye. »

jean-claude michéa,entretien,décroissance,philosophie,philosophie politique,politologie,sciences politiques,théorie politiqueEt, comme par hasard, c’est précisément dans un tel contexte idéologique – contexte dans lequel tous les dés ont ainsi été pipés d’avance – que tous ceux qui tiennent la critique socialiste de Marx, d’Orwell ou de Guy Debord pour plus actuelle que jamais et contestent donc encore, avec un minimum de cohérence, le « monde unifié du capital » (Robert Kurz), se retrouvent désormais sommés par les plus enragés des « moutons de l’intelligentsia » (Debord) de s’expliquer en permanence sur la « complaisance » que cette critique entretiendrait nécessairement avec les idéologies les plus noires du XXe siècle.

Avec à la clé – j’imagine – l’espoir des évangélistes libéraux d’amener ainsi tous ces mauvais esprits à mettre, à la longue, un peu d’eau dans leur vin, de peur de passer pour « passéistes » ou « réactionnaires ». Tout comme, sous le précédent règne du maccarthysme, c’était, à l’opposé, la peur d’être assimilés à des « agents de Moscou » qui était censée paralyser les esprits les plus critiques.

Il se trouve hélas (et j’en suis sincèrement désolé pour tous ces braves policiers de la pensée qui ne font, après tout, que le travail pour lequel l’Université les paye) qu’il y a déjà bien longtemps que j’ai perdu l’habitude de me découvrir – dans la crainte et le tremblement – devant chaque nouvelle procession du clergé « progressiste » (ou, si l’on préfère, devant chaque nouvelle étape du développement capitaliste). Mais n’est-ce pas George Orwell lui-même qui nous rappelait qu’« il faut penser sans peur » et que « si l’on pense sans peur, on ne peut être politiquement orthodoxe » ?

Ballast

mercredi, 18 février 2015

La cité perverse : libéralisme et pornographie

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La cité perverse : libéralisme et pornographie

Entretien avec Dany-Robert Dufour : Autour de la Cité perverse
Ex: http://fortune.fdesouche.com
A : Généalogie d’un libéralisme « ultra »Actu-Philosophia :
Tout d’abord, je vous remercie de me recevoir, pour cet entretien autour de votre ouvrage La Cité Perverse. Libéralisme et pornographie [1], ce qui nous donnera l’occasion d’aborder le reste de votre œuvre, qui se compose à ce jour de plus d’une dizaine d’ouvrages, de très nombreuses collaborations à des revues et journaux (Le Débat, Le Monde Diplomatique, Le Monde, l’Humanité, etc.), et de vos enseignements en tant que professeur en philosophie de l’éducation à l’université Paris-VIII, ainsi qu’au sein d’universités sud-américaines (Colombie, Mexique, Brésil).
 
Dans La Cité Perverse, livre publié aux éditions Gallimard en 2011, vous expliquez que, sans vouloir faire œuvre de moraliste, vous souhaitez mesurer les effets de la perversion, de l’obscénité que nos sociétés postmodernes poussent à leur paroxysme.
Dès le prologue, vous expliquez vouloir créer une science, la « pornologie générale », consacrée « à l’étude des phénomènes obscènes, extrêmes, outrepassant les limites, portés à l’hybris […], survenant dans tous les domaines relatifs au sexuel, à la domination ou à la possession et au savoir, qui caractérisent le monde post-pornographique dans lequel nous vivons désormais. »
 
La crise financière qui a touché le monde en 2008 semble avoir été révélatrice d’une crise bien plus profonde et bien plus large que celle de l’économie financière, et de ce qu’il n’y a, d’ailleurs, pas qu’une seule crise, mais plusieurs, de la même manière qu’il existe un grand nombre d’économies humaines. Quelles sont, selon vous, les causes de que vous décrivez comme un véritable changement de paradigme civilisationnel ?

 

Dany-Robert Dufour : Quand j’ai commencé à travailler sur cette question, je me suis interrogé sur le tournant qui a été pris il y a maintenant une trentaine d’années, qui est le tournant dit « ultra-libéral » ou « néo-libéral », pour m’interroger sur sa nature. Souvent, on analyse l’ultra-libéralisme ou le néo-libéralisme (ce qui n’est pas tout à fait la même chose), dans le seul champ de l’économie marchande. Or, essayant de faire une généalogie du libéralisme, j’ai trouvé que dès le début celui-ci était une pensée totale. Et cela m’a fait remonter bien avant 1980 et la prise du pouvoir par Reagan aux Etats-Unis et Thatcher en Angleterre, à ce moment de naissance de la pensée libérale comme pensée complète, pas seulement économique.

 

Ce fut tout l’enjeu de mon travail dans La Cité Perverse : montrer comment notre métaphysique occidentale subissait une espèce de renversement majeur, puisque l’on passait globalement, entre 1650 et la fin du XVIIIe siècle, du principe qui avait toujours été avancé depuis l’augustinisme, l’amour de l’autre, à l’amour de soi. Il y avait véritablement là, dans la métaphysique occidentale un tournant, qui est bien illustré par Bernard de Mandeville, cet auteur que j’ai contribué, avec d’autres, à sortir de l’oubli et qui a écrit La Fable des Abeilles (1705). Ce texte a récemment reparu en deux volumes puisque outre la fable, on y trouve tous les commentaires de celle-ci faits par Bernard de Mandeville.

 

La fable avance une maxime nouvelle, au double sens de raison pratique et de morale d’une fable. Il est significatif que Mandeville donne en guise de nouvelle morale que l’ensemble des vices privés peut se transformer en vertus publiques. C’est cette équation – puisque c’est véritablement une équation – qui m’a donné beaucoup à penser, puisque cela revient sur ce que les Grecs nommaient l’epithumia (l’âme d’en bas), les « esprits animaux » chez Mandeville, qui devaient être, non plus réprimés, mais libérés.

 

Bernard de Mandeville analysait en quelque sorte l’histoire humaine comme une longue erreur, celle de la répression des vices privés. Il disait qu’en libérant les vices privés, l’on résoudrait tous les problèmes en devenant riches. Car la richesse permet le développement des arts, des sciences, de toute une série d’artifices que nous n’avions pas avant. Et c’est donc ce qui m’a intéressé : ce moment où la métaphysique occidentale est passée d’un principe à un autre.

 

Dans les vices privés, il y a le goût de l’avidité (greed en anglais) ; le fait d’avoir toujours plus (ce que les Grecs appelaient la pléonexie). Bernard de Mandeville dit que c’est une bonne chose, puisqu’en voulant toujours plus, on produit toujours plus de richesses, et cela est bon pour tout le monde. Ce qui s’entend parfaitement dans le second sous-titre de la fable : “Soyez aussi avide, égoïste, dépensier pour votre propre plaisir que vous pourrez l’être, car ainsi vous ferez le mieux que vous puissiez faire pour la prospérité de votre nation et le bonheur de vos concitoyens“. Ce qui peut se condenser en “il faut laisser faire les égoïsmes”.

 

En outre, il ne faut pas oublier que Bernard de Mandeville a aussi écrit un petit livre amusant qui s’appelle Vénus la Populaire, qui est rien de moins qu’une défense et illustration des maisons de joie, des maisons publiques. Tout cela en étant calviniste ! Pourquoi souhaitait-t-il les défendre ? Parce que c’est une promesse de richesse, car, si la prostitution est peut-être une faute morale pour ceux qui s’y adonnent, c’est aussi une richesse potentielle, car la prostituée, pour plaire à ses clients, va solliciter le couturier, qui devra lui faire de beaux atours, et ce couturier de pauvre qu’il était pourra devenir riche et grâce à cela pourra envoyer ses enfants à l’école. Grâce à qui ? A la prostituée. Et, en faisant le raisonnement de proche en proche, le couturier lui-même va devoir demander de beaux draps au drapier, qui lui aussi pourra devenir riche et envoyer ses enfants à l’école et ainsi faire progresser le niveau de culture et d’éducation du peuple. Donc, tous les vices sont utiles, même le vol. Le voleur est celui grâce auquel l’on pourra développer le droit –ce qui implique de construire des universités, de former des professeurs, des juristes, etc. Tout cela grâce au voleur, sans lequel il n’y aurait nul besoin d’avocats, de professeurs de droit, de prisons et d’architectes pour les construire. C’est donc grâce au vice privé qu’une société s’enrichit et fabrique, sans qu’elle le veuille absolument, la vertu publique.

 

J’ai considéré que, dans cette proposition absolument fondamentale bien que paradoxale, résidait le cœur de la pensée libérale. Elle est résumable ainsi : le vice privé fait la vertu publique, et ce dans tous les domaines. Le premier sous-titre de la fable, qui vaut comme morale de la fable, dit d’ailleurs : « Les vices privés font le bien public, contenant plusieurs discours qui montrent que les défauts des hommes, dans l’humanité dépravée, peuvent être utilisés à l’avantage de la société civile, et qu’on peut leur faire tenir la place des vertus morales. »

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On peut lire dans ces propositions, le fondement anthropologique du libéralisme qui fut un des deux courants essentiels des Lumières. Car, contre le libéralisme anglais, s’est développé l’autre courant, le transcendantalisme allemand, notamment avec Kant, qui apporte l’idée de loi morale, selon laquelle je ne peux pas faire n’importe quoi pour mon propre plaisir ou mon propre intérêt, puisque je dois m’interroger sur la possibilité d’ériger mes actions en loi générale. J’ai analysé la modernité comme l’opposition des deux Lumières, anglaises et allemandes, opposition qui fut très féconde et que je considère comme les deux « chiens de faïence » posés sur la cheminée de la modernité, l’un tirant dans le sens de la loi morale, l’autre dans celui de la libéralisation des vices privés. Cette modernité a duré jusque vers les années 1980, à partir desquelles nous avons vu l’apparition de l’ultra-libéralisme, qui s’est libéré de sa contrepartie allemande, et qui a donc entraîné cette promotion de l’avidité, de l’ « avoir-toujours-plus » qui s’est manifesté dans tous les domaines : la finance certes, mais aussi l’obscénité, avec, par exemple, aujourd’hui, l’emprise sans cesse plus grand de la pornographie.

 

Nous sommes alors entrés dans une autre culture, post-moderne, celle du capitalisme tardif. Et c’est ce moment que j’ai essayé d’analyser, comme temps d’une société qui consent, alors qu’elle ne l’avait jamais fait, ni dans les sociétés traditionnelles ni dans les sociétés occidentales, à la promotion du vice privé.

 

Pour bien comprendre ce tournant, il faut remonter à la crise de 1929. Avant 1929, le capitalisme était essentiellement un capitalisme de production. Or 1929 a été une crise de sur-production où plus rien ne se vendait, de sorte que tout s’est effondré, le système bancaire, le système économique – ce qui a entrainé des faillites et des problèmes sociaux en série, comme le chômage de masse. Mais, au lieu de mourir de sa belle mort, comme Marx l’avait prophétisé, le capitalisme a su profiter de cette crise majeure pour de se reconfigurer, en mobilisant les quelques réserves d’achat subsistantes, et devenir peu à peu un capitalisme de consommation, dirigé vers la satisfaction des appétences pulsionnelles du plus grand nombre avec la fourniture d’objets manufacturés, de services marchands, de fantasmes sur mesure proposés par les industries culturelles qui naissent à ce moment-là, offerts au plus grand nombre.

 

Cette société de consommation s’est véritablement mise en place aux États-Unis à partir de 1945 et est progressivement devenue un modèle pour le monde entier. Il se caractérise de flatter toutes les formes d’appétences relevant de ce que l’on appelait autrefois la concupiscence. Le puritanisme a alors été progressivement marginalisé comme quelque chose de rétro, de vieux, de ringard, au profit de cette révolution dans les mœurs, qui correspond au passage d’un capitalisme patriarcal, puritain, à un capitalisme libidinal, libéré, qui propose la plus grande gamme d’objets de satisfaction des appétences.

 

B : Port-Royal, la concupiscence et la fin des « grands récits »

 

AP : Vous donnez un rôle important à Pascal dans le tournant qui voit, au XVIIe siècle, la naissance de la pensée libérale. C’est selon vous chez lui que ce grand renversement s’opère, et vous rappelez en cela la distinction qu’il effectue au Fragment 458 des Pensées entre les trois concupiscences : la libido sentiendi, qui découle de la passion des sens et de la chair ; la libido dominandi, qui est la passion de posséder toujours plus et de dominer ; et la libido sciendi, qui concerne la passion du savoir. Cette distinction célèbre est une reprise du livre X des Confessions de Saint Augustin, s’étant lui-même inspiré de l’Épître de Jean. Or, vous montrez, par l’intermédiaire d’éléments biographiques, que Pascal a lui-même cédé à la libido dominandi. A partir de 1648, il fait des affaires avec le Duc de Roannez…

 

DRD : Oui, et c’est presque à son corps défendant, puisque le malheureux Pascal était très rigoriste. Mais c’était un immense penseur et il se reprochait – après tout ce qu’il a inventé dans le domaine du calcul, de la géométrie, de l’arithmétique, de la physique – d’être sujet à la libido sciendi. Il se punissait donc par toute une série de maladies, en tant que possédé par cette libido sciendi qui avait déjà été repérée dans l’Evangile de Jean, mise en exergue par Saint Augustin et qu’il a ensuite reprise dans le fragment que vous évoquez. Il se reprochait une tendance à la facilité libidinale qui méritaient des punitions corporelles. Pascal est presque un cas clinique : plus il pense, plus il va loin dans le domaine du renouvellement de la science – à l’époque encore prise dans la scolastique du Moyen Age -, plus il invente (calcul sur les coniques, la pression, le vide, sans oublier l’invention de la « pascaline », considérée aujourd’hui comme l’ancêtre de l’ordinateur…, le bilan scientifique est immense !), plus il devient moderne, et plus il se reproche de céder à la libido sciendi. J’ai repéré aussi un épisode, celui dits des « carrosses à cinq sols » où il cède à la libido dominandi. Pascal est quasiment mourant et, étrangement, il se lance dans une affaire extrêmement intéressante avec le soutien du Duc de Roannez, puisqu’il réussit à installer un système de transport en commun dans Paris en anticipant les points nécessaires de jonction et de changements. Il fabrique donc une sorte de métro de surface, avec toute l’intelligence nécessaire à sa conception. Il réussit fort bien dans cette entreprise, et plus il réussit, plus il va se le reprocher en accueillant des gens qu’on dirait aujourd’hui « marginaux », éventuellement porteurs de maladies contagieuses au point qu’il va se retrouver finalement contaminé, et finir par mourir alors qu’il n’a pas atteint sa quarantième année. Ce fut donc pour moi un cas clinique et philosophique très important, puisqu’il a ouvert quelque chose de neuf tout en pensant qu’il transgressait.

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C’est probablement ce qui lui a fait dire (dans le fragment 106) que “La grandeur de l’homme, [c’est] d’avoir tiré de la concupiscence un si bel ordre”. Il aura là ouvert une voie ensuite reprise par Pierre Nicole, un des Messieurs de Port-Royal, qui, entre autres grandes questions philosophiques, s’est interrogé d’une façon complètement nouvelle sur l’idée de vertu. Qu’est-ce qui fait tenir un grand peuple dans la vertu ? Nicole s’aperçoit, à l’époque des grandes découvertes où d’autres formes civilisationnelles apparaissent, que la vertu des chrétiens n’est pas nécessairement indispensable au fonctionnement vertueux d’une Cité. Il reprend là une idée en vogue à l’époque et avance que ce qui pourrait remplacer cette vertu est un « amour-propre éclairé ».

 

Revient donc une nouvelle fois cette idée d’amour-propre, qui avait été complètement interdite depuis Augustin et les augustiniens. Il était pour eux la source de tous les maux. Et l’on aboutit chez Nicole, fils spirituel de Pascal, à la remise à l’honneur de cet amour de soi. Pascal aura donc, à son corps défendant, ouvert la voie pour que cette notion d’amour propre passe, de proche en proche, des jansénistes aux calvinistes, via Nicole, De Boisguilbert, puis Pierre Bayle.

 

Bayle, converti et reconverti plusieurs fois, va être un lecteur infatigable (en témoigne son fameux grand dictionnaire), notamment de Pierre Nicole qu’il qualifie de « plus grande plume d’Europe ». Et c’est là, arrivée chez les calvinistes, que cette notion d’amour de soi, avec les formes qu’elle pendra chez Mandeville, permettra de lancer, non seulement un laboratoire philosophique, mais aussi et surtout un laboratoire économique et social. C’est en effet cette autorisation donnée à l’amour de soi qui va mener à la première révolution industrielle en Angleterre et va, finalement, transformer le monde.

 

AP : Vous montrez que Pascal n’est pas sorti de cette douleur, de ce tiraillement, comme si la foi le quittait, comme s’il n’était pas capable de se « reprendre », en quelque sorte. Il demeure néanmoins toujours une place pour que le cœur de l’homme change, pour autant qu’il puisse se montrer capable de surmonter la délectation de la concupiscence par la charité. Mais plus généralement ce qui est intéressant dans votre livre, c’est que si vous constatez la fin des grands récits, en reprenant le terme de Jean-François Lyotard, vous ne les rejetez pas pour autant.

 

DRD : Absolument. Cela a été la suite de mon travail.

 

AP : Vous pensez même qu’il existe à notre époque ce que vous appelez une « inversion de la dette », qui touche l’éducation, le rapport à autrui, le rapport au sexe. Pouvez-vous préciser cette idée, cette constatation, qui semble transcender jusqu’aux clivages politiques, puisque tout se passe comme si aujourd’hui s’était substituée au clivage classique gauche-droite une opposition plus large entre libéraux et anti-libéraux, postmodernes et anti-modernes ?

 

DRD : Après la Cité Perverse, j’ai été amené à réfléchir sur cette sortie progressive des grands récits, même s’ils restent en quelque sorte en toile de fond, ainsi que sur ce libéralisme culturel tel qu’il a aussi été mis en place par la gauche, au sens d’une possibilité apparue à certains de se libérer de tout, de toute limite. Cela correspondait pour moi à une possibilité de revisiter les philosophies postmodernes promettant une libération totale, et qui, pour moi, sont apparues, trente ans après avoir été exprimées notamment par Deleuze, Foucault et quelques autres, comme une impasse peu viable car nous entraînant dans l’excès, la démesure, le dépassement permanent, la transgression permanente.

 

Cela m’a amené à m’interroger sur les philosophies postmodernes. J’ai traduit cela dans mon travail comme suit : les grands récits sont en passe d’être bousculés par la prolifération des petits récits de satisfaction pulsionnelle – car le capitalisme libidinal c’est cela, des petits récits de satisfaction, le modèle étant le récit publicitaire – et, paradoxalement, les philosophies postmodernes de gauche ont beaucoup contribué à la mise en place de cet ultra-libéralisme transgressif, selon lequel on peut se libérer de tout.

 

Or, étant freudien, je me souviens du Malaise dans la civilisation, selon lequel la civilisation n’est possible qu’à la condition de certaines répressions pulsionnelles. Si l’on permet tout, on va vers le délitement civilisationnel. Donc, certaines répressions sont nécessaires. Par exemple, dans le freudisme, c’est la limite qui est posée à la pulsion, notamment à la pulsion incestueuse de l’enfant, qui, finalement, permet l’accès au désir. En d’autres termes, il faut sortir du rapport fusionnel avec la mère, pour que l’accès à d’autres soit possible. Cela procède d’une répression pulsionnelle.

 

Et il y a bien d’autres répressions pulsionnelles : devoir en passer par le discours, le langage, ne pas prendre directement les objets dans les endroits où l’on se trouve, entretenir des formes civilisées passant par le discours pour demander si l’on peut faire ceci ou cela. Même dans les démarches amoureuses, on fait des manœuvres d’approche, on parle. Dans les communautés humaines, nous sommes tenus à une certaine dignité par l’habit, on ne montre pas son fonctionnement pulsionnel de manière évidente. Nous sommes donc retenus pulsionnellement. Et tout cela fait partie de la civilisation. Nous mangeons avec des fourchettes, nous ne saisissons pas les aliments avec les mains. Il y a donc toute une série de règles civilisationnelles qui imposent une répression pulsionnelle.

 

Cela m’a amené à m’interroger sur les commandements contenus dans les grands récits : « Tu ne dois pas » faire ceci ou cela. Il y a même un Décalogue qui dit clairement ce que l’on ne doit pas faire. Cela m’a donc amené à m’interroger sur ce dont on pouvait se débarrasser, comme répressions supplémentaires, additionnelles, impropres en quelque sorte, imposant une répression surnuméraire, et sur ce qu’il fallait conserver comme étant nécessaire au fonctionnement civilisationnel. J’ai donc écrit ce livre, L’Individu qui vient… après le libéralisme dans lequel j’examine ce dont il faut se débarrasser et ce qu’il faut conserver dans les deux grands récits fondateurs de l’Occident. Le premier étant celui du Logos des Grecs, le second étant celui du monothéisme venu de Jérusalem et refondé à Rome. J’ai donc été amené à examiner de façon précise ce que ces grands récits posaient comme répressions nécessaires au fonctionnement du lien social, et ce dans quoi ils allaient trop loin, en instituant des répressions additionnelles, ce que Marcuse appelait des sur-répressions. Je pense, par exemple, que dans le récit monothéiste, nous pouvons nous débarrasser du patriarcat. On peut et même on doit se débarrasser de l’oppression qu’il contient à l’encontre des femmes, sans remettre en question la primauté du rapport à l’autre sur le rapport à soi.

 

Dany Robert Dufour invité de l’émission “Question de sens” sur France Culture

 

C : Adam Smith et Sade : puritanisme et perversion

 

A.P : Pour en revenir à Adam Smith le puritain, vous écrivez que s’il fait reposer en une instance extérieure à la conscience (le fameux « spectateur impartial ») la loi fondamentale de l’économie, c’est pour permettre au capitaliste de se soumettre à cette voix et accroître sa libido dominandi. D’où la fascination de générations entières de penseurs libéraux pour la main invisible. Or, vous expliquez que la voix du spectateur impartial s’adresse en réalité… aux pauvres ! Et vous citez un passage peu commenté de la Théorie des Sentiments Moraux où il écrit : « Le pauvre ne doit jamais ni voler, ni tromper le riche […] La conscience du pauvre lui rappelle dans cette circonstance qu’il ne vaut pas mieux qu’un autre et que, par l’injuste préférence qu’il donne, il se rend l’objet du mépris et du ressentiment de ses semblables comme aussi des châtiments qui le suivent puisqu’il a violé ces lois sacrées d’où dépendent la tranquillité et la paix en société. » Le pauvre porte ainsi sur ses frêles épaules une énorme responsabilité : celle de devoir modérer ses appétits, pour le bien de tous. N’est-on pas, de nos jours, parvenus à un paroxysme de cette idée, lorsque le « pauvre » est affublé de tous les maux, comme celui de creuser les dettes par ses dépenses inconsidérées en matière de santé publique, de trop réclamer d’aides sociales au moment où près de dix millions de personnes, rien qu’en France, vivent en-dessous du seuil de pauvreté, et qu’apparaissent des travailleurs pauvres ? L’association bien connue ATQ-Quart Monde a publié en 2013 un petit opuscule intitulé En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté, lequel dresse une large liste des idées reçues sur la pauvreté, avec force chiffres issus de sources officielles. Le résultat est simple : on se demande ce que l’on cherche à cacher, ce que l’on parvient à cacher derrière ces accusations. Selon vous, une prise de conscience collective est-elle possible ou sommes-nous condamnés à demeurer dans une société qui véhicule ce type de préjugés ?

 

DRD : J’espère que l’on pourra s’en libérer. Mais pour ce faire, il faut qu’il existe des instances de délibération, de discussion, or, est-ce que nos sociétés fonctionnent avec ces instances ? ce n’est pas sûr. Même si l’information est large, elle relaie souvent des idées toutes faites. Le problème est celui du discours démocratique, qui me semble menacé par la puissance des industries culturelles, médiatiques, qui modèlent l’opinion publique dans le sens de la production de ses idées fausses, qui font toujours recette. Ce qui peut avoir des conséquences dramatiques, avec l’apparition d’un certain nombre de phénomènes politiques dangereux. Je ne sais pas ce que l’avenir politique nous réserve, nous avons vécu des heures sombres, personne ne peut dire qu’il est impossible de les revivre.

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AP : Vous accordez, dans votre réflexion, une place très importante à Sade. Ses écrits ont pour vous une portée hautement philosophique, vous écrivez même que Si Marx avait lu Sade, « Nous n’aurions pas eu cette division hautement dommageable entre Marx d’un côté pour l’économie des biens et Freud de l’autre pour l’économie libidinale […] nous aurions pu disposer d’une économie générale des passions […] Nous aurions évité la captation et le fourvoiement des esprits rétifs à la théodicée smithienne dans ces fausses alternatives au capitalisme que furent les économies socialistes, qui ne pouvaient conduire qu’au plus lamentable des fiascos. » D’abord, vous ne ménagez personne, et ensuite, peut-on dire que l’on trouve exprimée là le cœur même de votre pensée politique, qui se situerait à la confluence d’un marxisme et d’un freudisme attentifs aux conséquences d’un monde pulsionnel profondément désymbolisé, dont Sade aurait en quelque sorte eu la prescience ?

 

DRD : Oui, Sade est véritablement l’ange noir du libéralisme. C’est celui qui dit en quelque sorte : « Vous voulez mettre au premier plan l’amour de soi ? Vous voulez mettre au premier plan l’égoïsme ? Et bien allons-y. » Et il construit donc toute une série d’utopies, ou plutôt de dys-topies, dans lesquelles il montre un monde qui serait entièrement régi par l’égoïsme, c’est-à-dire par un fonctionnement purement pulsionnel. Et dans cette mesure, oui, je fais grand cas de Sade. Ce n’est pas que j’aime lire Sade, car – tous les grands lecteurs de Sade, de Bataille à Annie Lebrun, l’ont signalé – sa lecture rend malade, mais il a mis le doigt sur quelque chose d’important : si vous mettez l’égoïsme au premier plan, voilà ce que cela donne. Et c’est insupportable – relisez pour vous en convaincre Les Cent Vingt Journées de Sodome ou revoyez le film qu’en a tiré Pasolini. On ne peut donc pas fonctionner que sur le plan pulsionnel.

 

C’est pour cela que je trouve important de voir le capitalisme comme quelque chose qui, à partir d’un certain moment, en 1929 – ce que j’appelle le « retour de Sade » – s’est de plus en plus mis à fonctionner sur un plan purement pulsionnel. C’est ainsi qu’il faut faire une analyse de la manière dont les pulsions fonctionnent, car elles reconfigurent le monde lorsqu’on les laisse aller à leurs fins : la mise au premier plan de l’avidité, notamment dans le monde de la finance, ou de l’obscénité dans la culture post-moderne, etc. Il faut, je crois, s’interroger sur le devenir de notre monde s’il devient entièrement pulsionnel. En ce sens, je prends Sade comme celui qui permet de construire une mise en garde, plutôt que comme quelqu’un qui exalte ce fonctionnement pulsionnel.

 

D : Les manifestations modernes de la servitude volontaire dans la Cité perverse

 

AP. : Vous rappeliez tout à l’heure l’importance du « moment » Reagan-Thatcher dans les années 80. Dans le deuxième chapitre de votre Cité Perverse, vous écrivez : « La révolution passive du capitalisme accoucha [...] de ces jeunes ambitieux cyniques, obsédés par l’argent et la réussite. Soit ceux-là mêmes qui ont pris, à partir des années 1980, la direction du monde. » Vous décrivez là les jeunes générations qui usèrent comme d’un leitmotiv du « greed is good » de la longue tirade prononcée par Gordon Gecko alias Michael Douglas, dans le film « Wall Street » d’Oliver Stone sorti en 1987 qui devint, à son corps défendant, un film culte pour toute cette génération avide d’argent facilement et rapidement gagné. Vous dites par ailleurs qu’aux Etats-Unis, quelqu’un a joué un rôle très important : Edward Bernays, le neveu de Freud…

 

DRD : Bernays est un personnage très important, il a été reconnu par le magazine Times comme une des cent personnalités les plus importantes du XXème siècle, et il a contribué à créer ce que l’on appelle aux Etats-Unis les public relations. Cela a à voir avec le marketing : il ne faut pas oublier que son premier livre s’appelle Propagande, au sens littéral du terme, soit comment manipuler l’opinion des gens. Il a eu pour lecteur et admirateur Joseph Goebbels…

 

Il a expliqué comment manipuler les désirs des individus, afin de leur donner, par le marché, un certain nombre de satisfactions en rapport à des désirs cachés. Il a permis de mettre en adéquation les désirs supposés des individus et des produits correspondants.

 

Je raconte, par exemple, l’épisode qui me semble inaugural et qui se passe en 1929 : la façon dont les femmes ont cru, à la suite de certaines mises en scène de Bernays, pouvoir se libérer… en fumant. Comment ? Tout simplement en prenant le petit objet phallique qui était à disposition des hommes seulement – les femmes qui fumaient étant alors considérées comme dévergondées-, elles ont été amenées à penser se libérer de l’oppression masculine en se mettant à fumer à leur tour. C’est ainsi qu’une opinion peut être manipulée, pour mettre en face d’un supposé désir, l’objet manufacturé, qui peut prétendument le satisfaire. Nous avons affaire aujourd’hui à un marketing généralisé, qui utilise la psychologie profonde, la psychanalyse comme le neveu de Freud savait le faire, mais qui utilise aussi la philosophie.

 

Par exemple, la philosophie deleuzienne a été exploitée d’une façon incroyable avec la reprise par la publicité de l’idée de nomadisme. Soyez nomades, ne dépendez plus de personne, déplacez-vous quand vous le voulez, ayez votre téléphone et vos produits nomades et vous serez complètement libres. Achetez les produits nomades pour ne plus dépendre de personne. Moyennant quoi les gens sont aujourd’hui accrochés à leur portable, doivent travailler en dehors de leurs heures de travail, car ils sont continuellement branchés. C’est aussi une des formes de la manipulation, où, en face d’un supposé désir de nomadisme, c’est-à-dire de sortie des groupes, des clans, de la famille, des communautés, l’on m’offre à acheter des produits qui permettent de faire de moi un vrai nomade, c’est-à-dire quelqu’un qui est continuellement branché. Drôle de nomade, en fait.

 

On met aussi aujourd’hui à profit la neuro-économie, dans la prise de décision d’achat, avec dans l’entourage de tout ce que l’on veut vendre, toute une série de sons, de couleurs, de musiques, supposés euphorisants, suggérant le bonheur, la liberté, et qui ainsi associés au produit, ont pour effet de précipiter la décision d’achat. Ainsi pour être libres, on s’aliène avec le produit. Tous ces mécanismes mettent en lumière un psycho-pouvoir. Nous pensons être libres mais c’est uniquement à la condition de s’aliéner immédiatement à la cigarette, aux produits qui nous poursuivent jour et nuit, comme le portable qui permet aux autres de suivre nos mouvements, nous déranger pendant les heures de repos.

 

AP : Ce qui est très étonnant c’est que, tout à coup, l’homme consent à son propre esclavage…

 

DRD : Exactement, c’est une nouvelle forme de servitude volontaire. C’était le sous-titre d’un de mes livres : la servitude volontaire à l’époque du capitalisme total [2].

 

AP  : D’où vient cette fragilité de l’homme ? Est-ce que cela vient de ce que vous appelez dans un autre ouvrage sa néoténie ?

 

DRD : Oui je pense qu’il faut évoquer ici la néoténie qui permet de comprendre que nous ne sommes pas finalisés pour occuper une place définie dans la hiérarchie des espèces, puisque nous naissons inachevés à la naissance. À la différence des animaux, nous n’avons pas d’instinct nous amenant à occuper une place particulière ; nous avons des pulsions, qui veulent tout et n’importe quoi. Cela crée une très grande débilité, au sens fort du terme, celui de faiblesse, de fragilité. Nous ne sommes pas fixés dans un monde qui est naturel, nous participons à un autre monde qui est celui du langage, de la culture, dans lequel les significations sont extrêmement mouvantes, sujettes à fluctuations et manipulations. C’est notre fragilité fondamentale. Mais cette fragilité est aussi la beauté de l’homme, cela le sort du règne animal, et lui permet de chercher sa voie, sa route.

 

C’est au fond par là qu’a commencé la Renaissance, avec le fameux « discours de la dignité humaine » de Pic de la Mirandole : vous n’êtes pas finalisés pour être ici plutôt qu’ailleurs, c’est donc que vous devez vous achever vous-mêmes. C’est une très belle mission, car c’est la part de liberté que Dieu, s’il existe, nous laisse. Pour une part, vous êtes formatés, mais pour une autre, c’est à vous de vous créer, pour le meilleur et pour le pire.

 

AP : La tentation de la sortie de la réflexion personnelle et du silence n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui. L’homme est fondamentalement fragile mais il l’est rendu encore plus par une société pulsionnelle tentatrice…

 

DRD : Oui, elle pourvoit à tout, à toute pulsion, à toute passion. Ce que vous voulez, on vous le donne. Il n’y a plus de place pour ce que l’on appelait auparavant le retrait, toutes les expériences philosophiques de réforme de l’entendement par le retrait, se retirer du monde, penser par soi-même, etc. Nous sommes aujourd’hui constamment sollicités. Je milite beaucoup pour la reconstitution de cette capacité de retrait par rapport au monde : avoir un temps de pensée personnelle. Je rejoins, par exemple, des auteurs comme Pascal Quignard qui lui aussi recommande certaines formes de retrait. Ne pas être le battant performant que l’on exige que je sois. Ce temps hors monde me semble un temps important pour l’édification de soi.

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AP : Il est donc pour vous encore temps de faire primer le fonctionnement symbolique sur le fonctionnement pulsionnel ?

 

DRD : Je l’espère bien ! Même si cela devient difficile. Nous sommes tout le temps immédiatement embarqués dans un fonctionnement pulsionnel marchand. Le retrait pour un fonctionnement symbolique n’est donc pas gagné d’avance.

 

E : Le programme du Conseil National de la Résistance

 

AP : En 1943, la philosophe Simone Weil a rejoint la France Libre, sur recommandation de son ami Maurice Schumann, où elle est devenue rédactrice. Elle y rédigea un rapport plus tard publié par Albert Camus chez Gallimard qui s’appelle L’Enracinement. Ses propositions ont été, pour certaines, reprises dans le programme du Conseil National de la résistance (CNR), et vous en parlez dans votre dernier ouvrage, L’individu qui vient. Pouvez-vous nous parler de ces propositions et recommandations et nous dire pourquoi elles retiennent tant votre attention. N’est-ce pas dommage qu’elles n’aient jamais été suivies ?

 

DRD : De celles qui ont été mises en place hier, on essaie de sortir à toute force aujourd’hui. La décision de la publication de ce programme, Les Jours Heureux, se prend dans la clandestinité, en 1944. La question qui se pose est : comment refonder un monde sur le principe de dignité ? C’est un programme qui fut fondé non sur l’égoïsme de l’ultra-libéralisme des années vingt aux Etats-Unis qui à mené à la crise de 1929, laquelle a entrainé l’émergence du nazisme en Allemagne, où les foules se sont mises en recherche de l’homme providentiel désignant des boucs émissaires. La question qui se pose à ceux qui sont engagés dans la Résistance est donc celle de la reconstruction d’un monde sur le principe de dignité, et ils vont prendre toute une série de mesures politiques, par exemple le droit de vote accordé aux femmes. Il a fallu attendre 1945 en France pour s’aviser que les femmes étaient aussi capables de pouvoir penser par elles-mêmes et donc bénéficier du droit de vote. Ce sont aussi des principes économiques, l’intérêt collectif primant sur les intérêts individuels dans la grande industrie, dans la banque, la finance. C’est la liberté de conscience, la liberté de presse, le droit à l’éducation, la santé, au travail, à une protection sociale. Or, ces grandes mesures sont, depuis quelques années, remises en question, accusées d’empêcher la compétitivité de la France. Il faudrait détruire tout cela pour en revenir à un ultra-libéralisme équivalent à celui des années vingt, qui fait la toile de fond du grand roman de Francis Scott Fitzgerald, Gatsby le Magnifique, lequel a récemment fait l’objet d’une belle adaptation cinématographique par Baz Luhrmann. Ce n’est un hasard si l’histoire est racontée par un employé de Wall Street, qui constate la folie, la démesure propres à l’ultra-libéralisme, qui renvoient au film dont vous parliez, Wall Street d’Oliver Stone.

 

L’ultra-libéralisme qui triomphe à partir de 1980 reprend en quelque sorte les idées des années vingt et ne peut que s’en prendre à ce qui a été mis en place après 1945. Désormais, le programme du CNR est désigné comme étant ce dont il faut se débarrasser, dans le but de détruire tout ce qui a été édifié à cette époque-là par cette alliance entre les résistants de tous bords que le gaullisme a su fédérer.

 

AP  : Et celle alliance se fait, par nécessité, au-delà des antagonismes idéologiques, en dehors des partis. Et Simone Weil a écrit un petit opuscule, à ce sujet, intitulé Sur l’interdiction des partis politiques. N’est-on pas aujourd’hui confrontés, plus qu’à la crise d’une idéologie, à une crise de la démocratie elle-même ?

 

DRD  : Une crise politique, bien sûr. L’opposition gauche-droite ne signifie plus grand-chose. Nous avons besoin d’autres expressions politiques.

 

AP : On constate d’ailleurs l’apparition d’une gauche que ses contempteurs nomment « réactionnaire », repérable dans les travaux, notamment, de Jean-Claude Michéa.

 

DRD : Je connais Jean-Claude Michéa et je crois pouvoir dire que nous nous apprécions mutuellement, et je suis considéré comme lui comme un néo-réactionnaire. J’analyse le capitalisme ultra-libéral dans son fonctionnement actuel et on me dit néo-réactionnaire, ce qui est tout de même un comble.

 

F : Sur la négation de la « sexuation » : un effet de la pensée permissive

 

AP : Pour ne rien arranger, vous abordez notamment la question de la négation de la sexuation dans nos sociétés postmodernes, qui vous amène à faire une critique de fond du transsexualisme. On vous reproche en conséquence d’être contre les transsexuels, ce qui est évidemment pas le cas, mais vous expliquez que c’est un exemple – et vous faites grand cas des exemples, des faits, puisque vous distinguez entre le fait divers et le fait de structure – ce qui rend votre lecture intéressante, vivifiante et passionnante, car le lecteur voyage dans la philosophie ainsi que, au travers des faits de structure, dans le monde tel qu’il se présente à nous.

 

DRD : Les concepts philosophiques sont pour moi des moyens d’appréhender des éléments et évènements du monde dans lequel nous vivons. Je ne me situe pas dans le monde pur des idées, les concepts sont pour moi des moyens de comprendre et d’entrer dans le monde. Le transsexualisme est à ce titre un symptôme de notre monde. Il doit être analysé avec des concepts philosophiques et psychanalytiques mettant en jeu de grandes questions telles que la constitution et la survie de notre espèce en tant que sexuée. Cette différence sexuelle partie du réel avec lequel nous devons nous accommoder. Nous sommes vivants et donc homme ou femme. Mais nous sommes aussi parlants et il se peut que quelque chose en nous objecte à ce que nous soyons tombés de tel ou tel côté de la sexuation. Je veux dire qu’une femme peut se sentir plus homme que femme ou l’inverse, et je n’ai rien à redire à cela. Rien n’interdit de fantasmer, de se fantasmer autre que ce que nous sommes. Mais à partir du moment où l’on veut devenir vraiment une femme alors que l’on est un homme, ou l’inverse, je pense qu’il y a là une limite à signifier au fantasme. En effet, ce n’est pas parce que je me pense femme si je suis homme, ou l’inverse, que je peux vraiment le devenir. Je peux me travestir et cela fait partie des droits de l’homme. Ainsi porter des vêtements de femme si je suis un homme est une chose, mais passer d’un corps d’homme à un corps de femme en est une autre, car c’est de toute façon impossible. Je pourrais bien faire couper ou ajouter ce que je veux, j’aurai toujours en moi le gêne SRY de la détermination sexuelle qui me désignera à jamais comme mâle ou femelle.

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Or, il y a aujourd’hui toute une industrie médicale et chirurgicale qui promet le changement de sexe, ce qui est un mensonge. On peut changer d’apparence, de look, mais pas de sexe.

 

Du coup, cela m’oblige à prendre position dans le débat sur la PMA et la GPA. Je ne suis pas opposé à ce que des homosexuels adoptent des enfants, car de nombreux enfants ont été recueillis et élevés par des voisins, des oncles ou (sans mauvais jeu de mots) des tantes, et rien ne permet de penser que les homosexuels seraient de plus mauvais parents que bon nombre d’hétérosexuels. Mais on doit veiller à ce que l’enfant ne puisse pas se penser comme fils ou fille de parents adoptifs homosexuels. Ce serait, à ce moment-là, introduire en lui l’idée qu’il aurait échappé à la division sexuelle. C’est pour cela que dans un article du Monde j’ai milité pour qu’on distingue, dans l’identité, deux niveaux juridiques : celui de la procréation (qui sont les parents réels, les géniteurs), et celui de la filiation (qui sont les parents subrogés, ceux qui éduquent l’enfant).

 

Un enfant doit en effet toujours savoir qu’il est né d’un homme et d’une femme, même s’il est élevé par des homosexuels. Sans cette obligation, il ne peut y avoir que des catastrophes provoquées par un déni de réel, comme penser qu’on est l’enfant de deux hommes ou de deux femmes.

 

AP : Il y a un certain nombre de dérives, notamment aux Etats-Unis, où l’on féconde in vitro des enfants pour des couples, et où des sociétés proposent presque de choisir son enfant, comme on choisit une voiture, sur catalogue. Le processus de procréation est ainsi nié, et l’enfant n’est que le fruit d’une manipulation biologique.

 

DRD : La technique doit être ici interrogée. Certaines techniques permettent aujourd’hui la réalisation, le passage au réel du fantasme. Elles mettent en question le réel sur lequel nous sommes anthropologiquement fondés.

 

G : Le dépassement de la structure binaire du structuralisme (de Lévi-Strauss à Blanchot)

 

AP : J’aimerais revenir sur l’importance que vous donnez à la littérature, et notamment à Blanchot, que vous appelez comme « Le grand lecteur du XXème siècle », et ce dès Faux pas et La Part du Feu. Il a inspiré des philosophes-écrivains comme Barthes, Derrida, Foucault, qui font se rencontrer littérature et philosophie. Il fut l’inventeur de « formes rhétoriques saisissantes », écrivez-vous, résultat du maniement très adroit de la figure unaire, « qui permet l’échange de tout en rien, de rien en tout, de l’absence en présence… ». Blanchot demeure selon vous une figure tutélaire invisible. Cette forme unaire fait l’objet de votre premier ouvrage Le Bégaiement des maîtres : Lacan, Émile Benveniste, Lévi-Strauss [3] publié en 1988, dans lequel vous reveniez sur l’enseignement des maîtres du structuralisme. Pouvez-vous préciser ce que vous entendiez par la « structure unaire » de l’énonciation et à quoi celle-ci s’oppose ?

 

DRD : J’ai commencé mon travail de philosophe en essayant de sortir de la logique binaire du structuralisme, qui était contemporain, par Lévi-Strauss par exemple, de la naissance de la cybernétique. Ce n’est pas un hasard s’il a écrit Le cru et le cuit qui est devenu le premier tome des Mythologiques : ce titre évoque une opposition binaire. Et, de fait, Lévi-Strauss analyse les structures de parenté ou le fonctionnement du mythe à l’aide de ces structures binaires. Cela m’est apparu et m’apparaît toujours comme extrêmement important, mais très réducteur, car c’est oublier qu’il y a d’autres types de structures, comme la structure trinitaire (c’est pour cela que mon deuxième livre s’appelait Les Mystères de la Trinité, dans lequel j’ai travaillé sur les formes trinitaires dans l’inconscient, le récit et l’énonciation), et la forme unaire. Un exemple fameux de forme unaire est la parole biblique : « je suis celui qui suis ». Ehièh Ascher Ehièh. Ce qui permet l’auto-fondation de Dieu. A partir d’un moment, cela n’a plus été réservé à Dieu, si je puis dire. Ce n’est pas un hasard si, à partir de 1946, après guerre donc, Benveniste et Jakobson ont affecté cette formule désignant le Grand Sujet aux petits sujets. Comme si Dieu, du fait des exactions des hommes, était mort et que les petits sujets ne pouvaient plus désormais compter que sur eux-mêmes pour se fonder. Cela a donc mis à l’ordre du jour une autre structure, qui est la structure unaire, le « Je qui dis Je » dans laquelle le prédicat et le sujet sont le même. C’est ma lecture de Blanchot qui m’a guidé sur ces structures unaires, il m’a fait sortir de l’emprise binaire totale qu’avait à un moment donné le structuralisme. Même si je ne récuse pas l’idée qu’il existe des structures binaires, je persiste à croire qu’il existe aussi des structures trinitaires et unaires qui sont particulièrement en jeu dans les domaines révélés par les écrits bibliques, la grande littérature. On doit pouvoir les remettre à l’ordre du jour pour penser des phénomènes importants dans le champ de la subjectivation et dans le champ du rapport à l’autre, c’est-à-dire dans les domaines de l’être-soi et de l’être-ensemble. Par exemple : nous ne sommes jamais deux lorsque nous parlons, mais toujours trois. Car quand je parle, « je » parle à un « tu » à propos de « il », lequel renvoie à ce dont nous parlons. Dès que nous ouvrons la bouche pour dire « je », nous sommes donc spontanément trois. Dans le dialogue, nous sommes trois. Mes travaux s’initient à partir de cette sortie du structuralisme pur et dur, qui m’avait beaucoup influencé quand j’étais jeune, et cela m’a contraint à aller rechercher ces autres structures ailleurs : dans le récit biblique et dans la grande littérature, notamment celle de Blanchot ou de Beckett.

 

H : Le libéralisme anti-utilitariste (Constant, Tocqueville) et le kantisme

 

AP. : On aura compris que vous critiquez le libéralisme (en réalité plutôt l’ultra-libéralisme) et en particulier la pensée d’Adam Smith et l’influence très forte qu’il a eu sur l’émergence d’une société fondamentalement perverse. Mais il existe un libéralisme français et anti-utilitariste chez Benjamin Constant et Alexis de Tocqueville. Pourquoi ne pas en parler, puisqu’il permettrait peut-être de montrer que plus qu’une crise du libéralisme, il s’agit d’une déviance d’un certain libéralisme, au sein de ce qui serait en réalité une crise de la démocratie ?

 

DRD : Je ne critique pas le libéralisme politique qui est selon moi une nécessité et une évidence, ce qui m’inquiète c’est le libéralisme économique, ultra, qui étouffe même le libéralisme politique. Il est vrai que je parle peu du libéralisme de Constant et Tocqueville, cela reste quelque part dans ma tête, car je me sens en accord avec ce libéralisme politique, et je le sens même menacé par le libéralisme économique qui prévaut à l’heure actuelle. J’espère avoir le temps d’en repasser par ces auteurs.

 

AP. : Vous opposez Sade à Kant, pour des raisons qui sembleront évidentes. Vous écrivez même dans le deuxième chapitre de la Cité Perverse que La Religion dans les limites de la simple raison a paru la même année que La philosophie dans le boudoir, en 1795. Nous notez que dans son livre Kant semble parler du cas Sade, lorsqu’il évoque « celui qui a choisi l’égoïsme, l’amour inconditionnel de soi », rappelant ainsi la figure du « scélérat » chez Sade. Or il apparaît toujours compliqué de savoir ce que Kant entend par « raison pratique ». Constant fait apparaître, dans la querelle qui les oppose à propos du mensonge, quelque chose d’assez effrayant chez Kant, et qui est en quelque sorte l’anti-humanisme de sa morale. On se souvient de la phrase de la Doctrine du Droit : « La politique doit plier le genou devant la morale. » Cela mènera plus tard, peut-être, à une raison fondamentalement technocratique que l’on retrouve chez Habermas dans sa théorie de l’agir communicationnel. Habermas grand défenseur de l’Europe, elle-même monstre technocratique par excellence…

 

DRD : J’ai été amené à travailler sur la querelle entre Benjamin Constant et Kant par Jean-Claude Michéa qui me faisait la même objection : en suivant sa loi morale, Kant aurait pu dénoncer des résistants à la police vichyste. En fait, je pense que c’est plus compliqué que cela. Vous savez que Kant a écrit un essai sur le mal absolu, et je crois qu’il n’a pas eu le temps d’en écrire un autre sur le mal relatif. C’est donc à nous de l’écrire. S’il l’avait écrit, il aurait résolu autrement sa querelle avec Constant (d’ailleurs au moment de celle-ci, il ne se souvenait plus très bien de quoi Constant parlait). Il aurait convenu qu’il faut parfois mentir pour sauvegarder une forme de loi puisque celle-ci n’est pas nécessairement incarnée dans un pouvoir politique. Il faut ici, je crois, distinguer entre pouvoir et autorité. Celui qui a le pouvoir ne dispose pas nécessairement de l’autorité qui, seule, est conférée par la loi. Or, la loi renvoie à ce qui est supérieur à toute forme de représentation par des individus qui occupent des fonctions de pouvoir. Kant aurait donc pu écrire un essai sur le mal relatif, dans lequel il aurait fini par dire qu’il ne faut absolument pas dénoncer ses voisins à un pouvoir venant frapper à la porte, parce que ceux qui s’en réclament ont peut-être, plus que d’autres, désobéi, pour conquérir le pouvoir, à cette loi supérieure. On ne peut donc pas régler le sort de Kant en affirmant qu’il fait allégeance au pouvoir, sauf à aller dans le sens d’un formalisme comme celui d’Habermas, ou pire, dans le sens de ceux qui disent que Kant a anticipé le nazisme, ce qui est un contresens philosophique total, malheureusement commis par quelques philosophes, comme Onfray.

 

I : Philippe Muray. L’Europe

 

AP : Une dernière question. Que représente pour vous la transformation de la contestation du monde marchand ? N’a-t-elle pas fini par devenir acceptation, pire, participation à celui-ci, qui semblait pourtant être une des raisons de la colère de la jeunesse bourgeoise de mai 68 ? Le cas Cohn-Bendit semble à cet égard tout à fait significatif : membre du Parlement européen pendant plus de vingt ans, partisan d’une Europe fédérale, donc destructrice des Etats-Nations pourtant fondements de la citoyenneté européenne, il a toujours soutenu une organisation politique dont la structure est fondamentalement technocratique. Au fond, tout se passe comme si les libertaires de Mai 68 s’étaient formidablement retrouvés dans le libéralisme libertaire permissif, qui semble vouloir en finir avec l’homme, passer à une civilisation post-humaine dans une Europe branchée, férue d’art contemporain insignifiant ou de fêtes incessantes, que fustigeait un écrivain que vous citez beaucoup et dont vous saluez le talent : Philippe Muray. « L’Occident s’achève en bermuda », écrivait-il. Pour lui, la postmodernité montre une réelle « régression anthropologique », du point de vue de l’art, de l’éducation, des loisirs, du rapport à l’histoire, aux différentes pratiques humaines…

 

DRD : Tout d’abord, un mot sur Philippe Muray. Il est évident que c’est une délectation de le lire, tant c’est un homme libre, qui n’appartient pas au carcan de la gauche hédoniste transgressive dont nous parlions, et qui analyse tous les effets réactionnaires de la transgression, justement. Il pense le monde vers lequel cela peut nous amener. On l’a classé à droite, mais il peut à mon avis aussi bien être classé à gauche, voire à l’extrême-gauche. D’ailleurs il vient de ce monde, il a été soixante-huitard sans le renier. C’est un analyste merveilleux, un homme qui n’est pas embarrassé par toutes les formes prégnantes du libéralisme de gauche, de son politiquement correct, il y va donc de bon cœur, et le lire est tout à fait revigorant.

 

Ensuite, sur la forme que pourrait avoir une Europe. Il est évident le capitalisme marchand et financier ne peut pas souffrir la conservation des Etats, puisqu’ils sont ce qui ne peut que freiner la circulation toujours élargie de la marchandise, en imposant des règlements sanitaires, le droit du travail, ou des formes de régulations économiques et financières.

 

Donc, la visée de ce capitalisme marchand et financier est clairement la destruction des Etats. Maintenant, faut-il se diriger vers des formes de souverainisme à l’ancienne ? Je ne crois pas. Car les États n’ont plus la force de s’opposer aux flux marchands, et peuvent être contournés très facilement. La solution serait peut-être de mettre en sourdine leurs différences, qui ont amené à tant de guerres en Europe, et de mettre ensemble ce que les Etats-Nations européens ont en commun, sous la forme, par exemple, d’une fédération qui pourrait alors avoir la force suffisante pour réguler les flux marchands et financiers.

 

__________________________________________________

 

La Cité perverse

. Libéralisme et pornographie

 

 

Notes :

 

[1] Dany-Robert Dufour, La Cité perverse. Libéralisme et pornographie, Gallimard, coll. Folio, 2012

 

[2] cf. Dany-Robert Dufour, L’art de réduire les têtes. Sur la nouvelle servitude de l’homme libéré à l’ère du capitalisme total, Denoël, 2003

 

[3] Dany-Robert Dufour : Le bégaiement des maîtres : Lacan, Emile Benvéniste, Lévi-Strauss, 1988, Bourin, 1994

samedi, 14 février 2015

The New Market Ideology

 

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Jure Vujic:

The New Market Ideology

Conference about ideological tendencies in contemporary society, Zagreb, Croatia, december 2014.

"Ideological Tendencies” Gathered A Few Hundred Inquiries

The big hall of ‘Matica Hrvatska’ (MH) was packed on a Thursday 11th december with those whose attention had been drawn by the topic of a round table which had been organized by World Youth Alliance Croatia in cooperation with Politology Department of MH .

Ideological tendencies in contemporary society do not only relate to totalitarian regimes which naturally spring up when we talk about ideology as a commonly accepted term, said the head of Politology Department of MH, political scientist Jure Vujić who started the polemic. Market ideologists, thinks Vujić, brace the myth of continuous progress which as a goal has a fulfillment of some kind of lost paradise for which every man is yearning. They succeed in their means following a distorted human consciousness which holds that the progress is exclusively maintained by market development.

A viewpoint that science is the only means to the genuine knowledge about the world is what differs science from scientism, said prof. Stipe Kutleša, physicist and a philosopher, pointing to the snare to which modern science falls in. In the same manner as every ideology does not permit the existence of truth claims outside of her own system, some scientist do not think there is genuine knowledge apart of empirically verifiable one.

Professor Tomislav Kovač from the Faculty of Catholic Theology in Zagreb spoke about religious fundamentalism in the context of ideologies, which attracts the most attention in the public square. Albeit public recognition is generally restricted to fundamentalist acts of some Islamic fractions, the notion as it is has its roots in American Protestantism, which had, two centuries ago, brought forth few groups which were against the modernization and secularization of society. In that sense, Kovač holds, we shall rather speak in plural – religious fundamentalisms. They start off from principally positive things, stoping the overwhelming secularization of society, but the way they act takes the ideological forms.

When it comes to neo-liberalism, dr. sc. Neven Šimac again reflected upon market component and warned, whilst presenting a survey of modern economical crisis, that in mentality which justifies indebtedness as an effect of stance that we ought to be greedy, crisis is being understood as “normal”.

Young doctoral student , Marina Katinić, appeared with the feminism topic, citing the works of 16-th century male Croatian novelists. Katinić tried to define, using the historical review, settings in modern feminism movements which have ideological tendencies. She emphasized cyber-feminism as a means to the end in redefining gender using cyber space.

After lectures, discussion emerged. Judging by the questions posed, we can conclude that the topic audience was the most interested in was neo-liberalism. Lecturers agreed that “mercantile logic unifies all critically analyzed ideologies”.

 

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Hrvoje Vargić, World Youth Alliance Croatia’s Vice President, M.A. in Economics and philosophy student moderated the event. The entire event was of humanitarian character, hence participants, whilst the admission was free, could contribute to youngsters living in Home for orphans at Vrhovac, Zagreb.

World Youth Alliance Croatia is a branch of the global organization World Youth Alliance which is dedicated to promoting and defending human dignity and solidarity among youth, by means of educational and cultural content and youth impact on public policies. WYA has been in Croatia for little over a year. In that time, several cultural and educational events have been carried out.

Jure Vujic :

The new market ideology

(memory-speech)

The market is everyday life became unquestionable paradigm and part of our mental habit. As a term that represents the place where the supply and demand, the market has also become part of our social imaginary that runs through advertisements, phones, internet, and the ubiquity of talking about the status of socio-political dogma which imperatively associated democracy with a market system. But despite being a market mechanism to regulate relations between buyer and seller (and there is nothing objectionable), it is highly questionable paradigm when it became the dominant model of social, political and cultural organization. We should not forget that the market always involves the quantification of value, services and goods, and that, as such, impose ideological terms criterion and inevitably reduces all human dimension to the utilitarian equation. In fact the market, as pointed out by economist Roger Guesnerie, "great abstraction", which colonized all other cultural and philosophical dimensions of life. The Hungarian-American economist Karl Polanyi rightly distinguishes between the "market society" from "market economy". The market economy is formed when strategic public wealth, and there is talk about the work, land and natural resources, are destined for sale. The market economy in turn becomes a market society when the market dictates its legality social and political institutions. Polanyi in this case speaks of a society that is built into the economy, although the economy should be integrated into society. In this way, under the pressure of conceptual confusion democracy itself became a "market" and thus should replace all other forms of social democracy.

It is true that the market has never been independent of society. Smith's laissez-faire dogma fact is fiction and not a natural category. The market never establishes itself, because free markets never have existed if left to market anarchy and spontaneous course of things. The Company provides and restricts his place, and when the market disappeared, will not be forgotten and society, which means that market disappeared just as the organ of economic autoregulation. Another prejudice widespread belief that the market determines and understood democracy as though the market really comes to the pluralism of social life, it should be noted that it is very well adapted to each other form of political regime and order. It is now scientifically accepted that the market is not the only pattern of democracy, and Polanyi believes that fascism is a direct result of dysfunction of market societies. The greatest weakness of the market is that it is not tied to any parent ethical norm, and sociologist Jean Gadrey points out that what actually impoverishes social relations based on reciprocity and solidarity. Moreover, Polanyi points out, under the trade policy of the poor can "starve".

The Enlightenment's sources of market ideology

To better understand this paradigm change (transition from a market economy to a market society) should first determine which are the philosophical roots of the market and point to his close connection with the liberal philosophy of the Enlightenment. It could be said that the paradigm of economic growth from the eighties replaced paradigm of sustainable growth, while the advent of neo-liberalism ideology of the market is becoming a new global paradigm that humanity should usher in a new golden age, the lost paradise "welfare society". This is a new secular religion that through competition and material success actually offers a new salvation and redemption. The market is as a social model has undergone fate similar to that of reason and rationality, which are mutated during the Enlightenment of human cognitive powers of the instrument calculated utilitarianism which calculate the most economical application of resources for a particular purpose. Instrumental market as an interchange framework and its idolatry turned into a kind of epistemological goal (not as a framework trade) that the law of supply and demand applies to all social, cultural and political segments of human society. Market neoliberal global uniformisa- and fetishization of the free market (free market) on a planetary scale is actually an offshoot of a postmodern utopia unified humanity which is found in Tomasso Campanella, Thomas Moore, Kant, Fourier and Saint-Simon, and later in the Wilsonian ideals of world rule. In this sense, the global unified market should unite mankind in planetary consumer society in which should disappear ethnic and religious conflicts. The ideology of the market, therefore, is the main engine of spreading the ideology of sameness.

Liberal economic and political ideology was created with the philosophy of the Enlightenment, and the economic, monetary and political dimension of the market can not be reviewed or evaluated outside the framework of understanding the world and society based on the Enlightenment, ie the piLiberalosophy of John Locke, David Hume, Mandeville ("private vices are the source of virtues "), Voltaire, Adam Smith and others. It is no coincidence that identities are formed as part of the Enlightenment and become problematic in the modern era. And that in turn means that the holder of a modern changes that directly damage identities. This change is primarily related to the growth of individualism, whose origins go back to the philosopher Descartes. For Descartes, there are "sublimation of man", as the author states in advocating a kind of "ontological loneliness", where a man now do not need any more communities. One of the consequences of political atomism which appears in the 17th century, especially in the theories of the social contract, as well as reducing the individual to socially isolated and replaceable atom.

A society without institutions

The ideology of the market belongs to constructivist conceptual matrix that does not recognize the reality of the natural and organic base of society and as such stems from the mechanical conception of society that are opposed to the idea of the community. The ideology of liberalism, which touched economy somewhat during the 19th century and the advent of modern spread its epistemological impact on the field of social sciences and humanities. The radicalization of the new liberal political philosophy after the First and Second World War led to the legacy of economic and social democracy (Catholic social teaching). There is the vision of a world reduced to a market that promotes a new cultural model. This new liberal "vision of the world" is gradually incline the Social Democrats, the right and left liberals, Democrats and part of the labor unions. In parallel with the rise of monetarism seventies created a new tendency in the form of the liberal faction, which is based on microeconomic principles of synthesis that wants to integrate "the overall social and human behavior". Representative current and Gary Becker, who in economic theory introduces traditional sociological elements: racial and sexual discrimination, education, consumption and distribution of time and family. Its synthesis is based on two pillars: market equilibrium hypothesis and maximize profits.

Becker's approach radicalizes liberal thesis in relation to the neoclassical school, which accepts the possibility of dysfunction of the market because the market at Becker ubiquitous phenomenon. This understanding of the market advocates the application of instrumental rationality. According to him all the individual and social behavior deductively derived from the same rationality and the individual is abstract being no liability in relation to community and others. Therefore, every social interaction determines the economic interest. Such flow products postulate that paved the way neoliberal era: it is possible to establish a society without institutions. Family, businesses, interest groups, states and schools are just derivatives of interest games of different actors, and every form of historical genesis and sedimentation, which explains the development is considered from this perspective useless. The symbolic narrative repertoire of world views, perceptions, traditions and culture thrown in favor of maximizing profits, and microeconomics becomes a social link and the main principle. These are difficult and led to further economization of all the other dimensions of human existence. The neoliberal school even criticized Milton Freedman or Friedrich Hayek that are not radical enough on the criticism of state interventionism as to her state should completely disappear and give way to the market. Michel Foucault is so lucid that neoliberalism is gradually becoming a "technique of government economic and social policy that expands the market mechanisms and laws to all other segments".

Market and culture

The new libertarian vision of society promotes the idea of the market as an ideal model of social relations, and the ubiquity of market logic is colonized and the sphere of culture. Indeed, his commercialization and industrialization of culture, but do need to point out that the man as a social being in its entirety has become a mechanism to renew logic instrumentalized reason, the logic of profit and interest. Market promotes ideology through visual culture while trying to win over society and individuals because it denies other forms of symbolic exchange and social relations based on ritual dimensions and other cultural codes. The concept of network markets was coined by Robert Leroy to describe the market in the form of a network that connects the whole society in which it is difficult to identify what the Economic and what the cultural sphere. Capitalism has gradually adapted to such cultural dimension of the market and in its contemporary ludic and cognitive form of manipulating consumption. Modern form of capitalism is no longer, as in the 19th century, subject only to market forces in the sphere of production, but now is a part  of private life in the sphere of consumption, ideas, art, education and private life. Created by a new form of fatalistic resignation that assumes that the capitalist system is invariable and that encourages a kind of escapism in the form of the pleasures of sex, drugs and can be derived from this model of one-dimensional man. What is visible in the political arena is that the ideology of the market and neoliberalism shook the entire ideological tradition and structure of the Left and the Right, social democracy, Christian democracy and communist tradition and that prevented the emergence of alternative non-market social and economic model. It could, finally, to say that the historical irony that Marxist materialist homo economicus project actually leads to the end and improved roller economization of neoliberal ideology of the market.

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mercredi, 11 février 2015

Elementos nos 85, 86, 87 & 88

ELEMENTOS Nº 88. LA NUEVA DERECHA Y LA CUESTIÓN DEL FASCISMO

 


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SUMARIO.


Nueva Derecha, ¿extrema derecha o derecha extravagante?, por José Andrés Fernández Leost

La Nueva Derecha y la cuestión del Fascismo, por Diego Luis Sanromán

La Nueva Derecha. ¿«Software» neofascista?, por Rodrigo Agulló

Plus Ça Change!  El pedigrí fascista de la Nueva Derecha, por Roger Griffin

¿Discusión o inquisición? La Nueva Derecha y el "caso De Benoist", por Pierre-André Taguieff

El Eterno Retorno. ¿Son fascistas las ideas-fuerza de la Nueva Derecha Europea?, por Joan Antón-Mellón

¿Viejos prejuicios o nuevo paradigma político? La Nueva Derecha francesa vista por la Nueva Izquierda norteamericana, por Paul Piccone

La Nueva Derecha y la reformulación «metapolítica» de la extrema derecha, por Miguel Ángel Simón

El Frente Nacional y la Nueva Derecha, por Charles Champetier

La Nueva Derecha y el Fascismo, por Marcos Roitman Rosenmann

ELEMENTOS Nº 87. LEO STRAUSS: ¿PADRE DE LOS NEOCONS?

 
 

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Sumario.-


Leo Strauss: filosofía, política y valores, por Alain de Benoist


Leo Strauss, el padre secreto de los “neocon”, por Esteban Hernández


Leo Strauss y la esencia de la filosofía política, por Eduardo Hernando Nieto


Leo Strauss, los straussianos y los antistraussianos, por Demetrio Castro


Leo Strauss, ideas sin contexto, por Benigno Pendás


Leo Strauss: los abismos del pensamiento conservador, por Ernesto Milá


Leo Strauss y la política como (in)acción, por Jorge San Miguel


Leo Strauss y la recuperación de la racionalidad política clásica, por Iván Garzón-Vallejo


¿Qué es filosofía política? de Leo Strauss. Apuntes para una reflexión sobre el conocimiento político, por Jorge Orellano


Leo Strauss y su crítica al liberalismo, por Alberto Buela


Leo Strauss y la redención clásica del mundo moderno, por Sergio Danil Morresi


Leo Strauss: lenguaje, tradición e historia, por Jesús Blanco Echauri


Mentiras piadosas y guerra perpetua: Leo Strauss y el neoconservadurismo, por Danny Postel


La mano diestra del capitalismo: de Leo Strauss al movimiento neoconservador, por Francisco José Fernández-Cruz Sequera

 

ELEMENTOS Nº 86. UN DIÁLOGO CONSERVADOR: SCHMITT-STRAUSS

 





Sumario.-

¿Teología Política o Filosofía Política? La amistosa conversación entre Carl Schmitt y Leo Strauss, por Eduardo Hernando Nieto

Entre Carl Schmitt y Thomas Hobbes. Un estudio del liberalismo moderno a partir del pensamiento de Leo Strauss, por José Daniel Parra

Schmitt, Strauss y lo político. Sobre un diálogo entre ausentes, por Martín González

La afirmación de lo político. Carl Schmitt, Leo Strauss y la cuestión del fundamento, por Luciano Nosetto

Modernidad y liberalismo. Hobbes entre Schmitt y Strauss, por Andrés Di Leo Razuk

Leo Strauss y los autores modernos, por Matías Sirczuk

Leo Strauss y la redención clásica del mundo moderno, por Sergio Danil Morresi

Sobre el concepto de filosofía política en Leo Strauss, por Carlos Diego Martínez Cinca

Secularización y crítica del liberalismo moderno en Leo Strauss, por Antonio Rivera García

La obra de Leo Strauss y su crítica de la Modernidad, por María Paula Londoño Sánchez

Carl Schmitt: las “malas compañías” de Leo Strauss, por Francisco José Fernández-Cruz Sequera

Carl Schmitt, Leo Strauss y Hans Blumenberg. La legitimidad de la modernidad, por Antonio Lastra
 

ELEMENTOS Nº 85 EL DINERO: DEIFICACIÓN CAPITALISTA

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La religión del dinero, por Ernesto Milá
 
Dinero, dinerización y destino, por Germán Spano

 

El dinero como síntoma, por Alain de Benoist

 

El poder del ídolo-dinero, por Benjamín Forcano

 

El poder del dinero: la autodestrucción del ser humano, por Antonio Morales Berruecos y Edmundo Galindo González

 

El dinero como ideología, por Guillaume Faye

 

La ideología del dinero en la época actual, por Juan Castaingts Teillery
 
Georg Simmel: el dinero y la libertad moderna, por Andrés Bilbao
 
¿El dinero da la felicidad?, por Pedro A. Honrubia Hurtado

 

Los fundamentos onto-teológico-políticos de la mercancía y del dinero, por Fabián Ludueña Romandini
 
Mundo sin dinero: una visión más allá del capitalismo, por Juan E. Drault
 
La época de los iconoclastas, por Alain de Benoist
 
Las identidades del dinero, por Celso Sánchez Capdequí
 
La ganga y la fecundidad del dinero, por Emmanuel Mounier
 
El dinero-financiero y el poder de la globalización, por Iván Murras Mas y Maciá Blázquez Salom

mercredi, 04 février 2015

Trotskisme yankee et invention du néo-conservatisme

Trotskisme yankee et invention du néo-conservatisme

Auteur : Denis Boneau
Ex: http://zejournal.mobi

Qui sont les « néoconservateurs » américains et occidentaux ? Historique du mouvement issu du trotskisme en gardant présent à l’esprit que Trotski, tout comme Lénine, était un agent de Wall Street et de la City de Londres. Voir à ce sujet notre dossier sur « Wall Street et la révolution bolchévique » de l’historien Antony Sutton. Ceci nous éclaire sur le pourquoi capitalisme et capitalisme d’état (marxisme et ses variantes léniniste, trotskiste, staliniste, puis plus tard maoïste…) sont les deux côtés de la même pièce capitaliste, pilotés par les mêmes intérêts convergents de la haute finance et de l’industrie transnationale. Le mouvement trotskiste néoconservateur n’en est qu’un des avatars supplémentaire…

En France, Jospin et Cambadélis (entre autres) issus du mouvement « lambertiste », en sont les représentants de longue date…

hook1.jpgÀ partir de 1945, les services de propagande états-uniens et britanniques recrutent des intellectuels souvent issus des milieux trotskistes afin d’inventer et promouvoir une « idéologie rivalisant avec le communisme ». Les New York Intellectuals, Sidney Hook (photo) en tête, accomplissent différentes missions confiées par la CIA avec zèle et efficacité, devenant rapidement des agents de premier plan de la Guerre froide culturelle. Des théoriciens majeurs de ce mouvement, comme James Burnham et Irving Kristol, ont élaboré la rhétorique néo-conservatrice sur laquelle s’appuient aujourd’hui les faucons de Washington.

En 1945, les stratèges soviétiques veulent obtenir la reconnaissance des démocraties populaires de l’Europe de l’Est. Ils lancent, en s’appuyant sur les services secrets, une campagne internationale pour la paix. Leur objectif est de conserver le contrôle du « glacis défensif » en évitant une série de conflits armés avec la coalition anglo-saxonne. En Grande-Bretagne, les gouvernements, notamment celui de Clement Attlee, cherchent à rompre avec la propagande de guerre qui a justifié de 1942 à 1945 l’alliance avec Moscou. Dans ce contexte, en février 1948, Attlee crée, au sein du Foreign Office, le Département de recherche de renseignements (IRD), véritable « ministère de la Guerre froide » alimenté par les fonds secrets et chargé de produire de fausses informations pour discréditer les communistes. Aux États-Unis, la situation est plus favorable. Les procès de Moscou, l’exil de Trotski, ancien bras droit de Lénine, et le pacte germano-soviétique ont considérablement nui au Parti communiste. Dans ce contexte, les marxistes rejoignent massivement l’aile trotskiste de la gauche radicale dont une fraction pactisera avec la CIA, trahissant la IVe Internationale. Après une série d’échecs désastreux, les services soviétiques renoncent à toute influence idéologique aux États-Unis et privilégient les pays d’Europe de l’Ouest, spécialement la France et l’Italie.

Les services secrets britanniques et états-uniens cherchent à fabriquer une pensée assez crédible et universelle pour rivaliser avec le marxisme-léninisme. Dans ce contexte, les New York Intellectuals – Sidney Hook, James Burnham, Irving Kristol, Daniel Bell…- vont constituer des combattants culturels particulièrement efficaces.

Les premiers « coups tordus »

Les New York Intellectuals n’ont pas besoin d’infliltrer les milieux communistes : ils s’y trouvent déjà et s’y définissent comme militants trotskistes. La CIA, en recrutant des hommes comme le philosophe marxiste Sidney Hook, collecte des renseignements utiles sur la gauche radicale états-unienne et tente de saboter les réunions internationales parrainées par Moscou.

towund.jpgEn mars 1949, à New York, se tient une « conférence scientifique et culturelle pour la paix mondiale », à l’hôtel Waldorf Astoria. Des délégations de militants communistes s’y pressent ; la réunion est secrètement supervisée par le Kominform. Mais l’hôtel est sous contrôle de la CIA, qui y a installé un quartier général secret au dixième étage. Sidney Hook, qui joue le communiste repenti, reçoit à part des journalistes auxquels il explique « sa » stratégie contre « les staliniens » : intercepter le courrier du Waldorf et diffuser de faux communiqués. Profitant de la « position de cheval de Troie » de Sidney Hook, la CIA mène une campagne d’intoxication médiatique allant jusqu’à divulguer publiquement l’appartenance politique de certains participants préfigurant ainsi la « chasse aux sorcière » du sénateur McCarthy. Avec zèle et brio, Hook mène son équipe d’agitateurs, de délateurs et de manipulateurs, rédigeant des tracts et semant le désordre lors des tables rondes… Simultanément, à l’extérieur de l’hôtel Waldorf, des dizaines de militants d’extrême-droite défilent pancarte à la main pour dénoncer l’ingérence du Kominform. L’opération est un succès total, la conférence tourne au fiasco. ?Tirant les leçons du « coup du Waldorf », la CIA états-unienne et l’IRD britannique systématisent l’enrôlement de trotskistes dans la lutte secrète contre Moscou, au point d’en faire une constante de la « guerre psychologique » qu’ils livrent à l’URSS.

Sidney Hook, chef de file des New York Intellectuals

Né dans un quartier pauvre de Brooklyn en 1902, Sidney Hook entre en 1923 à l’université de Colombia où il rencontre John Dewey, son premier maître à penser. Après son doctorat, il obtient une bourse de la fondation Guggenheim qui lui permet d’étudier en Allemagne et de visiter Moscou. Comme tant d’autres intellectuels de l’époque, il est fasciné par Staline et le régime soviétique. À son retour aux États-Unis, il débute sa carrière à l’université de New York au département de Philosophie. Il ne quittera son poste qu’en 1972 pour s’installer à Stanford au terme d’une évolution intellectuelle qui l’aura conduit du communisme au néoconservatisme. À la fin de la Première Guerre mondiale, après s’être marié avec une militante communiste, Hook s’inscrit dans un syndicat d’enseignants proche du Parti. Il travaille à une traduction de Lénine et publie un livre remarqué, Towards the understanding of Karl Marx. Intellectuel typique de la gauche radicale, il participe aux manifestations contre l’exécution des anarchistes Sacco et Vanzetti.

Au début des années 30, Hook rompt avec les communistes et se rallie au clan des trotskistes réunis au sein de l’American Workers Party, fondé en 1938. Il organise la « Commission d’enquête sur la vérité dans les procès de Moscou » qui a pour but d’innocenter Trotski écarté du pouvoir par Staline.

À partir de 1938, il abandonne définitivement l’idéal révolutionnaire. En 1939, il fonde le Committee for cultural freedom, une organisation antistalinienne qui constituera, après la guerre, l’une des bases du Congress for cultural freedom. Plus qu’une rupture, cette « trahison » – Hook surveille ses anciens amis pour le compte de la CIA – constitue pour lui une opportunité politique et financière attractive. Lorsque Hook évoque les raisons de sa conversion, il désigne des « staliniens » comme Brecht qui, au cours d’une discussion à New York en 1935 aurait plaisanté à propos de l’arrestation de Zinoviev et Kamenev : « Ceux-là, plus ils sont innocents, plus ils méritent d’être fusillés ». Une dénonciation qui en dit long sur les méthodes de Hook qui n’hésitait pas à citer des propos critiques en les retirant de leur contexte pour les rendre odieux.

Dans cette logique de délation, l’initiative du sénateur du Wisconsin, McCarthy, est soutenue discrètement par Hook qui publie deux articles, « Heresy, yes ! Conspiracy, no ! » (Hérésie, oui ! Conspiration, non !) et « The dangers of cultural vigilantism » (Les dangers de la vigilance culturelle) dans lesquels, prétendant critiquer McCarthy, il encourage à espionner et dénoncer les fonctionnaires, intellectuels et politiques proches des communistes. Hook a toujours prétendu par la suite qu’il n’avait jamais soutenu le sénateur du Wisconsin, ce que récuse la philosophe Hannah Arendt, pourtant alliée naturelle de Hook. Dans « Heresy, yes ! », il décrit la postures idéologique des « libéraux réalistes » et la notion de « culpabilité par fréquentation ». Il en déduit que l’État doit mener la « chasse aux sorcières » en gardant l’apparence d’un régime libéral. Pour cela, l’administration, plutôt que de criminaliser les fonctionnaires communistes, doit pouvoir amener les individus suspects à démissionner. Concernant les enseignants, Hook note qu’un professeur communiste « pratique une véritable fraude professionnelle ». Au finale, Hook considère que la « chasse aux sorcières » constitue une erreur politique, non pas en raison de la nature fasciste de cette campagne de délation, mais plutôt parce que l’initiative de McCarthy, trop peu discrète, contribue à mettre en équivalence la violence soviétique et états-unienne. Dans « The dangers of vigilantism », il préconise d’autres moyens, plus secrets, afin de chasser les communistes : il s’agit par exemple de confier la charge des enquêtes de loyauté aux instances professionnelles.

Effectivement Sidney Hook préfère les actions discrètes. Son implication dans plusieurs opérations de la Guerre froide culturelle, dont le Congrès pour la liberté de la culture, met en évidence sa conception de la démocratie, conçue comme une façade nécessaire du bloc atlantiste mené par les États-Unis. En 1972, il quitte New York et devient jusqu’à sa mort l’un des principaux théoriciens conservateurs rassemblés au sein de la Hoover Institution. En fréquentant les cercles de la diplomatie secrète, Sidney Hook devient un conservateur respecté par les gouvernants. En 1985, Ronald Reagan lui remet la plus haute distinction civile états-unienne, la Medal of Freedom après avoir décoré, le même jour Frank Sinatra et Jimmy Stewart. Il meurt en 1989. Sa femme reçoit les condoléances du Président Bush : « Pendant toute sa vie, il fut un défenseur sans peur de la Liberté (…) Alors qu’il affirmait souvent qu’il n’existe rien d’absolu dans la vie, l’ironie voulut qu’il prouve lui-même le contraire car s’il y eut un absolu, ce fut Sidney Hook toujours prêt à combattre courageusement pour l’honnêteté intellectuelle et la vérité ».

Convertir les trotskistes

La « trahison » de Sidney Hook qui a rendu possible la réussite de la campagne d’intoxication du Waldorf est le point de départ d’un mouvement de conversion d’une fraction de l’aile trotsksite. La CIA et l’IRD font confiance aux marxistes repentis pour mener à bien une opération de grande envergure : la fabrication d’une « idéologie rivalisant avec le communisme », selon l’expression de Ralph Murray, premier chef de l’IRD, dont le Congrès pour la liberté de la culture sera le principal instrument de promotion.

PartisanRev-1991q4.jpgLa tactique de la CIA et l’IRD consiste donc, dans un premier temps, à « retourner » des militants trotskistes et à s’assurer de leur obéissance. Pour cela, les services investissent une partie des fonds secrets dont ils disposent afin de « sauver » des revues radicales de la faillite totale. Ainsi la Partisan Review, fief des New York Intellectuals, ancienne tribune communiste orthodoxe, puis trotskiste, reçoit plusieurs dons. En 1952, le chef de l’Empire Time-Life, Henry Luce, verse grâce à Daniel Bell 10 000 dollars pour que la revue ne disparaisse pas. La même année, Partisan Review organise un symposium dont le thème général peut être résumé ainsi : « l’Amérique est maintenant devenue la protectrice de la civilisation occidentale ». Dès 1953, alors que les New York Intellectuals dominent le Congrès pour la liberté de la culture, Partisan Review reçoit une subvention issue du « compte du festival » du Comité américain pour la liberté de la culture, alimenté par la fondation Farfield… avec des fonds de la CIA. De la même manière, New leader animé par Sol Levitas est « sauvé » après l’intervention financière de Thomas Braden… avec l’argent de la CIA. On comprend mieux comment l’agence est parvenue à fidéliser certains groupes de la gauche radicale.

En plus du « sauvetage » de Partisan Review, la CIA collabore avec les services britanniques afin de créer une revue anticommuniste. Il recrute ainsi Irving Kristol, le directeur exécutif du Comité américain pour la liberté de la culture. Kristol est entré en 1936 à City College où il rencontre deux futurs camarades de la guerre froide, Daniel Bell et Melvin Lasky. Trotskiste antistalinien, il travaille pour la revue Enquiry. Après la guerre, recruté par les services états-uniens il retourne à New York pour diriger la revue juive Commentary. Directement financé par les crédits Farfield (CIA), il est chargé d’inventer Encounter sous la surveillance de Josselson. Le « magazine X », qu’il dirige avec le naïf Stephen Spender sera le fer de lance de l’idéologie néoconservatrice états-unienne.

La lutte contre le communisme au Congrès pour la liberté de la culture

Les New York Intellectuals et autres communistes repentis sont logiquement contactés par Josselson (placé sous les ordres de Lawrence de Neufville) qui, pour le compte de la CIA, est chargé de créer le Congrès pour la liberté de la culture. L’objectif est alors d’organiser en Europe de l’Ouest la « guerre psychologique », selon l’expression d’Arthur Koestler, contre Moscou.

Arthur Koestler, né en 1905 à Budapest, a été un militant communiste actif pendant plusieurs années. En 1932, il visite l’Union soviétique. L’Internationale finance l’un de ses livres. Après avoir dénoncé à la police secrète sa petite amie russe, il quitte Moscou et rejoint Paris. Pendant la guerre, il est arrêté et déporté en tant que prisonnier politique. La guerre terminée, Koestler écrit Le Zéro et l’infini, un livre dans lequel il retrace son parcours et dénonce les crimes du stalinisme. La rencontre des New York Intellectuals, par l’intermédiaire de James Burnham, lui permet de fréquenter les milieux où se décident les opérations culturelles secrètes. À la suite de nombreux entretiens avec des agents de la CIA, il supervise l’écriture d’un ouvrage collectif, une commande directe des services. Le Dieu des ténèbres (André Gide, Stephen Spender…) constitue une sévère condamnation du régime soviétique. Arthur Koestler est ensuite employé dans le cadre de la mise en place du Congrès pour la liberté de la culture.

Koestler écrit le Manifeste des hommes libres à la suite de la réunion du Kongress für Kulturelle freiheit de Berlin organisé en 1950 par son ami Melvin Lasky. Pour lui, « la liberté a pris l’offensive ». James Burnham est largement responsable du recrutement de Koestler qui va vite devenir, en raison de son enthousiasme, trop gênant aux yeux des conspirateurs du Congrès.

Le parrain de Koestler, James Burnham, est né en 1905 à Chicago. Professeur à l’université de New York, il collabore à diverses revues radicales et participe à la construction du Socialist Workers Party. Quelques années plus tard, il organisera la scission du groupe trotskiste. En 1941, il publie The Managerial Revolution, futur manifeste du Congrès pour la liberté de la culture, traduit en France en 1947 sous le titre de L’Ère des organisateurs. La conversion de Burnham est particulièrement spectaculaire. En quelques années, après avoir rencontré le chef des réseaux stay-behind, Franck Wisner et son assistant Carmel Offie, il devient un ardent défenseur des États-Unis, selon lui unique rempart face à la barbarie communiste. Il déclare : « Je suis contre les bombes actuellement entreposées en Sibérie ou au Caucase et qui sont destinées à la destruction de Paris, Londres, Rome, (…) et de la civilisation occidentale en général (…) mais je suis pour les bombes entreposées à Los Alamos (…) et qui depuis cinq ans sont la défense – l’unique défense – des libertés de l’Europe occidentale ». Parfaitement conscient de la fonction du réseau stay-behind, Burnham, ami intime de Raymond Aron, passe du trotskisme à la droite conservatrice devenant l’un des intermédiaire principaux entre les intellectuels du Congrès et la CIA. En 1950, lorsque le turbulent Melvin Lasky reçoit des fonds détournés du Plan Marshall, Burnham, Hook et Koestler sont vraisemblablement mis dans la confidence. Burnham va pouvoir, grâce au Congrès pour la liberté de la culture diffuser dans toute l’Europe de l’Ouest son livre The Managerial Revolution.

« Une idéologie rivalisant avec le communisme »

Raymond Aron est le principal artisan de l’importation en France des thèses des New York Intellectuals. En 1947, il sollicite les éditions Calmann-Lévy afin de afin de faire publier la traduction de The Managerial Revolution. Au même moment, Burnham défend aux États-Unis son nouveau livre Struggle for the World (Pour une domination mondiale). L’Ère des organisateurs est immédiatement interprété (à juste titre), notamment par le professeur Georges Gurvitch, comme une apologie de la « technocratie ».

Cherchant à disqualifier l’analyse en termes de luttes de classe, Burnham déclare que les directeurs sont les nouveaux maîtres de l’économie mondiale. Selon l’auteur, l’Union soviétique, loin d’avoir réalisé le socialisme, est un régime dominé par une nouvelle classe constituée de « techniciens » (dictature bureaucratique). En Europe de l’Ouest et aux États-Unis, les directeurs ont pris le pouvoir au détriment des parlements et du patronat traditionnel. Ainsi, l’ère directoriale signifie un double échec, celui du communisme et du capitalisme. La principale cible de Burnham est évidemment l’analyse marxiste-léniniste dont le principe, la dialectique historique, annonce l’avènement d’une société communiste mondiale. En fait, « le socialisme ne succédera pas au capitalisme » ; les moyens de production, partiellement étatisés, seront confiés à une classe de directeurs, seul groupe capable de diriger, en raison de leur compétence technique, l’État contemporain.

Léon Blum a bien compris la dimension fondamentalement anti-marxiste des thèses technocratiques de James Burnham. Après la guerre, en tant qu’allié de Washington, l’ancien homme fort du Front populaire doit pourtant préfacer la traduction française, non sans une certaine gêne : « Si je n’étais sûr de la sympathie des uns et de l’amitié des autres, j’aurais vu dans cette demande comme une trace de malice (…) on imagine guère d’ouvrage qui, sur la pensée d’un lecteur socialiste, puisse exercer un choc plus inattendu et plus troublant ». Avec un parrain comme Raymond Aron et un préfacier comme Léon Blum, L’Ère des organisateurs connaît un succès considérable.

Proche de Sidney Hook avec qui il soutient la « chasse aux sorcières », Daniel Bell publie en 1960 La Fin des idéologies, un recueil d’articles publiés dans Commentary, Partisan Review, New Leader et de communications du Congrès pour la liberté de la culture. La traduction française est préfacée par Raymond Boudon, qui durant toute sa vie a combattu les théories de l’école française de sociologie incarnée par Émile Durkheim et Pierre Bourdieu dans le but d’imposer une conception américanisée des sciences sociales. La Fin des idéologies, comme son nom l’indique, reprend la thèse favorite des New York Intellectuals, à savoir l’extinction du communisme comme idéal. Daniel Bell, membre actif du Congrès pour la liberté de la culture qui contribue à diffuser son livre, annonce aussi l’émergence de nouveaux conflits idéologiques : « La Fin des idéologies fait le pronostic de la désintégration du marxisme comme foi, mais ne dit pas que toute idéologie va vers sa fin. J’y remarque plutôt que les intellectuels sont souvent avides d’idéologies et que de nouveaux mouvements sociaux ne manqueront pas d’en engendrer de nouvelles, qu’il s’agisse du panarabisme, de l’affirmation d’une couleur ou du nationalisme »

De l’anticommunisme au néo-conservatisme

Les New York Intellectuals, engagés dans de multiples opérations d’infiltration, ne revèlent leur véritable appartenance idéologique que tardivement rejoignant massivement les rangs des néoconservateurs dont les principaux bastions sont déjà tenus par des marxistes repentis. Irving Kristol, qui entretient des rapports conflictuels avec Josselson, dirige de 1947 à 1952 Commentary. Une autre figure majeure du néoconservatisme, Norman Podhoretz, sera ensuite placée à la tête de la revue quasi-officielle du Congrès pour la liberté de la culture de 1960 à 1995. En France, Raymond Aron crée Commentaire en 1978. Le fils d’Irving Kristol, William, est le directeur du très néoconservateur Weekly Standard.

William Kristol

Contrairement à une thése répandue, il n’y a pas eu d’infiltration trotskiste dans la droite états-unienne, mais une récupération par celle-ci d’éléments trotskistes, d’abord dans une alliance objective contre le stalinisme, puis pour employer leurs capacités dialectiques au service de l’impérialisme pseudo-libéral. Burnham et Shatchman quittent le Socialist Workers Party et la IVe Internationale en 1940 pour fonder un parti scisionniste. Max Shatchman prône bientôt l’entrisme dans le Parti démocrate. Il rejoint le faucon démocrate Henry « Scoop » Jackson, surnommé le « sénateur Boeing » en raison de son soutien acharné au complexe militaro-industriel. Il réorganise son parti comme une tendance au sein du Parti démocrate sous l’appellation Parti des sociaux démocrates états-uniens (SD/USA). Au cours des années 70, le sénateur Jackson s’entoure de brillants assistants tels que Paul Wolfowitz, Doug Feith, Richard Perle, Elliot Abrams. En conservant le plus longtemps possible son discours d’extrême gauche, Max Shatchman fait de SD/USA une officine de la CIA apte à discréditer les formations d’extrême gauche, tandis qu’il devient l’un des principaux conseillers de l’organisation syndicale anticommuniste AFL-CIO. On trouve au bureau politique de SD/USA des personnalités comme Jeanne Kirkpatrick qui deviendront des icônes de l’ère Reagan. Dans une complète confusion des genres, le théoricien d’extrême droite Paul Wolfowitz intervient comme orateur aux congrès du parti d’extrême gauche. Carl Gershamn devient président de SD/USA, il est aujourd’hui directeur exécutif de la National Endowment for Democracy. D’une manière générale les membres de ce parti, dont les principaux relais sont la revue Commentary et le Committee for the Free World, sont récompensés pour leurs manipulations dès l’élection de Ronald Reagan.

Les New York Intellectuals n’ont pas seulement développé une critique de gauche du communisme, ils ont aussi inventé un habillage « de gauche » aux idées d’extrême droite dont la maturation finale est le néoconservatisme. Ainsi, les Kristol et leurs amis peuvent-ils présenter avec aplomb George W. Bush comme un « idéaliste » qui s’emploie à « démocratiser » le monde.


- Source : Denis Boneau

jeudi, 22 janvier 2015

Spengler, Lasch, Bourget: culture et décadence

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Spengler, Lasch, Bourget: culture et décadence

Avant de se demander trivialement qu’est-ce qu’une culture ou société décadente il faudrait peut-être réfléchir – et notre époque nous y oblige – à la possibilité même d’une telle interrogation. En effet, peut-on encore, sans provoquer l’incompréhension générale, associer culture et décadence ? Notre culture n’aurait-elle tout simplement pas anémié les préjugés intellectuels ou les outils conceptuels requis pour détecter un éventuel état de décadence ? Nous ne prétendons pas répondre sérieusement à ces questions dans ce court article mais simplement jeter, ci et là, quelques pistes de réflexion dont l’articulation devrait permettre d’esquisser les présupposés théoriques d’une rhétorique de la décadence. 

spengler.jpgNous avons déjà vu qu’un des traits de la médiocrité s’exprime dans une rupture du sens historique parfaitement illustrée par l’homme-masse et Festivus festivus. Un rapport à l’histoire décadent n’est pas autre chose qu’une culture de l’oubli, du pur présent. D’aucuns s’enivrent de ce présent jusqu’à la pâmoison, d’autres lui font révérence et le presse jusqu’à en extraire le jus aigre du progrès perpétuel. Il s’agit d’un progrès amnésique ayant pour seul critérium une propension à dynamiter les cadres institutionnels, à émanciper, à promouvoir le relativisme culturel. Différent à la fois de l’idéalisme politique des Lumières et des doctrines du salut par l’histoire (matérialisme historique et idéalisme absolu) dont pourtant il procède, l’idée actuelle de progrès tend à l’inauguration d’un état au sein duquel la notion même de décadence perd son sens, à savoir un état de déconstruction maximale et d’identité commune minimale. Notre vision du progrès (celle, du moins, des « élites » en place) repose sur une architecture conceptuelle peu propice à développer une sensibilité conservatrice ou réactionnaire et donc une lecture de notre civilisation en terme de déchéance.

La décadence suppose toujours la trace d’une chute (le péché originel, l‘hybris, ou le mythe de l’âge d’or), une dégénérescence (Chez Morel par exemple, qui définit la dégénérescence comme une déviation du « type primitif » lui-même produit de la création divine et « créé pour atteindre le but assigné par la sagesse éternelle ». Il y a dégénérescence « si les conditions qui assurent la durée et le progrès de l’espèce humaine, ne sont pas plus puissante encore que celles qui concourent à la détruire et à la faire dégénérer », autrement dit lorsque nous constatons une « déviation maladive d’un type primitif ».) ou un déclin (voir Oswald Spengler). L’idée de décadence se réalise pleinement lorsque le temps des horloges ne conserve plus mais dégrade et qu’une harmonie ou un ordre naturel se défait. A l’inverse, il devient impossible d’asseoir une critique basée sur une rhétorique de la décadence à l’heure où l’exaltation chimérique d’un progrès sans fin et d’une culture déconnectée de la nature alimentent les esprits. N’importe quelle matrice culturelle offre la possibilité de penser les changements en terme de progression ou de régression, de mieux ou de moins (l’imagination humaine est sans limite pour inventer des étalons de mesure autorisant de tels jugements), mais il n’est peut-être pas vrai que toutes les cultures ou civilisations (sous-entendu les individus allant dans le sens de cette culture et non pas, bien sûr, les figures de la réaction) puissent penser la décadence, c’est-à-dire appréhender la déliquescence dans son aspect le plus absolu, le plus fondamental, à l’échelle, précisément, d’une civilisation.

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Culture de l’oubli où gît pourtant encore la certitude d’un progrès ; où l’histoire ressemble à une fonction exponentielle traduisant l’ascension infinie dans laquelle l’homme du présent entretient l’illusion d’un devoir de prolongement. Quoi prolonger exactement ? Ce qui a le goût et l’odeur du présent. Or, la possibilité d’une décadence est toujours ouverte lorsque nous entretenons une vue cyclique ou providentielle de l’histoire. Par exemple, « La conception biblique de l’histoire avait, nous dit Christopher Lasch, après tout, plus de points communs (…) avec la conception classique, telle qu’elle fut reformulée au cours de la Renaissance, qu’avec la louange moderne du progrès. Ce qu’elles partageait était une conscience du « sort des sociétés menacées » – une intelligence du fait que la qualité contingente, provisoire et finie des choses temporelles trouve sa démonstration la plus vivace non seulement dans la mort des individus, mais dans la grandeur et la décadence des nations ». L’histoire chrétienne, sous sa forme providentielle, demeure impénétrable et se rapproche sans doute davantage de la conception cyclique de l’antiquité ou de la fortune machiavélienne que de la conception linéaire ou rectiligne que nous connaissons. L’espérance chrétienne évolue très loin d’une interprétation progressiste de l’histoire ; son essence ne réside « ni dans le paradis sur terre de la fin de l’histoire, ni dans la christianisation de la société et les perfectionnements moraux qu’elle impliquerait », mais « dans « la conviction que la vie est une affaire délicate », « que rien n’y est jamais tenu pour acquis, que rien de temporel n’est capable de porter le fardeau de la foi humaine »» (Richard Niebuhr cité par Christopher Lasch).

lash15dfQC0YAL.jpgSimilairement, la théorie d’Oswald Spengler, annonçant le déclin inévitable de l’Occident, se raccroche à une détermination cyclique d’un sens de l’histoire qu’il estime être en mesure de saisir. Selon lui, le déclin de la culture occidentale s’amorce dans les civilisations qui elles-mêmes représentent le dernier souffle d’une culture, « son achèvement et sa fin » ou encore « un pas de géant vers l’anorganique ». « Un siècle d’activité extensive pure, excluant la haute production artistique et métaphysique – disons franchement une époque irreligieuse, ce qui traduit tout à fait le concept de ville mondiale – est une époque de décadence ». Cette anthropologie pessimiste du déclin indexée sur un mouvement historique erratique se retrouve dans l‘Homme et la technique. Pour Spengler l’homme se distingue de l’animal par sa supériorité technique qui lui confère une force de domination inédite. Technique de forme « générique », c’est-à-dire « invariable » et « impersonnelle » – « la caractéristique exclusive de la technique humaine (…) est qu’elle est indépendante de la vie de l’espèce humaine » – au contraire, bien entendu, des animaux pour qui la « cogitation » se veut « strictement tributaire du « ici et maintenant » immédiat, et ne tenant compte ni du passé ni de l’avenir, elle ne connaît pas non plus l’expérience ou l’angoisse ». Ainsi, « l’homme est devenu créateur de sa tactique vitale (…) et la forme intime de sa créativité est appelée culture ». L’histoire de la technique n’est rien d’autre que l’histoire de la culture et de la civilisation, c’est-à-dire l’histoire d’une activité créatrice décorrélée de la « tactique de la vie ». Considérant la nature « comme du matériau et des moyens à son service », l’homme prométhéen s’éloigne toujours plus de celle-ci en y substituant, de son emprunte drue, l’artifice (l’art au sens de technique) afin de se « construire sois-même un monde, être soi-même Dieu (…) » : « c’est bien cela le rêve du chercheur Faustien ». Cette prétention génère un déphasage tragique entre l’homme et la nature puisque, en dernière analyse, « l’homme ne cesse pas d’en dépendre (…) elle continue à l’englober elle-même, lui comme tout le reste, en dépit de tout ce qu’il peut faire ». « Toute haute culture est une tragédie ». La notion de chute est ici toujours présente ainsi que l’idée d’une nature humaine désorganisée par la technique.

Dans une même perspective, mais sous un mode d’avantage psychologique qu’historique, Paul Bourget dépeint la décadence des âmes au prisme d’une riche étude littéraire ( de Baudelaire à Tourgueniev en passant par Flaubet, Taine, Stendhal et bien d’autres) dans son Essais de psychologie contemporaine. En étudiant Baudelaire il relève d’emblée le climat suffocant d’une civilisation emportant un « désaccord entre l’homme et le milieu ». A ceux qui ont cru que l’assombrissement de la littérature à cette époque n’était qu’un simple passage, « Baudelaire n’y voyait-il pas plus juste, souligne Bourget, en regardant une certaine sorte de mélancolie comme l’inévitable produit d’un désaccord entre nos besoins de civilisés et la réalité des causes extérieure ? La preuve en est que, d’un bout à l’autre de l’Europe, la société contemporaine présente les mêmes symptômes, nuancés suivant les races, de cette mélancolie et de ce désaccord. Une nausée universelle devant les insuffisances de ce monde soulève le cœur des Slaves, des Germains et des Latins. Elle se manifeste chez les premiers par le nihilisme, chez les seconds par le pessimisme, chez nous-mêmes par de solitaires et bizarres névroses ». Ensuite l’auteur précise le sens du terme décadence dans un long commentaire : « par le mot décadence, on désigne volontiers l’état d’une société qui produit un trop petit nombre d’individus propres aux travaux de la vie commune. Une société doit être assimilé à un organisme (…) l’individu est la cellule sociale. Pour que l’organisme total fonctionne avec énergie, il est nécessaire que les organismes moindres fonctionnent avec énergie, mais avec une énergie subordonnée, et, pour que ces organisme moindres fonctionnent eux même avec énergie, il est nécessaire que leurs cellules composantes fonctionnent avec énergie, mais avec une énergie subordonnée.» En effet, « si l’énergie des cellules devient indépendante, les organismes qui composent l’organisme total cessent pareillement de subordonner leur énergie à l’énergie totale, et l’anarchie qui s’établit constitue la décadence de l’ensemble ». Encore une fois, on retrouve dans les analyses de Paul Bourget une remise en cause d’un progrès perpétuel (« ceux qui croient au progrès n’ont pas voulu apercevoir cette terrible rançon de notre sécurité mieux assise et de notre éducation plus complète ») et une croyance en un ordre social immanent qu’il faut préserver et non pas engendrer.

nisard41T0nlJaBUL.jpgAutre variation sous la plume de Désiré Nisard puisée dans son Études de mœurs et de critique sur les poètes latins de la décadence. Nisard fustige sous le nom de littérature décadente deux traits principaux : l’engouement pervers de la description ainsi qu’une érudition déplacée. Deux symboles d’un manque d’imagination sur le plan artistique. Cependant, il n’y pas de littérature décadente sans une décadence générale des mœurs. Alors que la description homérique se fixe sur l’humanité dans ce qu’elle possède de générique – la description brosse alors un monde commun, un homme commun, une spiritualité commune sous une multitudes de visages -, à l’inverse, la littérature décadente (notamment celle de Lucain) s’appesantit sur l’homme du divers : on passe d’une description de l’humanité à celle de l’individu. L’érudition irrigue la description et lui donne une coloration passéiste : il s’agit d’un « besoin de chercher dans les souvenirs du passé des détails que l’inspiration ne fournit pas » et non de cette érudition critique, parfaitement louable, qui consiste à amasser des faits sur une époque pour ensuite les comparer et les juger. Une fois de plus l’auteur mélange les deux fondamentaux inhérents aux discours de la décadence : la déchéance d’un passé en décomposition exprimée dans un ordre moral dévoyé. Ceux qu’il nomme « les versificateurs érudits » se rattachent à une littérature de seconde classe, une littérature dans laquelle s’épuise la grandeur des époques primitives. Alors que l’érudition de type décadente se perd dans les détails et dans la répétition d’un passé ou d’une nature révolue (on pourrait ici relever l’analogie avec le décadentisme ; notamment chez Huysmans pour qui le goût de l’érudition confine à l’exaltation de l’artifice, à l’art pour l’art – c’est-à-dire précisément ce que Nisard reproche aux versificateurs érudits – : « à coup sûr, on peut le dire : l’homme a fait dans son genre, aussi bien que le Dieu auquel il croit » nous dit des Esseintes) en s’attachant de trop près aux beautés purement descriptives (contingentes, relatives, casuels), les chef-d’œuvres primitifs (La Bible, les épopées d’Homère et de Dante, etc…) cultivent les beautés d’un ordre moral (soit des vérités éternelles valables pour toutes les époques et toutes les nations, soit ces vérités nécessaires qui fleurissent aux époques de grandeurs mais demeurent liées à une certaine culture). Chez les versificateurs érudits nous avons une simple « sensation de curiosité passagère qui résulte d’une heureuse combinaison de mots, d’une chute, d’une pointe » ; la littérature de l’âge d’or s’applique, quant à elle, à « conserver dans les formes pures et sacrées la somme des vérités pratiques nécessaires à la conservation et à l’amélioration de l’homme, dans quelque temps qu’il vive, et malgré toute ces variétés de mœurs, de société, de coutume, qui modifient son état, mais ne changent pas sa nature ».

La décadence n’a plus de sens pour une époque qui a fait table rase du passé, qui ne se situe plus vraiment par rapport au passé, et qui n’a plus une haute estime de sa propre culture : nous nous réjouissons de cet « horizon toujours ouvert à toutes les possibilité ». Ortega Y Gasset estime que dans une telle configuration, quand bien même il y aurait une décadence objectivement perceptible de notre culture, il n’est pas raisonnable de prononcer la déchéance d’une époque sentant bien que « sa vie est plus intense que toutes les vies antérieures »  ; et « une vie qui ne préfère à elle-même (et peu importe les raisons) aucune autre vie d’autrefois ou de quelque temps que ce soit, et qui, par cela même, se préfère à toute autre » ne peut décemment éprouver sa propre décadence. Le paradoxe réside en ceci que ce « désir de vivre » n’est plus lié à un sentiment de grandeur, d’appartenance à une culture supérieure – toujours accompagné d’une inquiétude quant à une éventuelle chute -, mais au monde de l’enfance. La cécité nous préserverait de l’expérience intime, profonde et douloureuse d’un monde qui s’écroule. Combien de temps encore ? Les écrits dénonçant un déclin rampant de notre civilisation se multiplient (Renaud Camus, Alain Finkielkraut, Bernard Lugan, Dominique Venner par exemple) et pourraient bien traduire un désir de vivre moins intense.

mercredi, 21 janvier 2015

Le choc des non-civilisations

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Le choc des non-civilisations

par Fares Gillon

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

Choc des civilisations vraiment ? De part et d’autre, l’entretien de cette fiction permet surtout d’oublier l’état réel de la civilisation que l’on prétend défendre, et de se lancer en toute bonne conscience dans de lyriques et exaltantes considérations identitaires. Dans ce ridicule concours des fiertés (civilisation pride ?), les divers gardiens de néant oublient l’essentiel : ils veillent sur un champ de ruines.

Dans Respectez la joie, chronique publiée il y a déjà douze ans, Philippe Muray posait la question suivante : « Comment spéculer sur la défense d’une civilisation que nous ne faisons même pas l’effort de voir telle qu’elle est, dans toutes ses extraordinaires et souvent monstrueuses transformations ? » Face à l’ennemi islamiste, à sa haine de « l’Occident », qu’avons-nous à faire valoir pour notre défense, hormis « la liberté d’expression », « les jupes courtes », « le multipartisme », « le sexe » ou « les sandwichs au bacon » ? Pas grand-chose. Et ces éléments sont eux-mêmes illusoires : « Le seul ennui, écrit Muray, c’est que ces mots recouvrent des choses qui ont tant changé, depuis quelques décennies, qu’ils ne désignent plus rien. » Ainsi de la liberté sexuelle, brandie comme un progrès civilisationnel (ce qui en soi peut se contester), alors même qu’elle est de moins en moins effective : « On doit immédiatement reconnaître que c’est la civilisation occidentale elle-même qui a entrepris de détruire, en le criminalisant, le commerce entre les sexes ; et de faire peser sur toute entreprise séductrice ou galante le soupçon du viol ; sans d’ailleurs jamais cesser de se réclamer de la plus grande liberté. »

L’Occident s’est tiré deux balles dans le pied

L’Occident post-moderne a achevé l’Occident moderne, celui de la liberté individuelle et de la pensée critique. Et l’Occident moderne était né lui-même de la destruction de l’Occident traditionnel, de sa civilisation, de son histoire et du christianisme. L’Occident post-moderne est le fruit d’un double meurtre : d’abord celui de la royauté de droit divin, avec tout ce qu’elle comporte de représentations symboliques traditionnelles, avec toute la conception hiérarchique de l’ontologie qu’elle suppose. Puis, celui de l’individu. Muray, en vieux libéral qu’il est, est évidemment plus touché par ce dernier meurtre : l’individu réellement libre – c’est-à-dire : ayant les moyens intellectuels de l’être – n’est plus. Cela n’empêche pas toute l’école néo-kantienne de la Sorbonne – entre autres – de répéter à l’envi que le respect de l’individu caractérise notre civilisation, par opposition à la « barbarie » médiévale d’une part, et au « retard » des autres civilisations d’autre part, encore prisonnières d’un monde où le groupe, la Cité, importent davantage que l’individu. La réalité est pourtant plus amère, et il n’y a pas de quoi fanfaronner : notre civilisation a fini par tuer l’individu réellement libre, si durement arraché à l’Ancien Monde.

Par un étrange paradoxe, c’est précisément en voulant émanciper l’individu que nous l’avons asservi. En effet, nous avons souscrit à la thèse progressiste selon laquelle la liberté politique et intellectuelle de l’individu suppose son arrachement à tous les déterminismes sociaux, à tous les enracinements familiaux, culturels, religieux, intellectuels. Seuls les déracinés pourraient accéder à la liberté dont l’effectivité « exigerait au préalable un programme éducatif ou un processus social (ou les deux) capable d’arracher les enfants à leur contexte familier, et d’affaiblir les liens de parenté, les traditions locales et régionales, et toutes les formes d’enracinement dans un lieu ». Cette vieille thèse, résumée ici par Christopher Lasch (Culture de masse ou culture populaire ?), est toujours d’actualité : Vincent Peillon, ex-ministre de l’Éducation nationale, a ainsi déclaré vouloir « arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel ».

Elle est pourtant contredite par la réalité de la société de marché que nous avons bâtie. Ainsi que le remarque Lasch, « le développement d’un marché de masse qui détruit l’intimité, décourage l’esprit critique et rend les individus dépendants de la consommation, qui est supposée satisfaire leurs besoins, anéantit les possibilités d’émancipation que la suppression des anciennes contraintes pesant sur l’imagination et l’intelligence avait laissé entrevoir ».

Le cas de l’islam en France

Comment alors s’étonner des phénomènes que l’on constate dans les « quartiers difficiles », de l’illettrisme généralisé et de la violence banalisée qui s’y côtoient ? Comment s’étonner des effets du double déracinement des immigrés ? Voilà des gens que l’on a arraché à leur terre (ou qui s’en sont arrachés), qui ont abandonné leur culture, ont oublié leur langue, et qui n’ont dès lors plus rien à transmettre à leurs enfants. Ces enfants, parfaits cobayes de l’expérimentation de la liberté par le déracinement, sujets idéals de l’idéologie délirante d’un Peillon, sont les premiers post-humains. Sans racines, et bientôt, après un passage par l’école républicaine, sans savoir et sans attachement à leur nouvelle terre. Coupés de leurs origines sans qu’on leur donne la possibilité de s’enraciner dans une civilisation qui se sabote elle-même, ils incarnent au plus haut degré le néo-humain sans attaches, sans références, celui que rêvent les idéologues de la post-modernité. Ce n’est donc pas en tant qu’étrangers à la France que les déracinés de banlieue posent problème, mais en tant qu’ils sont les parfaits produits de la nouvelle France, celle qui se renie elle-même.

Ce règne, chaotique dans ses effets, de la table rase n’est pas sans provoquer un certain malaise chez les individus les plus conscients. On a beau déraciner, la réalité demeure : l’enracinement est un besoin essentiel à l’humanité. On y revient toujours, d’une manière ou d’une autre. « Le déracinement détruit tout, sauf le besoin de racines », écrit Lasch. D’où le phénomène de réislamisation, processus de ré-enracinement parmi d’autres (car il en est d’autres), qui s’explique par la recherche d’une alternative à ce que l’on nomme le « mode de vie occidental » (en réalité le mode de vie mondialisé de la consommation soumise).

Il est d’ailleurs amusant de constater que le plus grand grief que la koinè médiatique fait aux beurs réislamisés ou salafisés, plus grave encore que les attentats qu’ils projettent ou commettent, c’est « le rejet du mode de vie occidental ». Horreur ! Peut-on imaginer plus atroce blasphème ? « Comment peut-on être pensant ? » comme dit Muray. Faut-il donc être un odieux islamiste tueur d’enfants (juifs de préférence) pour trouver à redire à ce merveilleux monde démocratico-festif, qui n’est pourtant plus que l’ombre d’une ombre ?

Face à la chute des anciens modèles occidentaux, les jeunes déracinés que nous avons produits cherchent à reprendre racine. Que certains se tournent vers l’Islam, comme vers un modèle qui leur semble traditionnel et producteur de sens, doit être compris comme une réaction au modernisme du déracinement culturel. Dans la mesure où toute alternative au « mode de vie occidental » est présentée comme une régression barbare, la radicalité de la réislamisation, le fait qu’elle se fasse notamment – mais pas uniquement – dans les termes du salafisme, paraît inéluctable : le néo-Occident permet qu’on le fuie, à condition que l’on se jette dans les impasses qu’il ménage à ses opposants.

La déchéance civilisationnelle de l’islam

Il est une autre raison à la radicalité de la réislamisation. Elle tient à la chute de l’islam comme civilisation. À l’instar de l’Occident, à sa suite et sous son influence, l’Orient en général et l’islam en particulier subissent les effets de la modernité et des bouleversements politiques, sociaux, intellectuels, théologiques qu’elle entraîne.

Historiquement et politiquement, cela s’est fait d’abord par la pression occidentale sur le califat ottoman, qui ployait déjà sous son propre poids. N’oublions pas que le monde arabo-musulman est mis au contact de la pensée des Lumières dès 1798, avec l’expédition d’Égypte de Napoléon. À peine la France avait-elle accompli sa Révolution qu’elle tentait déjà d’en exporter les principes, appuyés par une subjuguante supériorité technique. Les Britanniques, mais aussi, dans une moindre mesure, les Français, n’eurent ensuite de cesse d’encourager l’émergence des nationalismes, insufflant chez les peuples arabes le désir de révolte contre la domination turque : ils posèrent en termes modernes, ceux des nationalismes, un problème qui ne se posait pas ainsi. Plus tard, ce fut l’islamisme dont se servirent cette fois les Américains. À ces facteurs, il faut ajouter l’apparition de la manne pétrolière, mise au service du wahhabisme (lui-même soutenu originellement par les Britanniques) et la révolution islamique iranienne. Tout concourrait à la destruction des structures politiques et sociales traditionnelles de la civilisation islamique : les interventions étrangères certes, mais également un certain essoufflement de l’Empire ottoman, qui avait manqué le train de la révolution industrielle et se trouva dépassé par les puissances occidentales.

En l’absence de structures sociales fortes, ce fut bientôt la pensée islamique traditionnelle elle-même qui succomba. Face aux puissances occidentales, les musulmans réagirent de deux façons antagonistes, que l’excellent historien Arnold Toynbee a qualifiées de « zélotisme » et d’ « hérodianisme ». Voyant une analogie entre la réaction des musulmans à la domination occidentale, et celle des Juifs à la domination de l’Empire romain, Toynbee explique que tout bouleversement venu de l’étranger entraîne historiquement une réaction de repli sur soi, d’une part, et une réaction d’adhésion et de soumission totales aux nouveaux maîtres, d’autre part. Mais dans les deux cas, on sort de la sphère traditionnelle : ni les zélotes ni les hérodiens ne peuvent prétendre représenter la pensée islamique traditionnelle. Leurs conceptions respectives de l’islam obéissent à des circonstances historiques déterminées, et ne sont plus le résultat de la réflexion sereine d’une civilisation sûre d’elle-même.

Les nombreuses manifestations de l’islamisme contemporain sont autant de variétés d’un islam de réaction. Couplée à la mondialisation, qui est en réalité occidentalisation – au sens post-moderne – du monde, et à ses conséquences, cette réaction a fini par produire un islam de masse, adapté aux néo-sociétés, et qu’Olivier Roy a admirablement analysé dans ses travaux. Dans L’Islam mondialisé, il montre ainsi en quoi le nouvel islam est un islam déraciné pour déracinés, et en quoi la réislamisation est « partie prenante d’un processus d’acculturation, c’est-à-dire d’effacement des cultures d’origines au profit d’une forme d’occidentalisation ».

Dès lors, il apparaît clairement que le prétendu « choc des civilisations » procède d’une analyse incorrecte de la situation. Il n’y a pas de choc des civilisations, car il n’est plus de civilisations qui pourraient s’entrechoquer ; toutes les civilisations ont disparu au profit d’une « culture » mondialisée et uniformisée, dont les divers éléments ne se distinguent guère plus que par de légères et inoffensives différences de colorations. Ce à quoi on assiste est donc plutôt un choc des non-civilisations, un choc de déracinés.

Auteur: Fares Gillon (Philosophe et islamologue de formation)

Source: Philitt

La légitimité politique post-hitlérienne

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La légitimité politique post-hitlérienne

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste
Ex: http://www.lesobservateurs.ch 

On parle facilement d'un traumatisme sans toujours mesurer tout ce que cela implique, notamment une incapacité à intégrer aussi bien ce qui s'est passé que ce qui se passe. Pour s’amuser à sautiller dans le fouillis de la terminologie psychanalytique, on dira qu'un traumatisme rend un peu autiste. En tout cas, un traumatisé se coupe du monde pour se fixer obsessionnellement sur un ailleurs, un fantasme dirait Freud, en tout cas un autre monde, soit celui d'avant, soit celui d'après. La réalité a fait tellement mal qu'il n’est plus possible de la regarder en face. Il faut la remplacer par une réalité imaginaire. Il est vrai qu'on ne peut jamais regarder la réalité en face, ne serait-ce que parce qu'à chaque seconde, elle nous échappe. Mais oublions cette objection. Intuitivement nous sentons qu'il y a une énorme différence entre fuir la réalité pour se réfugier dans un monde de fantasmes et l'affronter.

Parler de traumatisme, aujourd'hui, c'est toujours parler d'un individu, jamais d'une ou plusieurs communautés, à une exception près. La Shoah a été traumatisante pour tous les Juifs. Or, c'est toute l'Europe qui a été traumatisée par les guerres et les camps.* Pas seulement avant et pendant le conflit 39-45, mais aussi après. On imagine les gens sautant de joie à l'arrivée des troupes américaines et recevant du chewing-gum comme du pain bénit. C'est plus ou moins vrai pour l'Europe occidentale. Mais à l'Est du Rhin, le cauchemar à encore duré des années : deux millions d'Allemands sont morts sur les routes des déplacements de population, tandis que Polonais et Ukrainiens se massacraient et que les camions de l'armée rouges déversaient soldats et commissaires politiques sur Budapest, Prague et des centaines de villages comme Nemmersdorf. Ces soldats et commissaires ne distribuaient pas du chewing-gum, mais la mort, précédée par la torture et, pour les femmes, le viol.

Mais même en Europe occidentale, le traumatisme d'une guerre qui a tourné au massacre a été si violent, profond, intolérable, qu'on peut le voir à l'œuvre partout encore aujourd'hui sous la forme d'une nouvelle légitimité politique que je propose donc d'appeler post-hitlérienne. Pourquoi ?

D'abord parce que la « réductio ad Hitlerum » est plus présente que jamais, soit par le biais de la « quenelle », soit par le biais d'accusations de fascisme qui renvoient au nazisme. Comme si la menace du nazisme était plus dangereuse que jamais ! Ensuite parce que, pour se reconstruire après le traumatisme d'une guerre totale, l'Europe a mis en place des politiques qui ont été et sont encore aux antipodes de ce que Hitler avait prôné. Au lieu d'une race supérieure, une vision qui met tous les peuples et toutes les civilisations sur le même plan. Au lieu d'une nation, de grandes unions qui, comme l'Union Européenne, coïncident potentiellement avec l'humanité. Au lieu d'hommes et de femmes prêts à se sacrifier pour leur pays ou, tout au moins, à œuvrer pour le bien commun, des individus qui, comme dit Tocqueville, tournent sans cesse autour d'eux-mêmes pour assurer leur sécurité et augmenter leur niveau de vie. Une croissance économique non pas pour la grandeur du pays mais pour que des millions puissent jouir de mieux en mieux, bref, le consumérisme.

A parler sans cesse de croissance, de niveau de vie, de bien-être,  l'Europe a été et est encore en déni. Autrement dit, nous apaisons encore aujourd'hui nos angoisses après ce qui s'est passé et nous nous persuadons que nous sommes engagés sur le chemin du "plus jamais ça". Exorcisme original puisqu'il s'effectue grâce aux encensoirs des économistes qui n'ont à la bouche que les mots de croissance, de PIB et qu’ils promettent de nouvelles jouissances. On n'exorcise plus avec encensoirs et prières, mais avec pourcentages et statistiques et parfois une affiche vantant les mérites des préservatifs pour se protéger du sida.

marej9782825129449FS.gifC'est surtout la croissance pour le bien-être de chacun et sur toute la planète qui retient l'attention. Les Trente glorieuses ont constitué l'un des piliers de la légitimité post-hitlérienne. Un gouvernement n'était et n'est encore légitime que s'il garantit à chacun une augmentation de son niveau de vie dans l'égalité. Même les Français qui, plus que d'autres, savent encore un tout petit peu ce que le mot de nation veut dire, ne jugent leur gouvernement que sur la base du PIB. S’il le fait croître il est jugé favorablement, s'il le fait diminuer, défavorablement. Le célèbre économiste Patrick Artus vient de publier un ouvrage au titre à la fois pathétique et révélateur, Pourquoi il faut partager les revenus. Pathétique, parce qu'on ne va pas faire ce partage à partir de telles injonctions.  Révélateur,  parce que les économistes sont devenus nos nouveaux prophètes. Sans partage des revenus, sans croissance,  sans diminution du chômage,  nous allons revenir aux années trente avec avènement d'un nouvel Hitler. Ce n'est plus le spectre du communisme qui hante l'Europe, mais celui du fascisme.

Par conséquent,  il s'agit de promouvoir un vivre-ensemble planétaire qui verra tous les peuples danser une grande sarabande démocratique. Tout se mélangera dans un pur bonheur d'exister, le rap avec Mozart, l'Afrique avec l'Europe, Conchita Wurst avec de vieux machos reconvertis ou pénitents.

En d'autres termes, le projet politique des gouvernants post-hitlériens se fonde sur l'élimination de toute discrimination entre peuples, entre hommes et femmes, entre parents et enfants, voire entre nous et les animaux. C'est compréhensible après les horreurs provoquées par les discriminations hystériques du IIIe Reich. Mais une telle politique n'est pas tenable, parce qu'elle contient en germe l'élimination de toute politique. A quoi bon des gouvernants si nous nous tenons tous par la main dans une grande sarabande planétaire ? Cette politique est d'ailleurs en train de s'effriter, ce qui provoque, comme il se doit, les cris d'orfraie ou des mises en garde. Attention, nous allons retomber dans des horreurs, nous disent les bien-pensants !

La politique de la grande farandole démocratique n'est pas non plus tenable pour une autre raison. Elle relève en effet davantage de l'incantation que du réalisme. Encore habités, sans très bien le savoir, par nos traumatismes, nous nous accrochons désespérément au projet d'une démocratie universelle pour nous convaincre que nous sommes en route pour un nouveau monde où, nourrie par le progrès économique, cette démocratie permettra à tout le monde de sourire à tout le monde. Tel est notre messianisme. Pas étonnant que les économistes soient devenus nos prophètes. C'est d'eux que nous attendons le salut pour entrer au paradis, sauf que la croissance, même démocratique, n'amène nulle part. Elle ne donne pas aux peuples un destin, mais un avenir programmé d'avance.

Vient alors la question rituelle : que proposez-vous ? Certainement pas un retour à une légitimité "fasciste". Il faudrait être fou, pervers ou malade pour souhaiter un retour au racisme, à l'antisémitisme, à l'homophobie. Mais cela ne signifie pas qu'il faille abolir toute discrimination. Si, par exemple, on supprime toute distinction entre l'excellence et la médiocrité, on détruit l'école. De même supprimer toute préférence nationale revient à détruire la nation. Les peuples n'aiment pas ça. Parfois, cela les fait même enrager et c'est alors qu'on peut craindre le pire.

S'acharner à promouvoir systématiquement ce que j'ai appelé une légitimité post-hitlérienne, fait donc courir le risque d'un retour du balancier. Ce seraient alors les plus acharnés ennemis du fascisme qui auraient préparé son retour.

Jan Marejko, 8 octobre 2014

* A ceux qui douteraient de la violence de ce traumatisme, je recommande la lecture de l'ouvrage de Keith Lowe, L’Europe Barbare 1945-1950, Paris : Perrin, 2013. Edition originale, 2012, Savage Continent, Europe in the Aftermath of World War II

mardi, 13 janvier 2015

Du bioconservatisme

 

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Du bioconservatisme

par Georges FELTIN-TRACOL

 

 

L’histoire des idées politiques contemporaines en Europe et en Amérique du Nord insiste sur la très grande plasticité sémantique du « conservatisme ». Si, pour François Huguenin, le conservatisme est impossible en France (1), celui-ci diffère tant aux États-Unis qu’en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Espagne ou en Italie (2). Chaque conservatisme suit la spécificité de son esprit national et de son époque. Par exemple, le conservatisme de l’Anglais Disraeli, tenant d’une alliance entre le peuple et la Couronne, n’est pas celui, oligarchique et sociétaliste, du fade et incapable David Cameron qui légalise le mariage pour tous, promeut l’atlantisme et encourage le multiculturalisme de marché. En Allemagne, le conservatisme organique de Bismarck ne correspond ni au « jeune-conservatisme » inclus dans la Révolution conservatrice du temps de Weimar, ni au pseudo-conservatisme chrétien d’une Angela Merkel, véritable tenancière pour le parrain yankee de l’ergastule soi-disant européen.

 

Il est donc très difficile de définir le conservatisme hors de tout contexte socio-historique précis. Et voilà que dans le cahier scientifique du Monde, un chirurgien urologue belge, Laurent Alexandre, range le député Vert français au Parlement européen José Bové parmi les « ultra-bioconservateurs (3) » ! Laurent Alexandre est très certainement un médecin émérite, expert dans son domaine. En revanche, dès qu’il quitte son champ de compétence professionnelle pour s’aventurer dans le monde des idées, son avis n’est que celui d’un citoyen lambda. S’il catalogue ainsi l’action de l’ancien éleveur du Larzac, c’est parce que son propos se veut assez favorable au transhumanisme. « Plutôt transhumains que morts devient notre devise, s’exclame-t-il (4) ! » Parce que « la manipulation technologique de l’homme a déjà bien commencé, […] des rapprochements inattendus apparaissent. Ainsi, José Bové était jusqu’à présent un militant d’extrême gauche. Dans le nouvel ordre biopolitique, il se retrouve, avec les catholiques intégristes, parmi les ultra-bioconservateurs. Il est résolument contre la fécondation in vitro (F.I.V.) pour les couples hétérosexuels stériles ou homosexuels et il s’oppose aux thérapies géniques pour le traitement des maladies génétiques. Il a déclaré, le 1er mai 2014, sur la chaîne catholique KTO : “ Je crois que tout ce qui est manipulation sur le vivant, qu’il soit végétal, animal et encore plus humain, doit être combattu ” (5) ».

 

Cette prise de position a surpris le petit milieu des Verts. Elle est pourtant conforme au personnage, méfiant envers toute technique. Rares sont ceux qui savent que José Bové a écouté au sein d’un cénacle libertaire informel bordelais entre 1971 et 1973 le philosophe, théologien protestant et professeur d’histoire du droit Jacques Ellul (1912 – 1994). Le journaliste Jean-Luc Porquet qualifie d’ailleurs le syndicaliste paysan d’« Ellul mis en pratique (6) ». À travers une remarquable trilogie philosophique, Ellul avertit ses contemporains de la nature profonde de la tekné (7).

 

En 2003, alors secrétaire exécutive du conseil du développement durable de l’U.M.P., le député de l’Essonne, Nathalie Kosciusko – Morizet qui prétend admirer l’œuvre de la philosophe Simone Weil dont son essai magistral L’Enracinement, osait déclarer que « parler de la France réelle, comme le fait Bové, a des relents d’idéologie maurrassienne (8) ». Avant Patrick Buisson et peut-être bientôt l’arriviste ponot droitard Laurent Wauquiez, Bové se voyait assimilé à un disciple du penseur de Martigues… Gageons que l’ineffable N.K.M. n’a jamais pris la peine d’ouvrir le moindre livre de Maurras, pas même L’Avenir de l’intelligence. Peut-être par crainte de se retrouver dépassée, submergée, engloutie par les analyses remarquables de cet essai majeur écrit en 1905 ?

 

José Bové aurait pu se voir reproché bien plus. En effet, au printemps 2002, il a estimé que « la résistance menée par les chouans était légitime et juste. Si j’avais été à ce moment-là en Vendée, j’aurais été chouan (9) ». C’est au fond somme toute logique puisqu’il veut d’abord et avant tout « se battre contre la mondialisation et faire avancer le droit pour les paysans et pour les peuples de se nourrir comme ils l’entendent (10) ». Cette affirmation d’attachement au sol, à la terre, aux terroirs est gaussée et minorée par un Britannique, un certain Robert Acroyd qui avance « que vous, les Français, vous êtes pour nous des paysans. Pour les Anglais, les Français sont des bouseux accrochés à leur lopin de terre, anxieux de l’agrandir par tous les moyens. Prêts à tuer frère, oncle, neveu, nièce pour quelques arpents. […] Les Anglais, eux, se voient avant tout comme des marins. Ils ont sillonné les mers, grimpé dans les cordages par gros temps, pris les vaisseaux ennemis à l’abordage. Les Anglais ont d’eux-mêmes l’image d’un peuple viril. Un peuple de guerriers qui se moque de vous parce que vos ancêtres étaient des serfs attachés à la plèbe (11). » Les Rosbifs, un peuple de guerriers ? Surtout des couards, inventeurs de l’embargo économique, du droit comme arme de guerre totale et du bombardement aérien de terreur…

 

Certaines causes défendues par José Bové sont de facto des combats conservateurs en faveur de la préservation de toutes les formes naturelles du vivant. « Depuis la création des O.G.M. et des animaux transgéniques à la fin du XXe siècle, écrit Yves Eudes, on sait que l’unité fondamentale du vivant permet des mélanges entre toutes les créatures, même les plus éloignées sur la chaîne de l’évolution. En théorie, un humain pourrait donc être doté d’une vue aussi perçante qu’un aigle, de l’odorat d’un chien de chasse, de l’ouïe d’un lièvre, de la force d’un orang-outang ou de la faculté de navigation d’un oiseau migrateur (12). » Il faut rapprocher le fantasme transhumaniste à une réflexion de Trotsky qui vécut aux États-Unis, d’où le tropisme américanocentré inhérent aux trotskistes. Dans une société future surgie de la « Révolution communiste mondiale », le fondateur de la IVe Internationale se félicitait par avance que « l’homme sera plus fort, beaucoup plus perspicace, beaucoup plus fin. Son corps sera plus harmonieux, ses mouvements plus rythmiques, sa voix plus musicale. La moyenne humaine s’élèvera au niveau d’Aristote, de Gœthe, de Marx. Et au-dessus de cette crête de montagne s’élèveront de nouveaux sommets (13) ».

 

Certes, « il n’y a plus de conservateurs, objecte Pierre Drieu la Rochelle, parce qu’il n’y a plus rien à conserver. Religion, famille, aristocratie, toutes les anciennes incarnations du principe d’autorité, ce n’est que ruine et poudre (14) ». Et pourtant ! Il y a encore à conserver la vie, les milieux naturels, les paysages sans lesquels toute communauté humaine s’étiolerait définitivement. Si le conservatisme politique a failli, a trahi et rallié le Progrès mortifère, une nouvelle réponse adaptée émerge : le bioconservatisme, ultra ou non. Sous ce nouveau vocable devraient se rejoindre l’identitaire et l’écologiste. « L’écologiste comme l’identitaire ont des approches en “ contexte ”. Une volonté d’assurer, de respecter ou de s’inspirer des permanences (traditions, coutumes, équilibres naturels, etc.). L’inverse exact de l’utopie (u-topos : sans le lieu). L’un et l’autre sont des conservateurs face à un monde qui se détruit, perd de sa grâce, de sa beauté, de sa mémoire chaque jour. La synthèse de ces deux sensibilités semble évidente (15). »

 

Ce rapprochement, plus que souhaitable, est proprement révolutionnaire et donc réfractaire aux hochets et autres sinécures brandis par le Système qui a su si bien apprivoiser l’extrême gauche du Capital. Une inclination conservatrice et/ou identitaire apparaît parfois au sein de certains courants écologistes. Les Français connaissent-ils Winfried Kretschmann ? Depuis mai 2011, grande première en Allemagne !, ce Vert est le ministre-président du Land du Bade-Wurtemberg. Catholique convaincu, professeur d’éthique en retraite et chef de file des « réalistes » au sein de son parti, il estimait que « les Verts n’ont pas besoin de devenir conservateurs pour remporter les élections du Bade-Wurtemberg. Nous sommes conservateurs. Notre ambition est de préserver la planète. Notre programme d’énergies renouvelables est une révolution industrielle. Nous voulons faire de notre pays le modèle d’une modernisation basée sur un développement durable. Cela ne concerne pas que l’écologie, mais également la finance, le système social et la démographie. Ce sont des concepts qui privilégient le long terme, constituent notre éthique et nous distinguent des autres partis. Nous sommes donc conservateurs mais pas dans le sens habituel du monde politique. […] Avec notre “ green new deal ”, nous sommes bien plus proches de ce tissu de P.M.E. qui constituent le Mittelstand allemand que les partis conservateurs (16) ». Le 30 novembre dernier, les électeurs suisses se prononçaient sur une votation intitulée « Halte à la surpopulation – Oui à la préservation durable des ressources naturelles » qui proposait une limitation de l’immigration nette en Suisse à un taux de 0,2 % par an en moyenne afin de protéger la nature et de limiter le besoin en constructions nouvelles. Cette initiative populaire revenait au groupe Écopop (Écologie et Population). La consultation ne reçut l’approbation d’aucun parti politique, pas même l’U.D.C., cette incarnation des nationaux-pétochards. Elle fut rejetée par 74 % des électeurs. Les médiats, bien sûr, désinformèrent énormément. Ainsi peut-on lire que  « les experts s’évertuent de démontrer qu’immigration et dégradation de l’environnement ne sont pas liés et que l’économie a besoin de main-d’œuvre étrangère (17) ». Un gigantesque mensonge soutenu et approuvé par les libéraux dont Nicolas Lecaussin de l’Institut de recherches économiques et fiscales (18).

 

La convergence de l’écologie, du « conservatisme » culturel, de la cause identitaire et de la réfutation du libéralisme constitue une magnifique occasion de renouvellement des idées à un moment où « certains mouvements révolutionnaires, remarque Christophe Bourseiller, semblent avoir fait le deuil de la révolution et se perçoivent davantage comme des forces réformatrices, ou des laboratoires d’idées. De même, l’altermondialisme, produit de l’extrême gauche, n’est en réalité qu’un courant réformateur, appelant de ses vœux ce que Raoul Vaneigem nomme un néo-capitalisme régulé par l’éthique (19) ». Le positionnement bioconservateur de José Bové n’est pas qu’écologique, il est aussi politique puisque, à l’instar des premiers conservateurs nourris aux penseurs de la Contre-Révolution, il estime que la logique interne de l’État est, aujourd’hui, « totalement dictée par l’économie. Ceux qui gèrent se voient imposer d’énormes contraintes. L’État n’est plus le lien des réponses aux questions que nous nous posons : les organismes génétiquement modifiés, la modification des règles de l’O.M.C. et leur réappropriation par les  citoyens. L’État-nation peut disparaître, cela ne changera pas grand-chose (20) ».

 

Plus que révolutionnaire, on perçoit vite que ce bioconservatisme se veut radical. Pour l’ancien situationniste exclu, ex-« Enragé de Nanterre », aujourd’hui proche de L’Encyclopédie des Nuisances, René Riesel, « radical » signifie « prendre les choses à la racine, c’est critiquer les bases techno-scientifiques de la société moderne, comprendre la parenté idéologique profonde entre le progressisme politique ou social (c’est-à-dire la “ mentalité de gauche ” telle que la définit Theodore Kaczynski) et le progressisme scientifique. L’industrialisation est depuis la “ révolution industrielle ” en Angleterre une rupture absolument fondamentale avec l’essentiel du processus d’humanisation. Sans civilisation paysanne, c’est la civilisation tout court qui se défait, on le constate aujourd’hui (21) ». Naguère responsable de la Confédération paysanne qu’il quitta dès 1999 en désaccord complet avec Bové qu’il qualifie de « clown à moustaches », Riesel considère dorénavant la lutte du Larzac comme « l’avant-garde de la domestication, une distribution de Prozac généralisée (22) ».

 

Toutefois, chantre des souverainetés alimentaire, agricole et énergétique, José Bové persiste paradoxalement à souhaiter une autre mondialisation et des sociétés ouvertes aux flux migratoires. Or, au soir de sa vie, Jacques Ellul lui-même s’interrogeait sur les étrangers immigrés qui « exécutent souvent un travail que les Français ne voudraient plus faire les besognes les plus pénibles ou les plus répugnantes, si bien qu’ils sont des “ pauvres ” (même s’ils ont assez d’argent pour en envoyer à leurs familles restées dans le pays d’origine, on le sait parfaitement). Ce sont les pauvres de notre société d’opulence (quoique, le fait est remarquable, on n’en trouve pas chez les “ clochards ”) (23) ». Par un parallélisme étonnant, des analyses de Jacques Ellul se recoupent avec certaines réflexions du sociologue Jules Monnerot. « On pouvait être tranquille tant que le tiers monde n’avait pas d’idéologie mobilisatrice. Une révolte anticoloniale de tel ou tel pays, ce n’était pas très grave. Mais maintenant, le tiers monde est muni d’une idéologie puissante mobilisatrice, l’islam. Celui-ci a toutes les chances de réussir contrairement au communisme qui était encore importé d’Occident. Et c’est pourquoi le communisme échoue peu à peu dans les pays d’Amérique latine qui l’avaient adopté […]. Au contraire, l’islam est du tiers monde. Il gagne à une vitesse extraordinaire toute l’Afrique noire, il mord de plus en plus largement en Asie. Or, c’est une idéologie à la fois unificatrice, mobilisatrice, et combattante. À partir de ce moment, nous allons être engagés dans une véritable guerre menée par le tiers monde contre les pays développés. Une guerre qui s’exprimera de plus en plus par le terrorisme, et aussi par “ l’invasion pacifique ”. […] Et en même temps se produira inévitablement l’infiltration croissante des immigrés, travailleurs et autres, qui par leur misère même attirent la sympathie et créent chez les Occidentaux des noyaux forts de militants tiers-mondistes. Les intellectuels, les Églises, le P.C., pour des raisons diverses, seront les alliés des immigrés et chercheront à leur ouvrir les portes plus largement. […] Cette présence des immigrés, avec la diffusion de l’islam en Europe, conduira sans aucun doute à l’effritement de la société occidentale entière. Par suite de la déraison manifestée depuis vingt ans par nous, l’Occident va se trouver, sur le plan mondial, d’ici vingt-cinq ans, dans l’exacte situation actuelle de la minorité blanche d’Afrique du Sud, face à la majorité noire (24). » Il est probable que les prochaines années voient la figure d’Ellul devenir une référence néo-conservatrice anti-musulmane appropriée au choc délétère des civilisations… Le penseur réformé atteint peut-être là ses limites d’autant qu’il a tenu des positions pro-sionistes.

 

N’en déplaise aux décroissants chrétiens, le christianisme ne peut pas répondre totalement au défi de la mondialisation. En revanche, « l’hindouisme, avec ses dieux faiseurs de miracles, est peut-être mieux armé que les monothéismes pour combattre la mondialisation, pense l’écrivain indien Tahir Shah (25) ». L’hindouisme, c’est-à-dire une forme particulière vivante de polythéisme que devraient retrouver les Européens.

 

Un processus est certainement en cours comme en témoigne l’inquiétude de Nicolas Truong. « Une autre force révolutionnaire se déploie en Occident, celle des néofascistes qui, à l’aide d’une critique anticapitaliste adossée à une pensée de l’identité, des affinités électives relayées par des mots d’ordre guerriers, prône une sorte de soulèvement conservateur et qui, eux aussi, se socialisent dans les luttes. De ce conflit des insurrections pourrait naître un monstre inquiétant (26). » Concevons donc ce monstre ! Le discours antilibéral, écologiste, identitaire et, en dernière analyse, anti-mondialiste est crucial, car « la mondialisation, explique Jean Malaurie, expression habile du libéralisme, favorise des régimes mafieux où l’information est normalisée (27) ». Dans ces conditions difficiles, « sont écologistes ceux qui savent que nous faisons partie d’une chaîne de vie complexe qu’il nous faut comprendre et respecter dans son organisation et sa diversité. Sont localistes ceux qui savent que le local est le niveau d’organisation où peuvent se réaliser le mieux et simultanément les aspirations à la liberté, à la responsabilité et donc à l’efficacité raisonnable. Sont identitaires ceux qui savent que nous sommes une substance de population plus ancienne que nos institutions, dérivées et secondaires (28) ». Valoriser le peuple est dorénavant essentiel, car « la pensée vient toujours de l’arrière : du peuple (29) ». Avis aux Z.A.D.istes de Roybon, Sivens et Notre-Dame-des-Landes, l’avenir du bioconservatisme ne peut être que populaire !

 

Georges Feltin-Tracol

 

Notes

 

1 : François Huguenin, Histoire intellectuelle des droites. Le conservatisme impossible, Perrin, 2013.

 

2 : Sur ce vaste sujet, lire Philippe Beneton, Le conservatisme, P.U.F., coll. « Que sais-je ? », n° 2410, 1988; Luc Gaffié, Les idées du conservatisme américain, New Forums, 1990; Nicolas Kessler, Le conservatisme américain, P.U.F., coll. « Que sais-je ? », n° 3364, 1998.

 

3 : Laurent Alexandre, « José Bové, ultra-bioconservateur », dans Le Monde, le 15 octobre 2014.

 

4 : Idem.

 

5 : art. cit.

 

6 : Jean-Luc Porquet, Jacques Ellul, l’homme qui avait presque tout prévu, Le Cherche Midi, coll. « Documents », 2003, p. 232.

 

7 : Cette trilogie se compose de La technique. Ou l’enjeu du siècle (1954), Économica, coll. « Classiques des Sciences Sociales », 1990; Le système technicienne, Calmann-Lévy, coll. « Liberté de l’Esprit », 1977; Le bluff technologique, Hachette, coll. « La Force des Idées », 1988. Une autre personnalité politique française qui aurait suivi l’enseignement ellulien serait le député – maire de Bègles, apparenté Vert et chantre du laïcisme et du gendérisme, Noël Mamère, que Bruno Gollnisch renomme avec facétie sur son site officiel de « Fête de fin d’année Parent 1 ».

 

8 : dans Le Figaro, le 11 août 2003.

 

9 : dans La Lozère nouvelle, le 8 mars 2002.

 

10 : dans Libération, le 20 août 1999.

 

11 : dans Le Nouvel Observateur, les 6 – 12 mars 2003.

 

12 : dans Le Monde, le 6 août 2005.

 

13 : Léon Trotsky, Littérature et Révolution, Vienne, 1924, édition allemande, p. 179, cité par Jules Monnerot, Sociologie de la Révolution, Fayard, coll. « Les grandes études contemporaines », 1969, p. 251.

 

14 : Pierre Drieu la Rochelle, Mesure de la France, Grasset, 1964, p. 93.

 

15 : Laurent Ozon, France, les années décisives. Entretiens 2013 – 2014, Éditions Bios, 2014, p. 25.

 

16 : dans Le Monde, les 21 et 22 novembre 2010, souligné par nous. Sur les Verts allemands et certaines de leurs tendances conservatrices, voir Thomas Keller, Les Verts allemands. Un conservatisme alternatif, L’Harmattan, coll. « Environnement », 2000.

 

17 : Christian Salvadi, « La Suisse vote de nouveau sur l’immigration », dans Le Monde, le 29 novembre 2014.

 

18 : Nicolas Lecaussin, « Oui à l’immigration… sans État-providence », dans Le Figaro, le 18 décembre 2014. Il est toujours grotesque d’observer que les chantres les plus exaltés du libéralisme sont des fonctionnaires d’université ou des membres d’instituts d’onanisme neuronal et non des patrons de petites ou moyennes entreprises, des artisans ou des membres de professions libérales…

 

19 : dans Le Point, le 19 octobre 2006. Ancien situationniste, Raoul Vaneigem est bien l’anti-Guy Debord puisqu’il a accepté d’être récupéré et intégré dans la Société du spectacle.

 

20 : dans Le Nouvel Observateur, les 17 – 23 février 2000.

 

21 : dans Libération, les 3 – 4 février 2001. Alias Unabomber, Theodore John Kaczynski est un terroriste néo-luddite emprisonné à vie dans les prisons fédérales de haute sécurité des États-Unis, cf. Theodore Kaczynski, L’effondrement du système technologique, Xenia, 2008, qui réunit l’ensemble de ses écrits.

 

22 : dans Marianne, les 18 – 24 août 2002.

 

23 : Jacques Ellul, Islam et judéo-christianisme, P.U.F., 2004, p. 43, souligné par l’auteur.

 

24 : Jacques Ellul, Le bluff technologique, op. cit., pp. 280 – 281. Dans une longue note de cet ouvrage, Ellul estime qu’« aujourd’hui, le grand thème d’une France multiraciale, avec l’invasion musulmane, achève cette destruction de la cohérence culturelle française (n. 26, p. 181) ».

 

25 : dans Le Figaro littéraire, le 24 mai 2001.

 

26 : Nicolas Truong, « Un désir de soulèvement », dans Le Monde, le 5 décembre 2014.

 

27 : Jean Malaurie, dans Le Nouvel Observateur, les 23 – 29 décembre 1999.

 

28 : Laurent Ozon, op. cit., pp. 26 – 27.

 

29 : Jean Malaurie, art. cit.

 


 

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lundi, 12 janvier 2015

De la politique considérée comme souci

De la politique considérée comme souci

boutangportrait.jpgC’est lorsque l’horreur atteint à sa plus grande amplitude, lorsque tout ce qui était sacré (tout ce que le patient tissage de l’histoire et de la tradition avait fait reconnaître comme sacré) s’évanouit, que la conscience religieuse ou son résidu laïcisé s’efforce de constituer une barrière contre l’horreur par la reconnaissance, au moins, des valeurs morales universelles ; on peut même dire que ceux qui, avant le déchaînement horrible, avant les camps de la mort méthodique ou le bombardement massif des populations civiles, prétendent faire de la conformité aux valeurs universelles le contenu de l’histoire, ceux-là ont déjà secrètement pris le parti de l’horreur ; ils ont renoncé à ces valeurs subtiles, à cette tendresse des coutumes et des rites, à ces amitiés par lesquelles un vieux peuple civilisé sait accueillir et dompter la brutalité de l’avenir ; ils sont les complices du désastre qu’ils redoutent et laissant l’imagination historique à l’horreur, ils laissent du même coup l’horreur forger le contenu de leur destin.

bout9782912833341.jpgPierre Boutang
LA POLITIQUE, LA POLITIQUE CONSIDÉRÉE COMME SOUCI

Robert Redeker, dans Valeurs Actuelles
Rémi Soulié, dans Le Figaro
Sébastien Lapaque, dans Marianne
Gabriel Matzneff, dans Le Point
Juan Asensio, dans Le Stalker
Olivier Véron, dans L'Avenir du printemps, etc.

Avec une postface de Michaël Bar-Zvi, qui pubie chez le même éditeur : Israël et la France, l'alliance égarée.

La Politique, la politique considérée comme souci, par Pierre Boutang.

 

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dimanche, 11 janvier 2015

Iván Ilyn y la misión histórica de Rusia

Iván Ilyn y la misión histórica de Rusia

IVAN ILYNpor Sergio Fernández Riquelme*

Ex: http://culturatransversal.wordpress.com

El filósofo Iván Alexandrovich Ilyin (Иван Александрович Ильин) [1883-1954] aparece, desde el punto historiográfico, como uno de los grandes referente doctrinales del nacionalismo contrarrevolucionario de Rusia en el siglo XX y en siglo XXI. En la centuria pasada se convirtió, con poco éxito político, en ideólogo destacado del movimiento monárquico del exilio (ROVS) frente a la Revolución comunista de los bolcheviques, perseguido por los totalitarismos ruso y alemán, y denostado por los liberales occidentales. Y en el siglo XXI es reivindicado como guía del moderno nacionalismo ruso frente a la Revolución liberal que el gobierno norteamericano pretende imponer a través de la cultura de masas, la dependencia económica y la homogenización identitaria, especialmente empezando por los considerados países occidentales colonizados [1].

En ambos periodos aparece, pues, como una pieza central para explicar la búsqueda pasada y presente de ese sistema político y social en Rusia capaz de cumplir, aunando tradición y modernidad, la misión histórica y espiritual de un Imperio eurasiático que, como reivindicaba Aleksander Projanov [2], miraba siempre “hacía el cielo“. Un Imperio no solo geopolítico; era algo más, sobreviviendo al infortunio y al error, a la soledad y a la invasión a lo largo de los siglos. Siempre una auténtica civilización propia y diferenciada, en búsqueda de su identidad en el mundo globalizado, permanentemente transformado, desde la inmensidad de su geografía y desde esa trágica y creativa “alma rusa” de la que hablaba Dostoyevski.

Un pensador tradicionalista recuperado, pues, en la primera plana del debate ideológico y político de la mano de la denominada “democracia soberana[3] (imbuida del “principio de autoridad soberana” de Ilyin) impulsada por el presidente de la Federación Rusa, Vladimir Putin; el cual personalmente participó en la vuelta de sus restos mortales al país en 2005 y en la ceremonia pública de la consagración de su tumba en el Monasterio Donskoy de Moscú. Hasta tal punto es central la influencia de Ilyin sobre la nueva doctrina nacionalista rusa que Putin le citó, únicamente a él, en el trascendental Mensaje anual del Estado de diciembre de 2014, momento de álgida presión económica y política occidental contra Rusia por el conflicto de Ucrania, nuevo episodio de la supuesta confrontación entre Eurasia y Occidente, y oportunidad histórica para reivindicar la supervivencia de la identidad espiritual de la Civilización rusa:

“Traigo a este respecto, una cita: el que ama a Rusia debe desear para ella la libertad; ante todo, la libertad para la propia Rusia, la independencia y la autonomía, la libertad para Rusia como unidad de los rusos y de todas las demás culturas nacionales; y, por último, – la libertad para el pueblo ruso, la libertad para todos nosotros; la libertad de fe, de búsqueda de la verdad, la creatividad, el trabajo y la propiedad (Iván Ilyin). Es este un gran significado y un buen mandato en el tiempo de hoy” [4].

  1. Su vida. Del Imperio a la emigración.

Iván Ilyin nació el 28 de marzo de 1883 en Moscú. De raigambre aristocrática, era heredero de la primigenia dinastía rurikida en la región de Riazán, a la que pertenecía su padre, Alexander Ivanovich Ilyin [1851-1921] (secretario y jurado imperial). Fue bautizado en la Iglesia de la Natividad de la Virgen de Moscú (área de Smolensk) siendo su padrino el mismo emperador Alejandro II. Educado en la más pura tradición aristocrática de la administración imperial, el joven Ilyin se graduó en 1901 en la Escuela secundaria del primer Gimnasio de Moscú, con medalla de oro en educación clásica (en especial por su conocimiento en griego, latín y eslavo eclesiástico).

Ese mismo año ingresó en la Facultad de Derecho de la Universidad Imperial de Moscú. Las algaradas estudiantiles de la Revolución de 1905, que rechazó, le hicieron profundizar en su vocación académica y escorarse hacia el conservadurismo, si bien liberal en este periodo. Así optó por la rama filosófica, de la mano de la línea cristiano-ortodoxa del profesor Pavel Ivanovitch Novgorodtsev [1866-1924]. En 1906 se graduó, y el 27 de agosto se casó en la iglesia de la Natividad de Cristo (aldea de Bykovo) con Natalia Bokac. Desde 1909 comenzó a trabajar en la Universidad como privat dozent, en la Cátedra de Historia y Enciclopedia del Derecho. Tras una estancia científica en Europa Occidental (Alemania y Francia), en 1911 Ilyin inició su tesis doctoral, centrada en el tema Crisis de la filosofía racionalista en Alemania en el siglo XIX a partir del impacto de las tesis de Hegel y el desarrollo de la fenomenología, las principales corrientes del momento. En 1914, con el apoyo del Príncipe Trubetskoy, colaboró en las conferencias públicas sobre la ideología presente en la recién comenzada Primera Guerra mundial, centrándose en el tema del Sentido Espiritual de La Guerra (en defensa de la justa misión de Rusia en la misma, pese a estar en contra de todo conflicto bélico).

 

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Deudor del pensamiento de Hegel y en plena construcción de su posición respecto a la filosofía jurídico-política, Ilyin comenzó a participar como conferenciante en el Instituto de Comercio de Moscú sobre el tema “Introducción a la Filosofía de la Ley”, bajo el amparo de Novgorodtsev. En dichas conferencias se ilustraba la base de su tesis, centrada en la dimensión espiritual del pensamiento hegeliano, que sería terminada en 1916 y defendida en 1918 como la Filosofía de Hegel en la doctrina de la especificidad de Dios y del hombre [5].

Inicialmente Ilyin, aún ligado a los principios monárquico-liberales de su primera formación, vio en la Revolución de febrero de 1917 la oportunidad de reformar el país siguiendo la senda de la modernización occidental (una monarquía socioliberal bajo Kerenski). Pero la segunda fase, la Revolución de Octubre, decepcionó totalmente sus primeras expectativas, hasta el punto de tener que tomar partido ideológico y político, dejando atrás especulaciones filosófico-jurídicas. Liberales y comunistas, quienes se disputaban el poder a mano armada, había comenzado la destrucción del país.

Pese al triunfo final de la facción bolchevique, decidió quedarse en Rusia, tras leer su Tesis doctoral y ser nombrado profesor de Filosofía Derecho en la Universidad imperial; aunque su pasado aristocrático y su posición crítica ante el “colapso del Estado” provocado por los nuevos Soviets le llevaron en varias ocasiones a la cárcel (junto a su maestro Novgorodtsev). Finalmente fue expulsado del país en 1922, por orden directa de Vladimir Ilych Ulianov, junto a los más de 160 intelectuales y profesores que formaban la llamada “Nave de los filósofos” (Abrikosov, Berdyaev, Brutskus, Frank, Kagan, Karsavin, Lossky, Sorokin o Stepun) [6].

Ilyin llegó en 1923 a Berlín. En la capital de la nueva República de Weimar trabajó (hasta 1934) como profesor de ruso en el Instituto científico de la ciudad. Allí se convirtió en el referente doctrinal de los contrarrevolucionarios rusos, tomando partido por los emigrantes del Movimiento blanco por toda Europa Occidental, siendo director del diario promonárquico Русский колокол. Pero en 1930 el Instituto dejó de recibir fondos públicos y Ilyin comenzó a colaborar con los círculos intelectuales anticomunistas para ganarse a vida (reunidos en la editorial Eckart), y en 1934 el nuevo gobierno nacionalsocialista alemán lo expulsó del Instituto y le sometió a vigilancia por la Gestapo. Gracias a la ayuda de Sergei Rachmaninoff logró emigró de nuevo, en esta ocasión a Suiza, llegando a Ginebra en 1938 y finalmente residiendo en la comarca de Zúrich, refugio donde escribió sus principales obras, dio entidad a su doctrina, y falleció finalmente [7].

  1. La doctrina. De la contrarrevolución a la misión.

La exilio hizo de Ilyin doctrinario de cabecera. Aterrado por las consecuencias de la Revolución, que destruyó la herencia nacional y arruinó toda posibilidad de transición política, Ilyin tomó partido por la causa monárquica y conservadora de la contrarrevolución blanca. Destruidos los ejércitos del general Kornilov solo quedaba el activismo político y la construcción ideológica. Y en ella se encontraba recuperar la verdadera “misión de Rusia[8].

  1. a) La contrarrevolución.

Su posición contrarrevolucionaria había ya quedado clara en 1923, recién llegado a las filas de la emigración blanca [9]. Frente a los representantes militares y políticos de la diáspora, Ilyin les habló del pronto renacer del poder y la gloria de Rusia gracias al movimiento blanco, desde la fidelidad y el sufrimiento, y como guía para otras naciones. El destino de la nación rusa partía del conocimiento de los hechos históricos y del realismo político inscritos en la existencia histórica, humana y divina, de su pueblo. Entender dicho destino significaba, por ello, comprender ese espíritu histórico, marcado por los designios divinos y los errores humanos en la gran época de la transformación revolucionaria [10]].

La Revolución había triunfado, y todos los pueblos de Rusia tuvieron que afrontar su infierno: “la blasfemia de los impíos, el asalto de los bandidos, la desvergüenza del loco, los intentos de asesinato”; y “todos tuvimos que mirar a los ojos de Satanás, tentándonos con sus últimas seducciones y atemorizándonos con sus más recientes terrores“. Todo parecía perdido, pero la Revolución era una señal, el signo espiritual de una época y de sus hombres. Ilyin descubría que “el secreto y más profundo significado de la Revolución se sostiene en el hecho de que es más que todo una gran seducción espiritual; una dura y cruel prueba que quema a través de las almas”. La conversión del mundo. “Con Dios o contra Dios“, siendo humillado y castigado o sirviendo al enemigo contra tus propios amigos [11].

Elegir y decidir..”. Nadie en Rusia había escapado a este juicio, recordaba Ilyin, “a esta prueba que superó a cada hombre: desde el Zar al soldado, desde el más Santo Patriarca al último de los ateos, de los ricos a los pobres“. Una prueba que puso a todos ante el rostro de Dios, testificando para la salvación o para la muerte; un juicio aparentemente laico pero verdaderamente religioso, que nos recordaba la eterna y trágica búsqueda humana del mundo espiritual. Y ante ese juicio, los blancos, los patriotas, aquellos que fueron fieles a su mandamiento no podían perder; habían sido vencidos en el campo de batalla, pero ganaron con su fidelidad, con su sacrificio, con su elección. “El vencedor -defendía Ilyin- es el que se alzaron contra el mal, se levantó en contra de la seducción, sin caer en ella, y se levantó contra el terrorismo, no teniendo miedo[12]. La Historia hablaría de ello.

La señal era evidente para Ilyin. Solo podría salir esta Rusia hacia adelante “a partir de su profundidad religiosa, vigorosa“. Frente a las dudas de la intelectualidad sobre su futuro, desde esta realidad ancestral Rusia podría renacer, fortalecerse y crecer. Y sobre ella debía fundarse la forma estatal y la autoridad soberana [13]. Para Ilyin la autoridad soberana, como fundamento contrarrevolucionario, se realizaba en la figura del más fuerte, del noble que acepta y ejerce el poder con la voluntad, que es el timón del pueblo, y de consecuente y formada fidelidad patriótica de la nación. Autoridad que unía a dirigentes y población más allá del territorio común o de la lógica subordinación; se unían en el esfuerzo y en la acción conjunta los nobles líderes y los leales guardianes, creando una unidad sagrada que merecía ser defendida con la propia vida, como gobernantes o como soldados al servicio de la Patria y Cristo [14].

El poder del Estado representaba, pues, esa autoridad soberana destinada a defender con la vida y la muerte “la existencia y la santidad de su pueblo”. Por ello, para Ilyin quien toma el poder, quien asume la autoridad tiene un deber fundamental, una responsabilidad ante el peligro, ante la muerte. Dicha autoridad era, obligadamente, una cuestión de voluntad, una vocación no sólo para ver y comprender (ya existen los expertos), sino para “seleccionar, decidir, dirigir, conservar y obligar”. Esta es su causa, su naturaleza, su propósito, sentenciaba Ilyin [15]; y continuaba señalando los rasgos de esa autoridad soberana, a modo de axiomas, sin los cuales llegaba al poder la mentira y el engaño, y con ello la “anarquía, la decadencia y el abismo[16]:

  • La débil voluntad de maestro era una interna contradicción, un absurdo de la vida, y la ruina de toda una causa espiritual.
  • Era vital la capacidad de decidir, de centrarse enel mejor resultado entre diferentes posibilidades.
  • Una inquebrantable autoridad, preparada para defender su posición y dispersar los impedimentos, necesitaba un profundo diseño, de energía fuerte y de gran tenacidad.
  • La irresolución de la autoridad que se producía en el republicas parlamentarias de los Estados democrático-formales ocultaba, dentro de sí misma, no sólo un peligro, sino la absoluta desesperanza y la fatalidad.
  • Elmejor los hombres debía ascender a la autoridad soberana, probando con sus palabras y sus hechos “que el poder del estado no debe pertenecer a los ladrones, traidores, mentirosos, sobornar a los audaces, a los violadores, y los oportunistas sin principios ni ideales“.
  • El saludable poder soberano significaba el énfasis en la voluntad de la nobleza (aristos): patriotismo, conciencia, honor, lealtad y servicio.
  • A la cabeza de la nación y como custodia de lo sagrado debía situarse el más fuerte y el más noble de los hombres, sometido en todo momento a una “inquebrantable regla de comportamiento” desde la ruta por la cual ha llegado al poder, ya sea desde arriba (con designación) o desde abajo (por las elecciones).
  • Estar cerca del poder significaba estar cerca de la muerte, como Pedro el Grande en Poltava; lalucha hasta la muerte estaba contenida, para Ilyin, en el principio de autoridad soberana.
  • Quién recibía la autoridad (sea cual fuese la cantidad) tiene a su disposición la oportunidad de crear y proteger, organizar y construir el país a través de los órdenes de autoridad. Posee en sus manos el tesoro de la nación entera, el fruto de muchos sufrimientos y de la herencia cultural. Este es un “bien público” que los fieles centinelas deben guardar incluso con el precio de su vida, manteniendo la autoridad soberana confiada, y evitando la corrupción y el despilfarro. Ilyin recordaba que “la historia hace cuentas de un descuido del centinela“.
  • Quien ejerce la autoridad, quien ha sido confiado el poder en una sección del Estado, no tiene derecho a extinguir esta obligación por la renuncia unilateral. “El centinela no puede sustituirse a sí mismo en su puesto; el gobernante no puede arbitrariamente dejar el campo de juego o preferir la inacción“.
  • La autoridad soberana poseía el significado dedestino para aquellos que la acepten.
  • La autoridad soberana era una auténticarepresentación en vivo, en la cual la decisión de líder y la acción del tutorizado definía el destino de todo un pueblo.
  • Estos axiomas eran, para Ilyin, el drama de la voluntad, de la nobleza, de la vida y la muerte, los cuales había que preservar para que las futuras generaciones de Rusia considerasen esta verdad en profundidad [17].

La contrarrevolución de Ilyin nacía de la trágica experiencia vivida de primera mano. En ella se interrelacionaban su visión hegeliana de la Historia [18] y la más pura tradición de la Eslavofilia ortodoxa. Pero la consolidación de la Revolución comunista y la creciente debilidad de la oposición monárquica hicieron a Ilyin concretar su filosofía histórica en una doctrina jurídico-política para el futuro de Rusia. Así fue rechazando la figura de Nicolás II, dubitativo Zar que tomó partido y permitió el fin de la Rusia imperial, y se alejó del Gran Duque Kiril Vladimirovich, autoproclamado nuevo Zar en el exilio sin el apoyo de toda la diáspora.

 

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Llegaba la hora de dejar atrás la mera contrarrevolución monárquica. La autoridad soberana tenía que fundamentarse en un proyecto de largo recorrido, más allá de los nombres y de las coyunturas, recuperando la esencia histórica y espiritual de la misión de Rusia. Por ello, la explicación del triunfo de la Revolución se focalizaba ahora en la pérdida de la verdadera identidad espiritual rusa y de su destino en el mundo [19]. La importación radical del Estado absolutista occidental y unas masas populares imbuidas por ideologías radicales foráneas habían socavado la unidad y convivencia nacional en 1917. Y ante la misma, la autoridad soberana debía separarse del destino de los Romanov, y alentar una monarquía nacional y espiritual, como ascendente patriótico y no como linaje dinástico, como unidad histórica [20].

La vieja Organización comunal del Principado de Novgorod había desaparecido del imaginario colectivo; los Zemski Sobor de la antigua Moscovia era un recuerdo lejano. En los estertores del Imperio la necesaria y justa desigualdad que cifraba toda sociedad se había convertido en animadversión; la labor espiritual y rectora de las elites hacia el pueblo había desparecido (por la corrupción y la ociosidad) y los derechos ciudadanos habían hecho desaparecer las obligaciones respecto a la patria y la fe. Y la propiedad se había convertido en caballo de batalla entre clases, leitmotiv del marxismo leninista triunfante en 1917, al verla los primeros como el medio para vivir de las rentas sin trabajo arduo, y los segundos como una forma de opresión de burócratas y terratenientes holgazanes.

El igualitarismo revolucionario había ganado en la nueva Petrogrado, y con ello se había desvanecido el orden tradicional. Frente al mismo, que dominaba conciencias y controlaba las almas, solo cabía desarrollar una nueva “conciencia de la ley” (правосознание) adaptada en cada momento al desafío histórico. Este concepto hacía referencia al fundamento de la auténtica y verdadera obediencia ciudadana, basada en la moralidad y la religiosidad, y centrada en la correcta comprensión individual de la ley y de su cumplimiento. Sin esa conciencia, construida y difundida nacionalmente, no había orden duradero y justo posible ni ley aceptada socialmente (idea publicada en su obra póstuma О сущности правосознания).

La Ley y el Poder, tradicionalmente fundados y jurídicamente legitimados, eran la base para el porvenir de esa autoridad soberana, base de la “misión histórica” de una Rusia eslava pero “madre” de diferentes etnias y culturas bajo su seno (lo que le hacía rechazar el fascismo y el antisemitismo). Por ello escribió en О главном (Sobre lo importante) y en Наши задачи (Nuestra tarea) sobre la necesidad de construir una gran y poderosa Rusia superando los odios de clase, de raza y de partido.

  1. b) El futuro de Rusia.

En 1949 describía su tercera vía tradicional y conservadora, auténticamente rusa. Una creación ajena a las exigencias extranjeras, aunando lo mejor del pasado y lo mejor del presente, y donde esa autoridad soberana diese explicación a cada acto del devenir. En uno de sus textos capitales, El futuro de Rusia, lo explicó meridianamente claro [21]. El camino de Rusia no podía ser la democracia liberal occidental, ni el totalitarismo de izquierda o derecha. “Nosotros insistimos en el tercer camino para Rusia y consideramos que es el único correcto” defendía Ilyin [22].

La democracia liberal situaba al Estado como una Corporación, voluntaria y liberal, que “se construye de abajo hacia arriba” a partir de interés del individuo y la votación puntual (“todo por el pueblo” era el ideal de la democracia formal). Todo era libre, nadie era responsable, desapareciendo “la medida de la libertad“. Por ello esta Corporación estaba pasando por “un gran y prolongado periodo de la crisis“, que “sólo podía tener dos resultados: o el triunfo de las dictaduras y la tiranía totalitaria de la dirección (lo que Dios no quiera!), o una actualización completa del principio democrático en el lado de la selección de los mejores y de la política de la educación“.

Mientras, para el totalitarismo la vida del Estado era una Institución (por ejemplo, hospitales, institutos de enseñanza secundaria) que se construía siempre de arriba hacia abajo (incluso cuando la propia institución era establecida por voto popular); en ella “las personas interesadas en la vida de la institución, recibirán de él el beneficio y el uso, pero no mostraban su interés ni participan en su objetivo general. Aceptaban pasivamente a una institución -cuidado, servicios, beneficios y orden- que decide que se toma y que no; y, si acepta, en qué condiciones y hasta cuándo“. La institución se basaba en el principio de la tutela de personas interesadas, y las autoridades no son elegidas sino designadas. “Y puesto que el Estado es una institución, en la medida de que el pueblo no la controla, no se decreta, sino que se educa y obedece” concluía Ilyin.

Frente a ambas posiciones dominantes, Ilyin hablaba de esta tercera vía, de un sistema jurídico-político ruso que recogía lo verdaderamente valioso de lo corporativo y de lo institucional. La Corporación permite a los ciudadanos participar del objetivo común y controlar a sus gobernantes, colaborando al Imperio de la ley. La Institución sostiene la vida en común, más allá de vaivenes partidistas y bajo la gestión de los mejores, asegurando un Estado fuerte y neutral. Lo corporativo permite fiscalizar como una empresa al Estado, impregnándose de la solidaridad del autogobierno; lo institucional consolida la permanencia de la nación (“el estado nunca dejará de basarse según un tipo de institución, especialmente en aquellos aspectos que requieren una única autoridad y disciplina: a saber, en los asuntos públicos de la educación, el orden, la corte, de control, de defensa, la diplomacia“). La solución rusa eliminaba de raíz los excesos de ambos sistemas: la tiranía de los de abajo (que llevaba a la incapacidad del gobierno) y de los de arriba (que llevaba al nepotismo y la parálisis del poder).

El Estado en su sano ejercicio siempre combina rasgos de la corporación con los rasgos de la institución: se basa -desde arriba y desde abajo- sobre el principio de la autoridad pública de la tutela, y según el principio de la autogestión. Hay asuntos estatales en las que es relevante y útil el autogobierno corporativo; y hay algunos casos en los cuales es decididamente inapropiado e inaceptable[23].

Pero el nuevo Estado ruso debía establecer la mejor y más adecuada combinación de instituciones y corporaciones “para las condiciones de vida” de la nación: en función del territorio y sus dimensiones (efectividad del poder), la densidad de población (tipo de organización), las tareas del Estado (Imperio de la ley), la economía nacional (grado de desarrollo), la composición étnica (gestión de masas), la religión del pueblo (fidelidad y unidad), la composición social (tipo de solidaridad), el nivel cultural del pueblo (participación ciudadana) y la vida popular (carácter nacional) [24].

Sobre el análisis de estas condiciones se podía comenzar a construir el sistema jurídico-político futuro de Rusia, que permitiese la creatividad de la libertad y consolidase la unidad de la autoridad; que uniese, en suma, a los de arriba con los de abajo en una empresa histórica común:

“La próxima Rusia tiene que encontrar para sí mismo -de forma especial, original y pública- esta combinación de la institución y la corporación, que sería el modelo ruso, el nacional de los registros históricos, desde el imperio de la ley ante el dominio territorial de la Rusia revolucionaria. Frente a semejante tarea creativa, los llamamientos de los partidos extranjeros a la democracia formal se quedan ingenuos, frívolos e irresponsables[25].

Pero las críticas no tardaron en llegar. Sus tesis fueron despreciadas por los liberales occidentales y los comunistas bolcheviques. E Ilyin llegó a la conclusión de que ambos bandos querían la destrucción de la nación rusa. En 1950 escribió en Lo que promete el mundo con la desmembración de Rusia, como ese “mundo moderno” buscaba acabar con la independiente y soberana identidad rusa (monárquica y ortodoxa) ridiculizándola públicamente, como paso previo para desmembrar el país, repartírselo comercialmente y culturizarlo a la manera occidental. Anunciaba, además, que la futura caída de la bolcheviques, si no se construía un poder autoritario fuerte y unido alternativo y soberano, daría paso al “separatismo, al caos en los desplazamientos, a la vuelta a las matanzas, al desempleo, al hambre, al frío, al desgobierno..”. Ante esta situación futura, Ilyin proclamaba que:

“Esto no es inteligente. No es una visión de futuro. Apresuradamente en el odio y desesperada en este siglo. Rusia- el polvo humano y el caos. Ella es ante todo una gran nación, sin desperdiciar sus fuerzas y sin desesperar en su vocación. Este pueblo necesita un orden libe, de paz, de trabajo, de la propiedad y de la cultura nacional. No lo entierren antes de tiempo!. Vendrá la hora de la historia dónde el pueblo ruso se levantará desde el imaginario del sepulcro y reclamará sus derechos!” [26].

  1. Su obra.

Buena parte de su obra se publicó tras su muerte. La censura soviética y el rechazo liberal lo hicieron casi invisible, como a la generación que buscó desde el exilio y la cárcel la liberación comunista desde ese “alma rusa” (desde Berdiayev hasta Denikin). En 2005 vieron la luz los 23 volúmenes de las obras completas de Iván Ilyin, y además se publicó el documental “El Testamento del filósofo Ilyin” (de Alexei Denisov). Tras el regreso de sus restos ese mismo año, fue objeto de una intensa recuperación de la mano del cineasta Nikita Mikhalkov, del jurista Vladimir Ustinov, del literato Alexander Solzhenitsyn, del erudito Nikolai Poltoratzky, y del Ministerio de cultura ruso, que acogió en el Fondo de cultura rusa sus manuscritos de Suiza (tras ser recopilados desde 1966 en la Universidad de Michigan por Poltoratzky); fondo que recoge su biblioteca personal con más de 630 títulos de libros, folletos o revistas, la mayoría escritos en su exilio helvético, siendo los más representativos:

  • La doctrina sobre el derecho y el Estado (Общее учение о праве и государстве, 1915) [27].
  • Filosofía de Hegel como la doctrina acerca de la especificidad de Dios y del hombre(Философия Гегеля как учение о конкретности Бога и человека, 1918).
  • Sobre la entidad del Imperio de la Ley (О сущности правосознания,1919).
  • Sobre la resistencia al Mal por la Fuerza(О сопротивлениии злу силою, 1925).
  • La base de la Cultura Cristiana(Основы христианской культуры, 1938).
  • Sobre el futuro de Rusia. ¿Qué es el Estado, una corporación o una institución?(О грядущей России. Что есть государство – корпорация или учреждение?, 1949).
  • Sobre el Fascismo (О фашизме, 1948).
  • El Camino hacia el conocimiento(Путь к очевидности, 1957).
  • Axiomas de la Experiencia Religiosa(Аксиомы религиозного опыта, 2 tomos, 1953).
  • Sobre la Monarquía y la República(О монархии и республики, 1978).

* Historiador, Doctor en Política social, director del IPS y Profesor de la Universidad de Murcia.

[1] Para Zgustova, Ilyin era el gurú ideológico del imperialismo nacionalista de Putin, al fundamentar una “mano de Hierro” que una a todos los sectores conservadores el país en defensa de sus intereses, dentro de un régimen autoritario pero formalmente democrático “donde la Iglesia, los medios de comunicación y los partidos políticos se pueden tolerar siempre y cuando demuestren lealtad”. Véase Monika Zgustova, Las rosas rojas de Putin. El País, 14/06/2014.

[2] “Это дивное слово — Россия”. Izvestia, 1/12/2014.

[3] Sergio Fernández Riquelme, “Rusia como imperio. Análisis histórico y doctrinal”. La razón histórica, nº 25, 2014, págs. 128-148.
[4] е Президента Федеральному Собранию. 4 декабря 2014 года.

[5] Евлампиев И. И., Феноменология божественного и человеческого в философии Ивана Ильина, 1998.

[6] Томсинов В. А., Тюренков М. А. Ильин Иван Александрович // Императорский Московский университет: 1755—1917: энциклопедический словарь. М., Российская политическая энциклопедия, 2010.

[7] N. O. Lossky, History of Russian Philosophy. Allen & Unwin Ed.,. Londres, International Universities Press, 1951.

[8] Киселев А. Ф, Иван Ильин и его поющее сердце. М., Университетская книга, 2006.

[9] Discurso pronunciado por Ivan Ilyin en Berlín, el 19 de noviembre de 1923, durante el VI Aniversario de la Federación de Voluntarios de Ejército Blanco.

[10] Томсинов В. А., Мыслитель с поющим сердцем. Иван Александрович Ильин: русский идеолог эпохи революций. М., Зерцало, 2012.

[11] Discurso, op.cit.

[12] Ídem.

[13] “Sobre el Poder y la Muerte” (1928).

[14] Христиане на службе // Возрождение. Париж, 1928.

[15] Ídem.

[16] Ídem.

[17] Ídem.

[18] Pierre Pascal y René Palacios More, Las grandes corrientes del pensamiento ruso contemporáneo. Madrid, Ediciones Encuentro, 1979.

[19] Зернов И. Иван Ильин. Монархия и будущее России. М., Алгоритм, 2007.

[20] Sobre la esencia espiritual de la Monarquía rusa y su posible organización corporativa véase a Георгий Титов, КОРПОРАТИВНЫЙ ПРИНЦИП И ПРАВОСЛАВНАЯ ГОСУДАРСТВЕННОСТЬ. La Razón histórica, nº27, 2014, pp. 250-258.

[21] “О грядущей России. Что есть государство – корпорация или учреждение?”. Hronos, 2009 (Viacheslav Rumiantsev ed.).

[22] En su texto Sobre el Fascismo (1948), Ilyin señalaba cómo este movimiento surgió como reacción directa al bolchevismo totalitario y a la democracia liberal “sin salida” en seno del pensamiento conservador; puedo ser una alternativa viable de organización nacional-patriótica en la Historia, pero fracasó como movimiento político-social al ligarse al mismo anticristianismo de sus supuestos enemigos ideológicos.

[23] Ídem.

[24] Ídem.

[25] Ídem.

[26] Ídem.

[27] Publicada en 1956.

Fuente: Revista Eslavia

mercredi, 31 décembre 2014

Study of Sombart – Varsanyi

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Study of Sombart – Varsanyi

A Study of Werner Sombart’s Writings by Nicholas A. Varsanyi (PDF – 8.4 MB):

A Study of Werner Sombart’s Writings

Varsanyi, Nicholas A. A Study of Werner Sombart’s Writings. Ph.D. Thesis, Montreal, McGill University, 1963. File originally retrieved from: <http://digitool.library.mcgill.ca/R/?func=dbin-jump-full&object_id=115298&local_base=GEN01-MCG02 >.

 

Ex: http://neweuropeanconservative.wordpress.com

mardi, 30 décembre 2014

Lawrence Dennis & a “Frontier Thesis” for American Capitalism

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Lawrence Dennis & a “Frontier Thesis” for American Capitalism

 

By Keith Stimely 

Ex: http://www.counter-currents.com

Editor’s Note:

Lawrence Dennis (December 25, 1893–August 20, 1977) was one of America’s most original Right-wing critics of liberalism, capitalism, imperialism, and the Cold War. Interestingly enough, he was part black, a fact that was known to his many Right-wing admirers. In commemoration of Dennis’ birthday, and as a Christmas gift to our readers, we are reprinting Keith Stimely’s excellent introduction to his life and ideas.    

Best known at the height of his writing career in the 1930s as “America’s leading fascist” and also as a strenuous opponent of American intervention in World War II, Lawrence Dennis was an economist and political theorist whose writings on the decline of capitalism and its international social and political implications received wide and serious attention in the 1930s and early 1940s. In fact, Dennis was much more than an apologist for fascism or a conservative isolationist, and in some of his ideas he could be viewed as a precursor as well as a contemporary of such better-known thinkers as John Maynard Keynes, Adolf A. Berle, Jr., James Burnham, Max Nomad, Charles A. Beard, and George Orwell. There is something of each of these thinkers in Dennis, and if because they and Dennis all published their ideas at roughly the same time, there arises any question of his intellectual “borrowing”[1] from them, it might be well to point out just who preceded whom.

Dennis’s initial formal statement of his ideas in 1932, in his book Is Capitalism Doomed?,[2] was almost exactly contemporaneous with Berle’s published statements of his concept of propertyless power[3] and Nomad’s notion of the inevitable entrenchment of a power-driven bureaucratic elite even in “workers’“ movements and societies proclaiming an end to all elitisms.[3] Dennis’s book appeared some ten years before Burnham’s work arguing for the theory of a new managerial elite replacing old business and even governmental elites,[5] and longer than that before Orwell’s depiction of psychological and actual preparation for international conflicts perpetually designed to serve domestic political ends.[6] Dennis published two years before Charles Beard made his case for America’s rejection of overseas investments with their inevitable political ties and his prescription for what would amount to “regional autarchy” for the nation’s economy,[7] and four years before Keynes’s final, published formulation, in his “General Theory” of 1936, of his rejection of the supposition of classical economics that the business cycle will always self-correct and his prescription for government stimulation when it does not.[8] Historian James J. Martin has remarked that all one has to do to find evidence of very many “Keynesian” ideas floating around American intellectual circles years before the General Theory is look at issues of the Harvard Business Review of the late 1920s. Keynes’s and “Keynesian” influences—if gradual—on theory and policy in the liberal-democratic states have always been recognized; much less treated has been the question of his influence on the fascist states, or the consideration and adoption by them of policies that bore strong similarities in their essences to what we would regard as “Keynesianism.” Martin has been responsible for bringing to general public attention the fact that Keynes wrote a special foreword for a translated edition of the General Theory which appeared in National Socialist Germany in 1936; see “J. M. Keynes’s Famous [sic: this is Martin’s dig] Foreword to the 1936 German Edition of the ‘General Theory’,” pp. 197-205 in Martin, Revisionist Viewpoints: Essays in a Dissident Historical Tradition (Colorado Springs: Ralph Myles Publisher, 1971; 1977).

Dennis himself was sufficiently honest in referencing the basic influences on his thought: the historian Frederick Jackson Turner, the sociologists Vilfredo Pareto and Robert Michels, the philosopher of history Oswald Spengler, the economists Thorstein Veblen and Werner Sombart. Out of his familiarity with these thinkers and his own experiences in the 1920s as a U.S. diplomatic service officer and an international banking functionary, he fashioned by the mid-1930s a synthetic view of economics, politics, society, and history that was striking at least in its sheer brilliance and clarity and which both liberal and conservative commentators of the time recognized as such, whether they agreed with it or not.

Ld-41jz+H2sjwL..jpgDennis became even more provocative after he began actually prescribing possible political solutions to the problems of depression and war. Although the American and British left initially hailed Dennis as a leading expositor of capitalist senescence,[9] they became increasingly wary of him (though still giving his ideas wide play) when he turned in the mid-thirties to fascism and began to advocate for the United States a corporatist, collectivist state in which business enterprise, though retaining its basic forms and privately owned character, would have been obliged as necessary to knuckle under to the programmatic and channelizing demands of a “folk unity” state. Aside from the “dark” similarities between such a system and regimes of the time in Germany and Italy, this was too little for the left and too much for the right. New Dealers in particular were furious when Dennis blithely stated that trends toward such a political-economic system were already well under way in the Roosevelt regime, even in the absence of such blunt advocacy for them as he was wont to make.[10] Eventually Dr. New Deal himself in the guise of Franklin Roosevelt would have Dennis prosecuted under the Smith Act for “sedition,” and the economist joined 29 other assorted non-interventionists, of widely varying political hues and mindsets, in the dock for the “mass sedition trial” of 1944. Dennis was the principal among the defendants in consistently making a fool out of the prosecutor, and after a mistrial caused by the death of the judge, to the accompaniment of increasing skepticism about the whole business even within the pro-administration press, the government dropped its case.[11] By that time establishment opinion-formers had dropped Dennis, whose ideas were deemed beyond the pale. The man who once wrote for the Nation, The New Republic, Foreign Affairs, the Annals of the American Academy, Saturday Review, and Current History, whose speeches and participation in roundtable forums were covered by the New York Times, and whose books were given reasoned hearings by such luminaries as Max Lerner, Matthew Josephson, Louis M. Hacker, John Chamberlain, Dwight MacDonald, D. W. Brogan, William L. Langer, Waldemar Gurian, Francis Coker, Norman Thomas, Owen Lattimore, and William Z. Foster, was denied any further access to or treatment in “respectable” forums (or even in the “unrespectable” forums of the left, which reached a vast audience of thoroughly establishment intellectuals) and so had recourse to self-publication for most of the rest of his productive years.[12]

Dennis spent those years—a good quarter-century—vigorously opposing the cold war and any view of Soviet Russia as carrying a special “sin” that had to be wiped out, just as he had opposed American entry into World War II and any view of the fascist nations as unique repositories of “sin.” In both cases his positions arose less from ideological affinities than from his hard-core realism: his caution was against “the bloody futility of frustrating the strong.” He also continued to state his view that American capitalism, having lost its essential “dynamic,” including its necessary “frontier,” could not solve its endemic twentieth century problems—underconsumption and mass unemployment—without recourse to war or “permanent mobilization” for it. Sneering at all “classical,” “Austrian,” or “monetarist” solutions to capitalist crisis, he proclaimed—as one who had been among America’s foremost “pre-Keynes Keynesians”—that Keynesian-style government intervention in some form and to some degree or other was here to stay and was not a bad thing, provided that it focused inward, on the solution of the nation’s internal problems, and not outward, to “solution” by foreign war.

Ultimately Dennis believed that “economic laws”—whether those proclaimed by classical economists or Marxists—must and would inevitably follow political mandates, not vice-versa. In a modern age in which traditional capitalism was obsolete, socialism was not at all going to be what its utopian founding theorists had in mind, and the sheer power-wield of elites operating in nationalistic contexts through discreet psychological and cultural appeals was the decisive factor in shaping economic relationships. Toward the end of his life Dennis coined the term “operational”—as opposed to idealistic or wishful—to describe not so much what but how to think correctly about world problems, including economics, and he called himself an “operational thinker.”

That he had once called himself a “fascist,” however, has informed almost all the approaches to his thought up to the present. Always monumentally unconcerned with what most people, including fellow intellectuals, thought of him, Dennis in the 1930s frankly advocated a variant of a system that then seemed to be “working”—as American capitalism and liberal democracy, unable to pull themselves up out of the Depression, just were not. That the label of “fascist” (which, in its conventional use in America as a term of invective, has gone a long way toward meaning absolutely nothing from meaning absolutely anything) has stuck is in part although by no means exclusively the fault of Dennis himself. It is a label that has stood as a major roadblock on the way to serious considerations of the full range of his ideas, on their plain merits, from the perspective of history since they were first advanced. “America’s No. 1 intellectual fascist,” “Brain-truster for the forces of appeasement,” “the intellectual leader and principal advisor of the fascist groups”[13]—these were the epithets by which Dennis came to be identified, and is still in large part identified. But even in them there can be seen a nuance that not only applies to but was actually formulated just for him—“intellectual,” “brain-truster,” “advisor.” Even the shrillest critics could not bludgeon Lawrence Dennis into the prefabricated stereotypes as a native-fascist Bundist, Silver Shirt, or Christian Mobilizer. And even in recognizing Dennis as a genuine fascist intellectual, his critics also differentiated him further. Unlike most “philosophers of fascism,” who tended to restrict any consideration of economic issues to situational analyses, Dennis did not ignore economics in the construction and exposition of his larger, broadly historical, world view. Rather, his appreciation of fascism derived in good part from his initial economic orientation in approaching problems of politics and society, specifically in his critique of capitalist historical development in America.

A summary and analysis of that critique and of Dennis’s career are long overdue, as is a critical consideration of some of the historiographical and other scholarly treatments of Dennis that have appeared since the climax of his career. It was just around the time of his retirement from writing around 1970 that a younger generation of scholars began to study his thought and to bring him to the attentions of yet others for whom he was either a completely unknown quantity or just the smart guy of “the 1930s native-fascists.” Whereas older considerations of Dennis, coming from old-line liberals, focused on his political fascism, the newer studies, coming after the development of a “New Left” historiography critical of American interventionism abroad and from writers inclined toward or interested in anti-“consensus” intellectual history, have tended to concentrate on his consistency in opposing both American involvement in World War II and in the cold war. There has been no study devoted to his economic views; the most thorough treatments of these have been in reviews of his first three books as they appeared in the span of years between 1932 and 1941. The following purely expository treatment of Dennis’s leading economic idea—his “frontier thesis” for American capitalism—makes no claim of thoroughness either in itself or in placing his economic thought within the context of his broader views. It will serve as an introduction to all the basics of these, however.

The Man and a Theme[14]

Dennis was born in 1893 in Atlanta, Georgia, of moderately well-to-do parents. He attended Philips Exeter Academy from 1913 to 1915 and proceeded to Harvard University. His studies interrupted by American entry into the First World War, he volunteered and received his officer’s commission through attendance at the novel Plattsburg officer training camps in Plattsburg, New York, in 1915 and 1917 and subsequently served in France as a lieutenant of infantry with a headquarters regiment. For several years after demobilization he wandered around Europe playing foreign exchange markets “on a shoe string,” then returned to America to finish his studies at Harvard, graduating in 1920.

Dennis entered the U.S. diplomatic service and worked as American chargé d’affaires in Romania and then Honduras. He was sent to Nicaragua as chargé in 1926 and remained there throughout the Sandino revolution and the American military intervention. It was Dennis who, under State Department orders, sent the cablegram “requesting” the intervention of U.S. Marines in Nicaragua. He never favored the intervention and after publicly criticizing it in June 1927, resigned from the diplomatic service. He went to work in Peru as a representative of the international banking firm of J. & W. Seligman & Co., advising it on Peruvian and other South American loans. In this capacity he came increasingly to be wary of, and finally unalterably opposed to, loans for private or public purposes made without tightly-held strings attached or any loans to countries whose perpetually unfavorable balances of commodity trade made repayment a dubious proposition. He advised against weighty loans that were in fact made and on which the debtors in fact defaulted. In 1932, two years after resigning from Seligman to retire to his Becket, Massachusetts, farm to pursue a career as writer, lecturer, and investment analyst, he was a prominent witness before the Johnson Committee of the U.S. Senate investigating international lending practices and the default of overseas loans. By that time he was well under way to establishing himself in American intellectual circles as a sharp critic of investment banking practices and of an entire capitalist system which had evidently brought on—and so far could not solve—American and then worldwide depression. Articles in leading journals paved the way for the systematic, in-depth exposition of the viewpoint that he espoused for the rest of his life.

Dennis’s career as a thinker in the 1930s and 1940s was roughly divided into three phases, each represented by a book. In Is Capitalism Doomed? of 1932 he provided his basic critique of traditional capitalist business enterprise and pointed out the necessity of government planning. Chief among the abuses of private capitalist “leadership” was the grotesque over-extension of credit, internally in agriculture and industry and externally in foreign loans and trade (loans being made only to allow the paying-off of earlier loans, the same process then occurring with these later loans; trade actually being paid for only by the loans of the trader). Not far behind in iniquity was the refusal of capitalists to spend, preferring to hoard, the real incomes that accrued to them while millions were unemployed for want of investment spending. Not yet ready to state what, if anything, could or should take the place of this outdated business order and the liberal-democratic state which allowed it (the two necessarily went hand-in-hand, in his estimation), Dennis contented himself with providing “suggestions of moderation or restraint”—specifically, high taxation on the wealthy (preferably toward job-creating public works projects), high tariffs, and high government spending to keep up employment in a self-sufficient or autarchic national economy—which might prolong and render American capitalism’s “dying years” more pleasant. By 1936 and The Coming American Fascism[15] Dennis was ready to be even more specific both in diagnosis and prescriptive remedy. With the Depression still unrelieved six years after it had started and three years after inauguration of the Roosevelt “planless” revolution,[16] Dennis foresaw the system’s final collapse and offered only the alternatives of fascism or communism to replace it. He frankly favored the former, not only because it seemed to be proven by example in certain countries of Europe, but because the latter alternative would mean a disastrous “wipe-out” of valuable business technicians—as opposed to their co-option and enlistment in national service by a fascist state. Dennis did provide, at length, his description of what “one man’s desirable fascism” would be like—but he stressed that any successful fascist movement in America would doubtless not call itself that and in fact would most probably arise in the guise of anti-fascism, perhaps even in the crusading call for a war against fascism.

LD-41zy7zV0-dL._SY300_.jpgIn The Dynamics of War and Revolution[17] of 1940, Dennis particularly explored this last theme as part of an overall treatment linking his ideas to the tempestuous international scene of the time. He predicted eventual American involvement in the European war as the only way for American capitalism finally to get out of its Depression, and as representing a desperate effort by the stagnated “Have” plutocrat countries (America and Britain) to stifle the rising economic as well as political challenges of the dynamic “Have-not” socialist countries (Germany, Italy, and Russia). His blithe identification of the Hitler and Mussolini regimes with the “socialist” camp tended to cause great upset in communist or other leftist reviewers of the book.

But the liberal states’ war to end fascism, with its necessary mobilization of business resources under governmental direction and backed only by government financing, all accompanied by massive doses of governmental propaganda to the democratic herds, would result only in an increasing impingement of “fascist” trends upon the political and business structures of those very states, and even—especially—in winning there could be no return to a laissez-faire whose era had passed. Dennis hoped that the state mobilization of the economy that he saw as inevitable, and which he favored on principle, could be directed inward to reform, public works, and ultimate national economic self-sufficiency. Were it to be directed outward in another big foreign crusade ostensibly to end “sin” in the world, it would probably continue to follow that course so lucrative for keeping up production, maintaining high employment, and staving off deflation, and more “sin” would assuredly be found to crusade and spend against after the dispatch of “original sin.” Thus, even before American intervention in the war (right during the Phony War, in fact), and with no real clues as to its outcome or even the final line-up of adversaries, Dennis was hinting at a postwar cold war for America.

He supplemented his book-writing activities of the 1930s and early 1940s with regular contributions to H. L. Mencken’s American Mercury, where many of the ideas of The Coming American Fascism and The Dynamics of War and Revolution were originally advanced, lectures and debates, consulting in economics for E. A. Pierce & Co., and editing and writing his own newsletter, The Weekly Foreign Letter, which ran from 1938 to 1942. After the “sedition” episode and a lengthy book about it, A Trial on Trial (co-authored with lawyer Maximilian St. George), he started another newsletter, The Appeal to Reason, which ran for more than twenty years, despite a circulation that never exceeded 500 subscribers (who included former President Herbert Hoover, Senator Burton K. Wheeler, General Robert E. Wood, General Albert C. Wedemeyer, Amos Pinchot, Colonel Truman Smith, and Bruce Barton).[18] Dennis also served as an investment advisor to General Wood and made him a lot of money. Dividing his time after the war between his Massachusetts farm and the Harvard Club in New York City, he confined his social life largely to a small circle of friends and colleagues, which included revisionist historians Harry Elmer Barnes, Charles Callan Tansill, and James J. Martin, political scientist Frederick L. Schuman (his neighbor in Massachusetts—and political opposite-number; also his in-law), writer and former “sedition” co-defendant Georqe Sylvester Viereck, and publicist H. Keith Thompson. His last book, Operational Thinking for Survival, appeared in 1969. Although the basics of the manuscript had been completed in the late 1950s, the book lay fallow for want of a publisher.[19] In it he hewed to his basic convictions as expressed 30 years before; he claimed vindication by the course of postwar events, made the extended case for “operational” (“or ‘rational’”) thinking, described the futility, waste, and danger of a cold war that was both a result of and a constant prop for moralistic stupidity, and found time to blast neo-classical critics of the “New Economics” of which he had been one of the earliest, if most unusual, exponents. Shortly after the book’s appearance, he suffered an incapacitating stroke and remained only sporadically active until his death in 1977.

Dennis’s most systematic and developed presentation of his fully matured ideas on the decline of capitalism appeared in The Dynamics of War and Revolution. In Part II, “The End of the Capitalist Revolution,” consisting of five chapters, he laid out his “autopsy” of the American—in microcosm, the Western World’s—capitalist dynamic. Capitalism, Dennis argued, must ever expand or die. The impulse, the driving dynamic, behind expansion is the eternal quest for markets (of need, not just luxury), a quest that is actually a desperate race against the threat of a linear process of overproduction, causing underconsumption, causing cutbacks in production, causing unemployment, causing loss of purchasing power, causing loss of investment incentives—all leading to stagnation and, finally, bust. Busts may be followed by booms only when real market expansion takes place. But such expansion can occur only when a perpetual, ever-receding “frontier” is present. The frontier can be a literal, geographical frontier (far from, contiguous to, or even within a nation), or the “frontier of scarcity” provided by a growing consumer population, or the “frontiers” provided by other nations or regions whose markets can be seized without excessive political or military risk. The three centuries of the “Capitalist Revolution,” roughly from 1600-1900, satisfied the need of capitalism in all these areas and provided its dynamic power. The discovery of a vast New World provided Europe’s literal frontier for expansion of its markets (and its population), as well as sources of materials for production and distribution (mercantile considerations were in fact the single most significant impulse behind the drive for colonization); within that New World, both before and after it was constituted as a new nation, the westward frontier provided the same engine of dynamism for the base population—especially in the lure of free land. All over the globe European imperialisms found markets “for the taking” in lands which could not stand up to European military technics or trading attraction; America also expanded its national and market frontiers through “easy wars of conquest”—against Mexico, against Spain in contests of rival imperialisms, in interventions and “presences” all over its southern watches and even in the far Pacific; the new technics of industrialization and transportation came along at the perfect moment to exploit the situations of these expanding market-frontiers, and all these developments were accompanied by an overall burst in population growth such as the world in its recorded history had never before experienced.

Thus the “Capitalist Revolution” was successful because of specific, historically conditioned reasons. But according to the theoretical apologists for capitalism, the success was not historically conditioned, and there was no reason why it could not continue indefinitely and the revolution remain permanently, even if it were erratic in its equilibrium: Busts would always be followed by booms in a self-correcting business cycle. Once stagnation or bust were reached, new consumer demands would before long “force” investment and production to rise again (and thus employment, purchasing power, more investment, and so on). The proponents of classic capitalism were continuing to assert this right down through the depths of the 1930s Depression. For Dennis, these rosy theorists were wrong and had been proven wrong by an American (and out of it, a world) economic cataclysm which had not been seen before and after which things would never be the same again. The theorists were basing their prescriptions and predictions on the historical record of the business-cycle through the 300 years of capitalist dynamism, as if universal or timeless “laws” of business-development could be deduced from that alone. In fact, by their concentration on the “waves” of the business cycle in this limited time-period and historically unique situation they were missing the tide. The great tide was the fact that the “Capitalist Revolution” was finally over because the frontier—all the “frontiers”—existed no more.

The literal American frontier—which had provided the essential stimulus of “the profits of free lands” (both as lure and, crucially, as escape)—ceased to exist about 1890. Linking this in with British imperialism, which had reached its apogee at about the same time (“the frontier was to Americans what the empire was to the British”[20]), Dennis held that the processes of expansion and acquisition, not the actual holding, constituted the mechanism that gave capitalism its dynamic; the former fueled capitalist development, the latter inevitably invited stagnation:

Empire is a process of expansion by conquest, not just the place so acquired. . . . The socially important fact about an empire is getting it, and, about a frontier, getting rid of it. The two processes amount to the same thing . . . so far as empire is concerned, it is the growth, not the existence, the getting, not the keeping, that is historically significant and socially dynamic. A nation grows great by winning an empire. It cannot remain great merely by keeping one. Indeed, once it stops growing it will start decaying . . . . Mankind is destined to live by toil and struggle, not by absentee ownership . . . . What we now call capitalism, democracy and Americanism was simply the nineteenth century formula of empire building as it worked in this country. Here the process was often called pioneering; its locus, the frontier . . . . Now that empire building along the lines of the nineteenth century formula is over, both for the British and ourselves, capitalism and democracy are over as we knew them in that past era. . . . Unlike the Have-nots, we shall not expand because we are land hungry. Hunger is dynamic. In the twentieth century, unlike the nineteenth, no profit is to be made out of increasing available supplies of raw materials and foodstuffs. Profit making is dynamic. But, to be dynamic it has first to be possible. The conditions creating this possibility are the primary dynamisms of capitalism.[21]

The conditions that imparted success to capitalism were gone with the frontier, and for Dennis the central idea of historian Frederick Jackson Turner, which he quoted approvingly—”The existence of free land, its continuous recession and the advance of American settlement westward, explain American development”[22]—explained in particular the character of American economic development, just as the “world frontier” with its “free” (or easily-acquired) land for European nations explained broad capitalist development. But the end of capitalism could also be explained. The end of the literal frontier for America and the capitalist world was paralleled by the end of the industrial revolution, the decline in the rate of population growth, and the end of further possibilities of “easy wars of conquest.”

LD-41r0MpuBa.jpgThe industrial revolution—the effect of technological change—had worn down, and there could be no hope that industrialism or technics could always exist, through evolutionary refinements of better techniques and types of production and more and different appeals to the marketplace, to “reinvigorate” or “save” capitalism when necessary. Industrialism had worn down because it was never a dynamic of itself, but could be dynamic only in the era of the frontier and of rapid population growth. (“Today, so far as stimulating business expansion is concerned, industrial changes are no more dynamic than changing cross ties or steel rails on a railroad. . . . As for entirely new products, they now tend to replace old products and to result in no net increase in consumption or production.”[23]) The essence of the industrial revolution was change specifically within the context of growth or continuous expansion, which means that it could only have been a transient phase whenever and wherever it occurred. This “series of events in time and place” constituted a very real revolution, perfectly following the mercantilist one and necessary to the realization of the overall capitalist one—but it could remain revolutionary only so long as it was expansive.

It might be expansive in perpetuity if “Say’s Law”—production as necessarily creating the purchasing power to pay for what is produced—was correct. It was not correct, because its essential corollary, the doctrine of “consumer sovereignty” holding that goods and services are produced for a profit in response to consumer needs and demands, was “100 percent false. Producer demand, not consumer demand, is sovereign.” Here Dennis turned on its head one of the fundamental tenets of capitalist theory:

The producers decide what, when and how much to produce, including the volume of construction and producer goods activity such as new plants, office buildings, etc. In other words, volume and rate of reinvestment of profits and savings determine swings in consumer demand. Producers and investors determine swings in the volume and velocity of the flow of consumer purchasing power. Booms are made by producer and investor optimism and ended by producer and investor pessimism. Consumer needs and desires have no more to do with the up- and downswings than sunspots. When producers decide to curtail production, consumer purchasing power declines and thus arise good reasons to cut production and employment and wages still further. The process is reversed by a change in producer and investor psychology. The producer decisions, as every one knows, are governed mainly by changes in expectations of profit.[24]

The end of the frontier—even just catching sight of the end before it was reached—changed the expectations of the “sovereign producers.” That is, it changed their willingness to risk investment. The chief characteristic of American business organization, as it resulted from the industrial revolution taking place in a dynamic frontier-context, was monopoly—about which, incidentally, “there is more hypocrisy . . . than any other subject in the whole field of economics.”[25] The industrial revolution and the frontier created monopolies in almost every new industry. At the beginning and through the halcyon days of the revolution, the monopolistic entities, existent or in process of formation, were the very ones that were most committed to and enthusiastic about investment and risk, and against hoarding or minimal-risk investments or operations. By the end, they were tending to be hoarders or “safe operators” who would expand vertically or horizontally, often both, in organization and control but not in actual new market risk and production—because market frontiers were no longer expanding. This caused gradual stagnation and, when combined with the run of “artificial” expansion of the 1920s, finally Depression. The short-lived boomlets since 1929—those of 1933, of late-1936/early-1937, mid-1938, and late-1939—only provided more evidence that industrial expansion was over as an upholder or as a rescuer of capitalism; they were caused by fears of inflation, not at all by expectations of profits from industrial expansion. Such expectations as could cause real boomlets, not to mention a real end to the Depression, could occur only in a recognized “frontier” situation. Dennis considered at length, and rejected wholesale, the argument (“if it is to be dignified by that name”) that even with the end of the geographical frontier and thus of a physically expanding market base, there nevertheless existed and would always exist a limitless “frontier” of unsatisfied human wants and needs and discoveries which would provide all the incentives and opportunities to keep capitalism going. This argument, as “Say’s Law” and its corollary, assumed that “consumer desire instead of producer greed” was the dynamic of capitalism. But the key was in fact “producer greed”–and although that might happen to satisfy human wants and needs, even in great volume, in the course of the quest for private gain, such a result

. . . was purely an incidental and, in no sense a dynamic or causative factor in these processes. As long as supplies of land, labor and natural resources becoming available for exploitation were rapidly increasing, there was a constant shortage of capital, machinery, housing, transportation facilities and means of subsistence for the workers. This shortage constituted a real industrial frontier. It was a frontier of need, not luxury. Capitalism needs a frontier of scarcity which will keep interest rates high and profit margins wide. It cannot flourish on a frontier of industrial abundance in which interest rates would drop to zero and incentives to private investment would virtually disappear.[26]

LD-519nWoG.jpgOne “frontier of scarcity” that was necessary to a successful capitalism was simply the existence of more and more bodies that needed food and goods. This “frontier” might last forever if population increase could be guaranteed in perpetuity. It couldn’t. Reviewing the census statistics from the first national census in 1790 through that of 1930, Dennis saw that, while the American population increased at dramatic rates throughout the nineteenth century, from roughly the end of the century on the rate of growth (though not simple growth) had been decreasing dramatically. The apogee of population growth, then, had been reached with the passing of the frontier. If the rate continued to decline, and Dennis assumed that it would without significant interruptions,[27] the consequences would be enormous for American capitalism—more so than they already were. For capitalism, here as in all other areas, needed growth:

First among the functions of population growth is that of creating a perpetual scarcity of bare necessities, so necessary for a healthy capitalism or socialism. This scarcity furnishes incentives for the leaders and compulsions for the led. This scarcity now affects only the Have-not countries; hence they alone are dynamic today. Capitalism in America was dynamic while world population increase assured food scarcity. Now that we have food abundance, capitalism is no longer dynamic. Hence the unemployed go hungry because we now lack scarcity. This explanation may sound paradoxical. Well, so is the situation in which farmers languish for buyers of their food and the jobless languish for food. . . . The nineteenth century way of averting the evil of abundance was to have large families. The twentieth century way, now that we have small families, is to have large-scale unemployment and two world wars in one generation. Given the ideology of democracy and capitalism making thrift a virtue and given the shrinking size of families, it is hard to see any way of coping with abundance other than unemployment and war. And given our culture pattern, it is hard to see how we can operate society without the compulsions of a scarcity which a high birth rate, unemployment or war alone can maintain for us in a sufficient degree under our system.[28]

Capitalism “in its era,” product of peculiar historical circumstances that combined to create a 300-year revolution, was insatiable in its thirst for markets precisely because its new productive and distributive power eventually sated the market’s thirst for products. But arrival at the ultimate point of satiation could be and was postponed, and the other factor that allowed for this, besides an expanding frontier and an expanding population to settle that frontier, was the expansion of markets through “easy wars of conquest”; these could guarantee the “scarcities of need” required to hold off stagnation or get out of depression. Wars, of course, had always been God’s gift to capitalism in stimulating production and soaking up unemployment; they thus provided more immediate benefits as well as their longer-term benefits in creating markets. But there was more to the war-imperative of capitalism than simple economic drives. In fact, “easy wars of conquest” fulfilled the needs not only of private capitalism but of public democracy. Capitalism would not have been what it was without democracy, and vice-versa. American democracy was founded on the twin pillars of a mercantile plutocracy and an agricultural slavocracy. The defeat of the latter in civil war meant only meant its absorption into a new industrial wage-ocracy. This wage-ocracy, called “mass employment,” was dependent for its very existence on the expansion of markets—that is, on the reality of frontiers; it naturally made this dependence felt in its political pressures. And the American democratic faith that was instilled into the mass-employed and employers alike was essentially faith in a perpetual land boom. By its national policies of settlement, of incentives for investment, of trade, and of war, the democracy could “keep the faith.” The democracy also had its own, more purely political, reasons, most nakedly seen in its war policies, for keeping it. While capitalism needed wars for foreign markets, land-grabs, and immediate productive stimuli, democracy needed wars for a social unity and stability at home that capitalism itself tended to disallow or disrupt:

In any brief review of the dynamic function of easy wars in the successful rise of capitalism and democracy it would be a serious omission not to call attention to the fact that nationalistic wars tempered the anarchy and contradictions of private competition. Both war and religion necessarily impose collective unity. Their practice unites large numbers of people in interests and feeling. Private competition, on the contrary, must always tend to destroy social unity. . . . An entire community can practice competition in an orderly way only in war or in competition with an outside community. Thus, in war-time, each warring community operates internally on the basis of cooperation and externally on the basis of competition. In this way there is order within and anarchy without. It is obviously an inevitable condition of any society of sovereign nations that it be characterized by anarchy. Multiple sovereignties are merely a synonym for anarchy. International anarchy is a corollary of national sovereignty. That numerous company of idealists and theorists who profess to wish to substitute in the international sphere the rule of law for the rule of anarchy while at the same time preserving national sovereignty is composed of persons who are either singularly obtuse or intellectually dishonest. Anyone who does not understand that, under the rule of law, there can be but one sovereign, not several, does not understand the meaning either of law or sovereignty.

But, although war has been throughout history a force for anarchy as among nations, it has been a force for social cohesion and order as within nations. Between chronic international anarchy and national order there is no necessary contradiction. The fact is that capitalistic democracies have needed the centripetal force of foreign warfare to offset the centrifugal force of private competition. . . . Individualism, or the disuniting force of private competition, has made this [traditional] need of foreign war all the greater. The free play of individual or minority group self-interest tends to make any community go to pieces. The counter forces of unification necessary for social order under capitalism have had to be largely generated by the continuous waging of easy and successful foreign wars.[29]

The problem now, in the twentieth century, was that the “easy wars” had gone the way of the frontier land boom and the frontier-filling population boom; their era was over.

With gusto, Dennis presented tabulations of the wars and military interventions of the three great capitalist democracies in the century and a half up to and including the 1920s. His summaries of these tabulations were meant to lend weight to his premises and conclusions—and to make the reader pause upon hearing any such phrase as “the peace-loving democracies.” England: “54 wars, lasting 102 years, or 68 per cent of the time.” France: “53 wars lasting 99 years, or 66 per cent of the time.” America: “In 158 years there was warfare practically all of the time.”[30]

The end of the era of “easy wars,” which came with the gobbling of the remaining easy marks on the world chessboard, completed the processes ending the “Capitalist Revolution.” The four great props of American capitalist democracy had finally all been knocked out: the frontier, industrialism-as-revolution, population growth, easy wars.

Without these props could American capitalist democracy survive? Dennis said that it could not, and he offered four possibilities as to what would happen to it:

(1) It could proceed in the old ways and under the old assumptions, perpetuating stagnation, massive unemployment, utter failure in every economic realm, and finally calling forth anarchistic chaos.

(2) It could succumb to an underclass proletarian revolution led by its own overclass of disaffected bourgeois out-elites, wiping out all forms of capitalism, and a lot of capitalists, in instituting the dictatorship of the intellectuals.

(3) It could be subsumed into an overall nationalistic, corporatist, and ethically collectivist state which would assume authoritarian directional control over, though not outright ownership of, much of the business apparatus and engage in necessary redistribution and reprioritization to end overproduction and unemployment, specifically via massive internal pyramid-building and social projects; this would be “socialism” in fact—whether its proponents or opponents wished to call it “fascism.”

(4) It could seek to prolong itself by the expedient “out” of war—which, now that there were no more “easy wars” to be had, would have to be a “hard” war, a really big show, the very staging of which, however, would necessitate to some significant degree the organizational and political steps mentioned in course number three.

Dennis favored the third course for America, but he saw the fourth as most likely. In late 1939 and early 1940, as he wrote, it was beginning to be put into effect. The new style of “hard” war had already been seen in the First World War, which originated in part in the clash of rival capitalist imperialisms. After that war, however, the emergence of revolutionary “socialist” regimes—whether Communist, Fascist, or Nazi—in the nations that walked out of the settlement of the war with status as Have-not countries brought forth a new possibility: that the next big war would not be one of clashing capitalisms, but a gang-up of the capitalist democracies (all in the same Depression boat, after all) against the “socialist” nations. That these “socialist” powers had their own grievances against the post-World War I democratic-imposed order, and were sufficiently dynamic and aggressive to do something about them, ensured that they could be held up to the democratic masses and democratic assemblies as violators of international “order” and “peace,” even of “civilization” itself; there would be no lack of “causes” of such a war, or rationales for it. The Have-not powers were dynamic indeed—as only nations unsated could be—and were not just redrawing European (and, in the case of Italy, colonial) borders, but smashing capitalism in Europe: reorganizing whole systems, redistributing wealth and authority, gaining autarchy and taking their nations out of the capitalistic “international systems” of trade and money. All this dynamism was in the name of nationalistic folk unities, “socialisms” in fact whatever the name, which had no further use for the subordination of national wills and destinies to private business or other interests.[31]

This is how Dennis saw the big war-in-the-making as of 1940, when Stalin, Hitler, and Mussolini formed a vague (but no less significant for that) “socialist” camp, against which stood the plutocratic capitalist democracies of Europe, with the biggest plutocratic capitalist democracy of all waiting in the wings fairly chafing to get in just as soon as that could be arranged. It would be another crusade, sold to the American herd in its favorite terms of world morality, but really a way for the Old Order at home—the order of a spent capitalism and a desperate democracy—to salvage itself by fighting the new revolution abroad:

The new revolution everywhere stands for redistribution and reorganization in line with the technological imperatives of the machine age. The cause of the Allies is that of counterrevolution. It upholds the status quo and opposes redistribution according to the indications of need, capacity for efficient utilization of resources and social convenience. It seeks to reverse in Europe the dominant trends, technological and political, of the past century and, more particularly, of the past two or three decades. The democracies have displayed their inability to utilize their resources in a way to end unemployment. But they now propose a crusade in the name of moral absolutes to prevent world-wide redistribution of raw materials and economic opportunities. The real issue before America may be stated as being one of achieving redistribution at home or fighting it abroad. The plutocracy that opposes redistribution at home is all for fighting it abroad. And the underprivileged masses who need redistribution in America are dumb enough to die fighting to prevent it abroad. The probabilities are that we shall have to come to the solution of the domestic problem of distribution through a futile crusade to prevent redistribution abroad. If it so happens, it will prove the final nail in the coffin of democracy in this country. And it should call for a terrible postwar vengeance on those responsible for this great tragedy of the American people.[32]

Regardless of whether they gained victory in the coming crusade or not and regardless of whether the victors took vengeance on the vanquished afterwards, American capitalism and its democracy were going to emerge from the struggle changed. The booms of war, and the war booms, were really the last tolls of the bell for the “Capitalist Revolution,” the 300-year product of frontiers that had been reached. The revolution that would follow might come by direction or indirection, be sudden or evolutionary—encompass at once or gradually all the changes in politico-social organization and direction that Dennis, for one, found desirable, or not. But definitely a revolution was in the making, and historians would eventually understand the outcome of this war, like its genesis, as differing profoundly from those of other wars when capitalism was in its prime. The post-capitalist era—no matter that many and even important vestiges of capitalism might remain for a long time yet—had arrived, and it would entail tremendous changes, in the realm of economics specifically, but extending into many other realms as well. It would and could mean, above all, the obliteration of the distinctions between public and private. For Lawrence Dennis, this was not undesirable or dangerous of itself –so long as it amounted to a melding basically in favor of the interests of the public. The specter against which he warned and fought by his words, and after the war saw as happening in fact, was that of this new reality being joined, out of the desperate efforts of capitalist democracy to prolong itself, by obliteration of the distinctions between the national and the international, and ultimately between war and peace. Could American capitalism, after a Second World War, really afford real peace? Could it face “honestly”—or, indeed, with any hope of success—such huge postwar problems as deflationary debt reduction, flooding of the available labor market, loss of political unity at home, of a “them” abroad, saturation of the home markets, massive reconversion of industry, and many others? Or would it continue to side-step its endemic problems via the classic “out” of war—even war that was not really war in the old sense (but not peace in any sense either)? A “cold” war would make up what it lacked in compressed intensity by occasional flashes of action around the globe, a global military spread-eagle in constant preparation for real conflict, a global political and economic presence as excuses for such conflict, and a very long life—perhaps limitlessly long.

Charles A. Beard, sardonically and bitterly describing in 1948 the practical consequences of the Roosevelt-Truman foreign policies as those policies became a “consensus” through the vaunted spirit of “bipartisanship,” said that America was now engaged in the pursuit of “perpetual war for perpetual peace.”[33] Dennis agreed with that, and would use the phrase (which gained wide currency as the title of a revisionist study of Roosevelt diplomacy) himself occasionally. Had it been up to him to coin it, he might have put it this way: perpetual war to stimulate production, soak up unemployment, create markets, and rally ‘round the people. Or, more briefly: perpetual war as substitute for the lost capitalist frontier.

Some Appraisals of Dennis

It took about a decade after World War II for Dennis to be considered once again in intellectual rather than polemical terms relating to the issues of the war. In considering radical political currents in his 1955 book American Political Thought,[34] political scientist Alan Pendleton Grimes treated “American Fascism: Lawrence Dennis” as an ideology and its spokesman called forth by the Depression. Grimes focused on Dennis’s identification of capitalism with democracy not only in historical parallel but in contemporary reality. Unlike the populist and progressive reformers, who tended to see capitalism (at least the “bad” capitalism practiced by the robber barons and trust spinners and holding-company pyramiders) as conflicting with or even antithetical to democracy, Dennis held that they went hand-in-hand. As an elitist, he wished to smash both, not reform either. In Grimes’s view, the major burden of Dennis’s fascist criticism actually fell not upon democracy but upon laissez-faire capitalism; democracy was criticized because it permitted the follies of capitalism, of private business leadership. The motivations of this business leadership, being purely selfish and directed toward the satisfaction of greed, were bound to conflict with the normal requirements of social development and order. With the passing of the frontier and opportunities for a kind of social-spiritual growth alongside business growth, the inherent conflict between society and business came out into the open and would have to be resolved one way or another. The era of the frontier, of America’s “militant nationalism” that allowed for a mass spiritual and non-commercial, even communitarian, impulse in expansionism to exist alongside mere business greed, had given way to mass atomism in a society now totally dominated by business greed (and made to suffer for business stupidity). Laissez-faire economic liberalism in theory and political democracy as it was put into practice were not equipped to handle the situation; therefore they had to be replaced.

Grimes considers Dennis’s critique of capitalist-democratic society to resemble Thomas Hobbes’s view of the state of nature: a war of all against all, of parts against parts and the whole. The laissez-faire system by which the state, the supposed guarantor of the public good, did not intervene in these struggles—or intervened occasionally only because some interest group had temporarily succeeded in gaining leverage within the state to the disadvantage of other groups—was plainly irrational. Moreover, this state-sanctioned chaos was carried on under an ethical umbrella of the highest fraud and hypocrisy, namely that of the legal system. This system promised “a government of laws and not of men.” For Dennis, this notion was pure fiction. Belief in it led to false hopes that “the peoples’ will” could ever be expressed through it and ignored the fact that the interpretation and administration of laws, not laws themselves, were what counted. At any time “the law” would and could mean only just what those elites in control of its application wanted it to mean. In America, and throughout American history, the elites in power were generally the capitalists and their partisans; the “independent” judiciary in a government of “separation of powers” was a myth. Also mythical was the notion of “freedom” as existing within the law—freedom, that is, as the natural condition in the absence of governmental restraint. Force and coercion were omnipresent, and it made little difference to those coerced whether force was applied by the government or by the “free” market. If, for instance, a person seeking work found no jobs as a result of decisions by private capitalists, then he was as coerced into unemployment as if there were a law against employment. Grimes quotes Dennis: “The much vaunted freedom of modern capitalism is largely a matter of the freedom of property owners from social responsibility for the consequences of their economic decisions.”

Grimes devoted about the last half of his sub-chapter on Dennis to discussing his more purely politico-philosophical ideas on elite rule, outside any economic context. That Grimes began his consideration of Dennis with the capitalist-democratic linkage demonstrates his awareness of the importance of economics in the genesis of his subject’s thought. His 1955 treatment represented the first step on the way to taking Dennis as seriously as book reviewers had once done, before the advent of war and “sedition.”

Grimes’s fellow political scientist David Spitz, in the considerable sub-chapter on Dennis in his Patterns of Anti-Democratic-Thought,[35] also took his subject seriously. But Spitz made no mention whatever of the anti-capitalist element in Dennis’s political thought and concentrated instead on his general theory of “The Elite as Power.” This exclusion is not to be criticized, since Spitz’s book deals only with political theory. But his criticisms of Dennis would have been more nearly complete if they had treated the real-world practical underpinnings, as Dennis saw and interpreted them, of that theory. Dennis’s views of economics and his economic analysis lay in the category, and to treat Dennis’s theory of the elite without discussing his extended critique of a real, historical elite-in-power—America’s capitalist elite—is to deny the analysis a significant part of its rationale. Spitz, at any rate and after a lengthy study of Dennis’s political theory, rejects it even though he grants the possible truth of its premise, that elites always rule. They may, says Spitz, but Dennis was wrong in supposing that this is necessarily incompatible with democracy, that the elite must always be an irresponsible elite.

For Arthur M. Schlesinger, Jr., writing in 1960, Lawrence Dennis “brought to the advocacy of fascism powers of intelligence and style which always threatened to bring him (but never quite succeeded) into the main tent.” Schlesinger devoted five pages to Dennis in the third volume of his The Age of Roosevelt, in a chapter on “The Theology of Ferment” that discusses various radical stirrings and personalities, left and right, thrown into some prominence during the Depression.[36] After considering the “literary fascists” Seward Collins and Ezra Pound, who were “figures in a sideshow, without significance in American politics,” Schlesinger turned to Dennis as the one fascist thinker who did possess real potential significance. Obviously admiring and noting Dennis’s Is Capitalism Doomed? as a “closely argued” attack on investment banking policies, Schlesinger nevertheless found beneath Dennis’s pose of cold realism notes of “romantic desperation,”[37] and he quoted a lengthy statement of Dennis from an unidentified private letter: “I am prepared to take my medicine in the bread line, the foreign legion, or with a pistol shot in the mouth. . . . I should like nothing better than to be a leader or a follower of a Hitler who would crush and destroy many now in power. It is my turn of fate now to suffer. It may some day be theirs.”[38]

Turning to The Coming American Fascism, Schlesinger noted the ease with which Dennis assumed that a variety of fascism could come to power and be successful in the United States: big business organization as well as the ingrained docility, standardization, and regimentation of the American people, who were already the world’s biggest suckers for advertising, propaganda of all kinds, and press and radio domination, made no other country “better prepared for political and social standardization.” As for their traditions of and a supposed passion for “freedom,” 90 per cent of the American people had no grasp “whatever” even of what their own ideological system was supposed to be all about. Therefore, according to Dennis, “A fascist dictatorship can be set up by a demagogue in the name of all the catchwords of the present system.”[39] Schlesinger went into some detail about the various particulars of Dennis’s vision of a fascist America. As to what and who could realize that vision and make the revolution, he considered the importance of Dennis’s idea of “the elite.” Here Schlesinger noted that Dennis was sometimes vague, sometimes contradictory, about just who constituted the fascist “elite” or, precisely, the latent fascist “out-elite” that desired power.[40] But there was little doubt as to the constitution of the particular societal group or class on whose behalf the elite would be working: the revolutionary dynamic would come from the “frustrated elite of the lower middle classes” who were threatened with being “declassed.”[41] Schlesinger took Dennis at his word when the latter said that he harbored no personal political ambitions, but he saw in him (and supposed that Dennis saw in himself) the qualities of a Goebbels, of a very smart brain-trust man who could serve a real fascist demagogue in justifying a revolution:

His style was clever, glib, and trenchant. His analysis cut through sentimental idealism with healthy effect. He tried to shift attention from words and symbols to the realities of power. His ‘realistic’ writing, for all its flashing and vulgar quality, had an analytic sharpness which made it more arresting than any of the conservative and most of the liberal political thought of the day.[42]

But a truly influential fascist demagogue never developed in America (Huey Long, for whom Dennis expressed admiration as “. . . smarter than Hitler, but he needs a good braintrust,”[43] might have become one), and Dennis was left to conjure intellectual rationales for an American fascism that existed more in the world of myth and wish. “Goebbels, after all, had a government to transform dreams into reality, and Dennis, only the Harvard Club,” Schlesinger wrote.[44] As for the existing reality of American fascist activists, who were of the mentality to agree with him without necessarily being able to comprehend him, Dennis had “progressively to lower his sights” in order to reach them. Seeing himself as “the sophisticated spokesman of a revolutionary elite in a technological epoch,” Dennis, like Seward Collins, found to his chagrin that the “elite which was to save civilization eventually turned out to be a collection of stumblebums and psychopaths, united primarily by an obsessive fear of an imaginary Jewish conspiracy. What began as an intimation of the apocalypse ended as squalid farce.”[45]

In his 1967 memoir Infidel in the Temple,[46] journalist and commentator Matthew Josephson reflected for a few pages on his acquaintanceship with Dennis in the 1930s. Josephson was already familiar with Dennis’s testimony in the 1932 Senate banking investigations and his arguments in Is Capitalism Doomed?, and having heard that Dennis was one of a number of pro-fascist intellectuals who regarded Huey Long as the potential Duce of an American fascism, he sought Dennis out in the Harvard Club for an interview, which his memoir largely sticks to recounting. “Trenchant in speech and as vivacious as I had been led to expect,” Dennis launched into a candid and freewheeling discussion of his beliefs and their origins. Quoting Dennis (apparently from notes), Josephson lays out some gems of provocation:

I have a very low opinion of bankers. If only they weren’t so smug, so full of their pieties! . . . business can’t recover; we are going over a cliff into a terrible inflation, in one year. . . . But Mrs. Roosevelt, Miss Perkins, and the other New Deal advisors look on the U.S.A. as an interesting settlement-house proposition with which intellectual ladies and college professors can divert themselves at the public expense! The New Deal is only a huge muddle—and yet the old trading class, the bankers, the merchants, the politicians, and labor leaders are still in the saddle. . . . It just can’t go on. I tell you, the future is to the extremists. . .   But here [the communists] haven’t a ghost of a chance. The working class—bah! The proletariat rise? Not on your life—it isn’t in the beast. The American worker won’t even fight for his class. What this country needs is a radical movement that talks American. Our workers not only don’t ‘get’ Marx, they can’t even lift him.[47]

Dennis—as recalled by Josephson–goes on: only the frustrated middle classes will fight for power; the moneyed people, ultimately facing the perceived threat of socialism or communism, will finally come around in support of fascism as the only alternative: “After all, fascism calls for a nationalist revolution that leaves property owners in the same social status as before, though it forbids them to do entirely as they please with their property. Then, instead of destroying existent skills as would a communist rising, the corporative state would preserve the elite of experts and managers, the people who understand production and can keep the system running.”[48]

As frankly as he advocated fascism, however, Dennis would have no truck with brawling native-fascists of the “shirt”-movement level, nor with religious bigotry or race hatred, in which he was plainly not interested. Rather, he considered his mission as purely one of education and propagandizing to the frustrated middle class out-elite, which will be the real vehicle for American fascism.

On the subject of Huey Long, Dennis noted that “Long reads my stuff” and had asked his help in writing a book on the redistribution of wealth. As Josephson also recounted, after they had finished their conversation, as Dennis was leaving the Harvard Club, he was accosted by an elderly member who exclaimed, “Yes, we all have to stand together and fight for the liberties won by our forefathers who developed the frontier!” Dennis’s polite but brusque reply was, “Remember Mr.——, the frontier is finished; liberty is a dead issue.”[49]

Josephson concluded at the time, and was of the same mind in 1967, that Dennis was brilliant but flawed in his obsession with issues of pure power and manipulation: “An odd and clever fellow was Dennis, but with great gaps on the human side.”[50]

Justus D. Doenecke, a historian of American isolationism and right-wing movements, broke the exclusion of Dennis from consideration in scholarly literature with his 1972 article on Dennis as a “cold war revisionist.”[52] Interested in how the pre-Pearl Harbor isolationists reacted—in different ways—to the cold war, Doenecke concluded that Dennis was a prime example of an isolationist who was consistent in his opposition to American involvements abroad; only Dennis, through his weekly, The Appeal to Reason, “offered a scathing attack upon the entire range of American Cold War policy.”[52]

Doenecke gave careful attention to Dennis’s economic ideas as central to the development of his later positions. After reviewing the arguments of Is Capitalism Doomed?, The Coming American Fascism, and The Dynamics of War and Revolution as to the rise, fall, and inevitable replacement of capitalism by a collectivist political structure, Doenecke noted the similarity at first glance of these to the Marxist critique of capitalism. Yet “the thrust of Dennis’s logic was far from Marxist; there were strong differences.”[53] For one, his “socialism” was not at all utopian, and saw no possibility for a truly “classless” society ever: there would always be leaders and led, and contests would only be over which elites would rule, not whether elites would rule. Under “socialism,” the proletariat would never rule itself but would have to be led by a managerial elite of technicians and experts.[54] (Doenecke might have noted here Dennis’s brand of egalitarianism: his “socialism” would guarantee that anyone with the requisite ability, no matter from what “class,” might join this “managerial elite” without traditional economic or social interferences standing in the way.)

Dennis further dissented from Marx and Marxism in rejecting the notions that the entire capitalist old order of business enterprise should be overthrown in violent revolution and that even if a “world socialist” order should entirely and universally displace capitalism, universal peace would result: “socialist” nations would inevitably fight among themselves, just as capitalist nations do. In Dennis’s critique of the cold war, which stressed the futility of America’s grasp after hegemony in both the world economic marketplace and the marketplace of ideas Doenecke found an early precursor of “New Left” revisionist historians William Appleman Williams, Gabriel Kolko, and Lloyd C. Gardner. Dennis also anticipated the “Red Fascism” thesis of other historians, noting the ease with which “Everything [the interventionist Establishment] said against Hitler can be repeated against Stalin and Russia.”[55]

The first issue of The Appeal to Reason appeared the same week as Churchill’s Fulton, Missouri, “iron curtain” speech; right then Dennis was warning that further American intervention in the world, this time to stop communist sin instead of fascist sin, would result only in the spread of communism—and the intensification of the very domestic “statism” that the conservative cold warriors deplored. At a time—Mao Tse-tung’s march to power in China—when conservatives were seeing communism as a world monolith directed from Moscow, Dennis predicted that rifts would develop in any concert of communist nations, the most important being in the Far East, where existed “nearly a billion people who could never be made puppets of the Slavs, even though they all turn communist.”

Dennis stressed the importance of economic “open door” concerns in the formulation and implementation of the Truman Doctrine, which was designed in part, in the Middle East, to protect Standard Oil interests. Overall, the doctrine served America (which refused to import as much as she exported) as a substitute for the huge foreign loans that Wall Street made in the 1920s in its market-expansion thrusts. “We shall have,” wrote Dennis in 1947, “a limitless market for American farm products, manufactures, and cannon fodder.”[56]

Doenecke continued with an exposition—taken mainly from issues of The Appeal to Reason—of Dennis’s lines on the further development of the cold war, the domestic red-hunting hysteria (he was against it, and held that “Any spy dumb enough to get caught by our F.B.I. is a good riddance for the reds”[57]), the emergence of the Third World as a force in global affairs, and the signs of a gradual “convergence” of both the capitalist U.S.A. and communist Russia (both becoming technocratic, managerial welfare states with planned economies and controlled currencies). With the Vietnam debacle, America’s time had finally come after a “long and brilliant record of success” in empire-building; it was “the beginning of the end of American intervention and overseas imperialism.” Dennis saw his own long record of warnings and observations unfortunately vindicated—by the disastrous turns for America in the world at large.

Dennis’s early and ongoing critique of the cold war demonstrated the consistency of his economic thought from its earliest expositions. He saw the cold war as propping up a capitalism that continued to decline; massive foreign aid, a massive and permanent scale of military production, and a space race were the substitutes that American capitalism concocted to replace the lost frontier. The inflation attendant to all this, whether at higher or lower rates, prevented another crash, and all the activity and spending kept unemployment at acceptable levels. And there was no such thing as significant overproduction in a global cold war, with its “limitless” needs for products both commercial—as allures for prospective “allies”—and military, if those allures didn’t work. The cold war was therefore functional for America—but at a terrific cost and risk. The professed international moral aims of the struggle would not be achieved, and the survival of civilization or of life itself was what was at stake in the great big game.[58]

Rounding off his treatment, Doenecke remarked on many points of prescience and diagnostic acuity in Dennis’s critique. He did criticize other points—notably, Dennis’s persistent faith in a managerial elite as fit to replace the old capitalist/democratic politicians’ elite. Dennis’s analysis “possessed a double-edged sword. The very bureaucratic elite which, in his eyes, should muffle the crusading ardor of the warriors could also be the repository of the mindless dogmatism he so often mourned in the masses. If anything, he overstressed the reasonableness of the new managerial system . . .”[59]) Ultimately, Doenecke was interested in Dennis’s place in intellectual history, and here he saw Dennis as a man before his time, a prophet still basically unrecognized: “He caught the relationship between frontiers and markets at least twenty years before the ‘Wisconsin School’ of diplomatic history was born.”[60] But Dennis’s post-World War II political and intellectual exile may well have contributed to the sharpness of his exposition: cranking out a mimeographed newsletter from his garage, subject to no advertising or editorial or academic pressures whatever, he could say what he pleased. Since that time more people, whether directly influenced by him or not, have been pleased to say it.

Historian Ronald Radosh paralleled much of Doenecke’s approach in the first of two chapters devoted to Dennis in his Prophets on the Right: Profiles of Conservative Critics of American Globalism[61] (The other “prophets” are Charles A. Beard, Oswald Garrison Villard, Robert A. Taft, and John T. Flynn.) The first chapter covers Dennis as “America’s Dissident Fascist” and reviews his 1930s and early 1940s positions and what happened to him during the war from taking them; the treatment of the sedition trial is more thorough than in any others’ discussions of Dennis. Noteworthy also in this regard was Radosh’s consideration at length of the reaction to Dennis’s mature anti-capitalism (as expressed in The Dynamics of War and Revolution) by American communist intellectuals, who took him very seriously indeed. These, while arguing that Dennis’s prescribed fascism would only amount to reactionary state capitalism and repression of the workers, nevertheless could find a lot of truth in his critique of old-style liberal capitalism and the follies of democracy; Dennis’s criticisms were deemed unanswerable by conventional liberalism or conservatism.

Radosh’s second chapter on Dennis considers him as “Laissez-Faire Critic of the Cold War.” There is a problem with that heading, which comes out in the chapter: Radosh states that Dennis after World War II “returned” to laissez-faire economic theory and developed a “persistent laissez-fairism.”[62] The problem with this is that it isn’t true—certainly not in the sense of the accepted understanding of laissez-faire, which is apparently just the sense Radosh means. He quotes only one statement (from an issue of The Appeal to Reason) directly to justify this statement: Dennis hearkens to an age when “the dissenters, the rebels and the nonconformists” for reasons of “religious or intellectual self-expression, freedom and independence” shared the capitalist dynamic with the men of pure greed. Out of this and a few other statements (where Dennis described the current military-industrial complex, which he was very much against, as “socialist” or “totalitarian socialist”), Radosh tries to build a case that Dennis not only gave up fascism but turned into a classical economic liberal.[63] The truth is that Lawrence Dennis turned into a classical economic liberal about to the same extent that Ludwig von Mises turned into a Marxist. Had Radosh accomplished a thorough reading of Operational Thinking for Survival, Dennis’s 1969 summa that capped his postwar thinking (Radosh mentions this book only once, in a footnote on the next-to-last page of his chapter) he would have thought at least twice about presenting any picture of a “laissez-faire” Dennis. (Particularly he might have absorbed Dennis’s appendix chapter, “Is the ‘New Economics’ a Success or a Failure?,” wherein laissez-fairists are politely ridiculed.) Dennis’s newsletter statement of admiration for the old-fashioned, small-scale entrepreneurial capitalism of “the dissenters, the rebels and the nonconformists,” to which Radosh qives so much weight as signifying an intellectual turn-around, is actually nothing new or remarkable at all in the body of Dennis’s thought. Dennis was saying the same sort of thing—about the “spiritual” or non-economic components of economic and other activity during the heyday of the “Capitalist Revolution” in America—when he was pleasing leftists with his early slashing attacks on American business enterprise, and later when he was proclaiming his fascism. Radosh would have done well to consider, as Alan Pendleton Grimes did twenty years earlier, the discreet dichotomy Dennis had always made between “independent” entrepenurial capitalism and “big” or monopolistic business: the former could be driven by all sorts of motives (such as those Dennis named in the statement quoted by Radosh), the latter was likely to be driven by pure private greed—but in America’s frontier era the drives of both could and did complement each other, combining to fulfill a broad social purpose in developing and defining the young national consciousness and shaping the nation’s physical order of affairs as well. Dennis’s point was that with the passing of the frontier such a condition no longer held; the social/spiritual dynamism of American “frontier men” pursuing personal or national glory had been replaced by an all-pervasive business dynamism pursuing only bottom-lines. There was no replacement for the frontier, and the era of laissez-faire as socially and nationally utilitarian and beneficial was gone and not going to come back.

Thus Radosh, in stating that Dennis “returned” in his thought to laissez-faire and became a laissez-fairist, not only fundamentally misread Dennis’s position (an error he could easily have avoided by examining Dennis’s last book) but goes wrong also on the notion of “return” both with respect to Dennis personally (he couldn’t “return” to a position he’d never in fact held) and with respect to the larger analysis: Dennis’s very point, an abiding one that informed his works from the first to the last, was that to the laissez-faire era for America there could be no return.

Radosh similarly misread the statements of Dennis as to the “socialist” character of the American military-industrial economy in the cold war.[64] He seems to take it that here Dennis was criticizing and deploring this “socialism” itself, rather than merely: (a) criticizing the roots and uses of this development in worldwide interventionism, and (b) exposing the fraud and hypocrisy of a system that still claimed it was “free enterprise,” but was actually going “socialist” in order to—fight and contain socialism! Dennis had a taste for ironic expression in his writing, often amounting to sarcasm, and one of his favorite argumentative devices in challenging opponents was to measure up and consider their actions, or the results of their policies, not on his but on their own professed terms, finding these wanting on precisely those terms—even antithetical to those terms. This is what he did in treating a cold war American big business and political establishment that boomed its devotion to the American free-enterprise way while doing its best, in the cause of a world struggle against opponents of that way, to side-step it at home in enjoyment of a perpetual business-government subsidized partnership. The exposure of hypocrisy and the deploring of its internationalist ends were the points of Dennis’s attack on this “socialism,” which was not an attack on “socialism” or government-business partnership per se, a subtlety which seems to have escaped Radosh.

Radosh therefore fails in his attempt to revise Dennis into a born-again laissez-fairist, a revision that would entail the considerable job of proving that Dennis could throw over a main tenet of decades of his thought rather lightly and apparently without even realizing that he was doing so. It would also entail explaining how it could be that other recent commentators on Dennis, including Justus Doenecke—in Radosh’s words, the one who has “led the way in the re-evaluation of Lawrence Dennis”[65]—somehow missed this side of their subject entirely.

Yet aside from the failure of its thesis, Radosh’s chapter is not bad at all. In fact the thesis, even though appearing in the chapter title, is not really central to much of the presentation, which is the most extensive purely expository discussion yet of Dennis’s criticisms of the cold war. Radosh’s problem lies just in his too-quick readiness to label Dennis “as” something in familiar ideological terms—and the problem, in fact, is not peculiar in this book to the treatment of Dennis.[66] At any rate, and in judgments with which there can be no quarrel, Radosh ultimately finds Dennis “our earliest and most consistent critic of the Cold War,” and the one who, years before William Appleman Williams,[67] first took the Turnerian “frontier thesis” and applied it to the relationships between politics, ideology, and economics in analyzing America’s new activist role in world affairs.

* * *

Justus Doenecke wrote in 1972 that “a full-length biography is very much needed” of Lawrence Dennis.[68] In 2001 that is still true, and the really notable thing about the monographical treatments of Dennis that have appeared since 1972, by Doenecke himself and others, is that they remain so few for one who made a considerable intellectual and political impact in his time, reflected in the printed record of that time. Even on the small scale of a monograph, there has been no attempt yet at an equal, synthetic treatment of all of Dennis’s lines of thought, toward the end of a unified, summary appraisal; instead there have been treatments devoted to particular areas. His economic thought has tended to be obscured in these treatments. Certainly any biographer of Dennis would have to be well-versed in economics and economic history, in order both to understand and to criticize his subject’s ideas.

It is indeed past time for a major critique of all those ideas. Dennis covered a great deal of ground in his prolific and variegated career as an intellectual observer of his time, a period of tremendous political, social, and economic disruption and change in this country and the world. His record was a long and interesting one: State Department official in the thick of an early “Third World” revolution, banking official at the onset of economic collapse, Depression critic of capitalism, proponent of fascism, opponent of World War II intervention, key figure in one of the major civil liberties and freedom-of-speech legal cases of our time, analyst of the cold war and of the “new style” of American big-business/big-government partnership. Nor was his role merely as an observer and critic. His political impact is undeniable, even if it was mainly limited to the period of the New Deal and the New Deal’s war and even if it was not because of his impact on policy but on what could be called “anti-policy” that he was held up by policy makers and supporters of the New Deal as an adversary against whose potential influence the public had to be warned, and finally as an actual danger who had, if possible, to be silenced by law. It is as just such an “anti-” figure that he is mainly remembered when he is remembered at all. This is probably appropriate, because Lawrence Dennis never won.

That at least some of what he had to say might nevertheless have warranted serious consideration by policy makers has been a possibility openly admitted by scholars only rather recently. Still, all those who have considered him over the years, whether polemical opponents of the 1930s and ’40s or detached scholars of the 1970s and later, have shared an appreciation of him to this degree: America in the twentieth century had no more articulate and challenging an opponent of liberalism, political and economic, than Lawrence Dennis. What makes him all the more intriguing is that his challenge was to liberalism both in its older “classical” form as well as in its modern guise—that is, a challenge to both the alternately reigning conservatism and liberalism of his and our time.

Notes

1. James Burnham has actually been targeted most conspicuously as one who engaged in heavy “intellectual borrowing”–of the unattributed kind. Political scientist David Spitz has convincingly demonstrated Burnham’s intellectual indebtedness to Lawrence Dennis’s prior published writings both in key concepts and even phraseology. See David Spitz, Patterns of Anti-Democratic Thought, (rev. ed.; New York: Free Press, 1965), p. 300, n. 17, and pp. 308-309, n. 36, the latter presenting a concept-by-concept and page-by-page comparison. Max Nomad in Aspects of Revolt, p. 15, n. 3, claimed that Burnham took the idea of the “managerial revolution” from the discussions of turn-of-the-century Polish revolutionist Waclaw Machajski’s ideas in Nomad’s 1932 Rebels and Renegades and 1939 Apostles of Revolution; Burnham was “an author who gave no credit to his predecessors. He was a teacher of ethics.” Bruno Rizzi and others accused Burnham of having plagiarized from Rizzi’s (as “Bruno R.”) La Bureaucratisation du Monde (Paris: privately published, 1939), a work that figured importantly in the Trotskyite doctrinal controversies of 1939-40, in order to write The Managerial Revolution; see Adam Westoby, “Introduction,” pp. 23-26, in Bruno Rizzi, The Bureaucratization of the World (New York: Free Press, 1985). [See also Samuel Francis, James Burnham (London: Claridge Press, 1999), 26-27, for refutation of the charges of plagiarism by Burnham—SF.]

2. Lawrence Dennis, Is Capitalism Doomed? A Challenge to Economic Leadership (New York: Harper & Brothers, 1932).

3. The most systematic exposition is in Adolf A. Berle, Power Without Property: A New Development in American Political Economy (New York: Harcourt, Brace & World, 1959), but the idea was heralded in Berle’s famous work with Gardiner C. Means, The Modern Corporation and Private Property (New York: Macmillan, 1933), and finally refined in Power (New York: Harcourt, Brace & World, 1969). Dennis and Berle could by no means agree on much other than that control in corporations was rapidly passing from entrepreneur-owners to technician-managers; see Berle’s “cheerleader” approach to American business enterprise in The Twentieth Century Capitalist Revolution (New York: Harcourt, Brace & Co., 1954) and The American Economic Republic (New York: Harcourt, Brace & World, 1965) and compare with Dennis’s “coroner” approach in all his works.

4. Max Nomad, Rebels and Renegades (Freeport, N.Y.: Books for Libraries Press, 1968; first published 1932), Apostles of Revolution (New York: Collier Books, 1961; first published 1939), Aspects of Revolt (New York: Bookman Associates, 1959), and Political Heretics (Ann Arbor: University of Michigan Press, 1963).

5. James Burnham, The Managerial Revolution (New York: John Day, 1941) coined a phrase. He provided a summary statement in “The Theory of the Managerial Revolution,” Partisan Review, VIII (1941), pp. 181-97; early surfacings of the theory as it arose out of Burnham’s polemical doctrinal battles in the Trotskyite Fourth International were in his “Science and Style: A Reply to Comrade Trotsky” (1940) and “Letter of Resignation of James Burnham from the Workers Party” (1940), both in Leon Trotsky, In Defense of Marxism (New York: Pathfinder Press, 1976). A balanced study of Burnham’s entire range of thought is Samuel T. Francis, Power and History: The Political Thought of James Burnham (Lanham, Md.: University Press of America, 1984). For a historical and analytical overview of the business applications of the concept associated with Burnham’s name, see Alfred D. Chandler, Jr., The Visible Hand: The Managerial Revolution in American Business (Cambridge: Harvard University Press, 1977).

6. George Orwell’s Nineteen Eighty-Four (New York: Harcourt, Brace & Co., 1949) and Animal Farm (New York: Harcourt, Brace & Co., 1946) present these contentions in the form of novels. Interesting in the present context is Orwell’s view of Burnham, given in “James Burnham and ‘The Managerial Revolution’” and “Burnham’s View of the Contemporary World Struggle,” both in Sonia Orwell and Ian Angus, eds., The Collected Essays, Journalism and Letters of George Orwell, Vol. IV: In Front of Your Nose, 1945-1950 (New York: Harcourt, Brace & World, 1968), pp. 160-81 and 313-26. A brilliant relation of Orwell’s war-for-domestic-consumption theme to the real world of the 1950s is Harry Elmer Barnes, “How ‘Nineteen Eighty-Four’ Trends Threaten American Peace, Freedom, and Prosperity,” written in 1953 but published for the first time 27 years later in Barnes, Revisionism: A Key to Peace, and Other Essays (San Francisco: Cato Institute, 1980, Cato Paper No. 121), pp. 137-76.

7. Beard’s formal statements of these views appeared in two books he wrote in collaboration with George H.E. Smith, The Idea of National Interest (New York: Macmillan, 1934) and The Open Door at Home (New York: Macmillan, 1934). They resurfaced with vigor in his Giddy Minds and Foreign Quarrels (New York: Macmillan, 1939) and A Foreign Policy for America (New York: Alfred A. Knopf, 1940).

8. Keynes’s grand statement, of course, is his General Theory of Employment, Interest, and Money (London: Macmillan, 1936), in which he propounded at full length his umbrella-idea of aggregate production. An earlier version of his critique of classical economics is in his pamphlet, The End of Laissez Faire (London: Hogarth Press, 1926). The literature on Keynes is vast. Good starting-points are Robert Lekachman, The Age of Keynes (New York: Random House, 1966) and, ed., Keynes’ General Theory: Reports of Three Decades (New York: St. Martin’s Press, 1964).

9. Norman Thomas, reviewing Dennis’s Is Capitalism Doomed? in World Tomorrow, XV (June, 1932), 186, wrote, “Nowhere have I ever seen a more slashing attack upon the bankers’ notion of international finance. From a socialist point of view Mr. Dennis overlooks or seems to overlook factors of great importance, but the factors that he does examine he deals with most trenchantly . . . In spite of this criticism I want heartily to recommend Mr. Dennis’s book. The convinced socialist will find more ammunition in it than in most radical books.” British Marxist John Strachey, referring to the same book in his The Coming Struggle for Power (New York: Modern Library, 1935), pp. 158-59, called Dennis “admirably realistic when he is showing the fatal contradictions inherent in large-scale capitalism . . . [he] has written a far more penetrating analysis of the crises [of capitalism] than has been achieved by any professional capitalist economist.” Dennis wrote a largely favorable review of Strachey’s book when it first appeared; see Lawrence Dennis, “A Communistic Strachey,” Nation, March 8, 1933, pp. 264-65.

10. President Roosevelt, in his January 6, 1941 State of the Union speech to Congress, made a point of mentioning those who not only “with soundinq brass” but with “a tinkling bell” preached “the ism of appeasement.” The prior month he had unleashed Secretary of the Interior Harold L. Ickes to blast, by name, those constituting the “group of appeasers in the making.” Ickes announced in his speech at Columbia University on December 17, 1940 that Lawrence Dennis was “the brains of American Fascism.” This drew an acid public reply from Dennis: “The reality in America which comes nearest to Fascism is Mr. Ickes and the reality which comes next nearest is Mr. Roosevelt’s third term. I wrote a book about The Coming American Fascism and predicted that it would come through a war against Fascism. I have since repeatedly said that Mr. Roosevelt and his New Deal were the only significant Fascist trends in America. I have never belonged to or been connected with any movement or organization of a political character in my entire life.” See “‘The Ism of Appeasement’: Roosevelt Brands Foes of His Foreign Policy,” Life, January 20, 1941, pp. 26-27, and “M.K. Hart Demands That Ickes Recant; Lawrence Dennis Challenges Right to Attack Appeasers’ Character and Motives,” New York Times, December 19, 1940, 22.

11. Dennis and lawyer Maximilian St. George weighed in against the trial in their A Trial on Trial: The Great Sedition Trial of 1944 (Chicago: National Civil Rights Committee, 1946), a 503-page autopsy of one of the weirder federal prosecution cases in this country’s history. A belated apologia for the trial and final attempt to convict the defendants, this time in the less evidentiarily-stringent court of public opinion, was offered by chief prosecutor O. John Rogge in The Official German Report (New York: Thomas Yoseloff, 1961), a most interesting title for a book that was neither “Official” nor “German” nor a “Report.” In the meantime Rogge had, a bare five years after his “mass sedition” extravaganza, offered Our Vanishing Civil Liberties (New York: Gaer Books, 1949), in which he expressed the most aggrieved and shocked concern over any such thing as governmental character assassination of dissidents and political show-trials for them; at the time he was acting as defense counsel for members of the Communist Party U.S.A. on trial for Smith Act violations. Those who were not overawed with Rogge’s record of consistency as an upholder of civil liberties and freedom of speech could and did point to him as epitomizing a new species in American intellectual life: the “totalitarian liberal,” who was perfectly capable of doing a 180° ethical flip-flop without any consciousness of having ruffled a principle. A particularly glaring flip-flop of the “totalitarian liberals” was from ardent support of (or acquiescence in) World War II efforts to shut up, lock up, or blacklist non-interventionists for whom the labels “seditionist” or “appeaser” were handy general smears, to ardent opposition to Cold War efforts to shut up, lock up, or blacklist accused communists—thus, ironically, making themselves susceptible to McCarthyite charges of “traitor” and “appeaser.” An interesting, somewhat gloating, analysis of this phenomenon was provided by historian Harry Elmer Barnes in his booklet The Chickens of the Interventionist Liberals Have Come Home to Roost: The Bitter Fruits of Globaloney (privately published, n.p., n.d [1954]). More recently, historian Leo Ribuffo has coined the term “Brown Scare” to suggest that the road to the “Red Scare” of the late 1940s and early 1950s was paved in part by liberals themselves in consequence of their prewar and wartime behavior. See his “Fascists, Nazis, and the American Mind: Perceptions and Preconceptions,” America Quarterly, XXVI, 4 (October 1974), 417-32, and The Old Christian Right: The Protestant Far Right from the Great Depression to the-Cold War (Philadelphia: Temple University Press, 1983).

12. An idea of the freeze-out of Dennis from establishment channels of discussion after World War II may be had by comparing the lists of reviews of his prewar books with those of his postwar books, in the bibliography at the end of this essay. The Book Review Index, the Combined Retrospective Index to Book Reviews in Scholarly Journals 1886-1974, and the Combined Retrospective Index to Book Reviews in Humanities Journals 1802-1974 list a grand total of zero reviews of A Trial on Trial, and one review of Dennis’ last book, Operational Thinking for Survival (Colorado Springs: Ralph Myles Publisher, 1969). James J. Martin, the director of Ralph Myles Publisher, has confirmed to this writer that, although some 100 free review copies of Operational Thinking were sent out upon publication, only one review ever appeared—by Dennis’s old friend and ideological combatant Frederick L. Schuman, “Reflections of a Pragmatist,” Nation, December 8, 1969, 641-42.

13. “America’s No. 1 . . . ” and “Brain-truster . . .”: Life, January 20, 1941, 26-27. “The intellectual leader . . .”: Arthur S. Link and William B. Catton, American Epoch: A History of the United States, 1921-1945 (4th ed.; New York: Alfred A. Knopf, 1973), II, 18.

14. Biographical details are taken from the portrait of Dennis in Maxine Block, ed., Current Biography 1941 (New York: H. W. Wilson Co., 1941), pp. 218-20, and from recollections of two of Dennis’s long-time friends, H. Keith Thompson and James J. Martin, given in conversations with this writer.

15. Lawrence Dennis, The Coming American Fascism (New York: Harper & Brothers, 1936).

16. For Dennis’s early appraisal of the New Deal as basically directionless, see “The Planless Roosevelt Revolution,” American Mercury, XXXII (May 1934), 1-11.

17. Lawrence Dennis, The Dynamics of War and Revolution (New York: Weekly Foreign Letter, 1940), hereafter cited as Dennis, Dynamics. This book was scheduled to be published by Dennis’s regular publishers, Harper & Brothers, which had already printed it up and begun binding when, with the domestic intellectual repercussions of the fall of France in June 1940, the house got cold feet and backed out. Dennis then bought up the stock and issued the book under the imprint of his newsletter. This writer has seen, by courtesy of James J. Martin, one of the extremely rare copies of the book carrying the original Harper & Brothers imprint on binding and dust-jacket.

18. Justus D. Doenecke, “Lawrence Dennis: Revisionist of the Cold War,” Wisconsin Magazine of History, LV, 4 (Summer 1972), p. 277, n. 11, citing Dennis to Doenecke, January 27, 1971, givves these names as subscribers.

19. The author has, by courtesy of James J. Martin, examined the correspondence file between Dennis and Ralph Myles Publishers, whence this information comes.

20. Dennis, Dynamics, 67.

21. Ibid., 68-69.

22. Ibid., 71, quoting Frederick Jackson Turner, “The Significance of the Frontier in American History,” delivered at the annual meeting of the American Historical Association in Chicago in 1893.

23. Dennis, Dynamics, 60.

24. Ibid., 64.

25. Ibid., 61. Dennis was at his sardonic best in describing the essence of this hypocrisy: “Now if there is anything an orthodox economist abhors, it is monopoly. The economists spend most of their time trying to prove that monopoly is bad for business and businessmen spend most of their time trying to achieve monopoly or failing in business because they are unsuccessful in achieving it.”

26. Ibid., 77.

27. Confronted with the post-World War II population boom in America and throughout the world, Dennis would modify his emphasis if not his thesis; cf. Dennis, Dynamics, ch. 6, esp. pp. 88-101, with Operational Thinking for Survival, ch. 7, esp. pp. 47-58. In the former work he had not really considered “Third World” population trends; in the latter he did, and saw this part of the world as gaining in a potentially powerful dynamism from its procreative proclivities—while relative to it, in this respect, America and the West continued to decline.

28. Dennis, Dynamics, 94-95.

29. Ibid., 122-23.

30. Ibid., 104-108.

31. Dennis provided a concise, punchy statement of his view as to the “dynamic” and “revolutionary” qualities of the German-Italian-Russian “socialist” axis in his contribution, “The Party-State and the Elite,” pp. 39-41, to the symposium, “Who Owns the Future?” in the Nation, January 11, 1941, 36-44; the other contributors were Frederick L. Schuman and Max Lerner. This remarkable trialogue, which holds its interest and remains relevant to the discussion of principles of international relations even today, represented the last time any such dissident “fascist” views as Dennis’s would be granted a lengthy hearing in a major American intellectual journal.

32. Dennis, Dynamics, 216.

33. Beard used these words in his last conversation with his revisionist colleague Harry Elmer Barnes. See Barnes, ed., Perpetual War for Perpetual Peace: A Critical Examination of the Foreign Policy of Franklin Delano Roosevelt and its Aftermath (Caldwell, Id.: Caxton Printers, 1953), p. viii.

34. Alan Pendleton Grimes, American Political Thought (New York: Henry Holt & Co., 1955), 415-28.

35. Spitz, Patterns of Anti-Democratic Thought, 88-123.

36. Arthur M. Schlesinger, Jr., The Age of Roosevelt, Vol. III: The Politics of Upheaval (Boston: Houghton Mifflin, 1960), pp. 74-78.

37. Ibid., 74. Schlesinger is correct in noting a certain “romantic” element in Dennis’s thinking and expression. This cannot obscure, however, Dennis’s essential character as an analyst who repeatedly emphasized and demonstrated the rational, cool, realistic, and empirical as ways to approach problems under consideration. He may have “succumbed” to romantic flights on occasion, and his prose was never dull, but considering the body of his work there is little use in disputing the appellation given him by Boston publisher Porter Sargent: “that incorruptible realist.” By contrast, the other principal figure of American intellectual fascism, Francis Parker Yockey, 1917-1960, author of Imperium: The Philosophy of History and Politics (New York: The Truth Seeker, 1962), was a mystical romantic-of-romantics who tended not to argue a case, as Dennis did, but to state it and dispense with justification. Both men—they apparently never met—were highly intelligent and educated, wrote works of undeniably vast learning, and were greatly influenced by Spengler. But their approaches to the same problems of history and society were markedly different in many key respects. Yockey was certainly the more “typically fascist.” A detailed comparison of their approaches would make an interesting study.

38. Ibid., 75.

39. Ibid., 76.

40. Ibid., 76-77.

41. Ibid., 77-78.

42. Schlesinger, Politics of Upheaval, 78.

43. Ibid., 77.

44. Ibid., 78.

45. Ibid.

46. Matthew Josephson, Infidel in the Temple: A Memoir of the Nineteen-Thirties (New York: Alfred A. Knopf, 1967), 318-24.

47. Ibid., 320-21.

48. Ibid., 323.

49. Ibid., 324.

50. Ibid.

51. See Justin D. Doenecke, “Lawrence Dennis: Revisionist of the Cold War,” Wisconsin Magazine of History, LV, 4 (Summer 1972), 275-86, and also two other articles by the same author: “Lawrence Dennis: The Continuity of Isolationism,” Libertarian Analysis, I, 1 (Winter 1970), 38-65, and “The Isolationist as Collectivist: Lawrence Dennis and the Coming of World War II,” Journal of Libertarian Studies, III, 2 (Summer 1979), 191-207. There is also some discussion of Dennis in Doenecke’s Not to the Swift: The Old Isolationists in the Cold War Era (Lewisburg: Bucknell University Press, 1979). That Dennis has been a figure of interest in libertarian intellectual circles is interesting, given that he was, to put it mildly, no libertarian. Such interest appears to derive principally from his record of anti-interventionism in matters of foreign affairs; there may also be something appealing in his basic iconoclasm. [For a more recent libertarian isolationist treatment of Dennis, see Justin Raimondo, “Tale of a ‘Seditionist’: The Story of Lawrence Dennis,” Chronicles, XXIV (May, 2000), 19-22.—SF]

52. Doenecke, Wisconsin Magazine of History, 275.

53. Ibid., 276.

54. Ibid., 276-77.

55. Ibid., 277-78.

56. Ibid., 278-79.

57. Ibid., 283.

58. Ibid., 285.

59. Ibid., 286.

60. Ibid.

61. Ronald Radosh, Prophets on the Right: Profiles of Conservative Critics of American Globalism (New York: Simon & Schuster, 1975), 275-322.

62. Ibid., 299.

63. Ibid., 299-300.

64. See Ibid., 300, e.g.

65. Ibid., p. 281, n. 15.

66. Ibid., 283; Radosh’s book makes a tremendous contribution toward the explication and understanding of early anti-“consensus” views of the cold war and has deservedly attained the status of a minor classic. But there is something of a “Five Characters in Search of a Thesis” aspect to it—immediately noticeable in the title and sub-title themselves: the prophets were on the “right” and were “conservative” critics. Those designations might apply with little question to Robert A. Taft and John T. Flynn—but to Charles A. Beard, Oswald Garrison Villard, and Lawrence Dennis? The latter three would probably have a chuckle about it, and the last might threaten suit for slander, too.

67. See William Appleman Williams, “The Frontier Thesis and American Foreign Policy,” in History as a Way of Learning (New York: New Viewpoints, 1974), pp. 137-57.

68. Justus D. Doenecke, The Literature of Isolationism: A Guide to Non-Interventionist Scholarship, 1930-1972 (Colorado Springs: Ralph Myles Publisher, 1972), p. 40.

Source: The Occidental Quarterly, vol. 1, no. 1 (2001).

 

 


 

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vendredi, 26 décembre 2014

Le meilleur régime: une querelle millénaire

 

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Le meilleur régime: une querelle millénaire

Proposer ou imposer un chef à sa Nation ne se fait jamais sans conséquences. Mais alors, quel système politique doit-on mettre en œuvre pour assurer la pérennité de ce (nouveau) Régime ? Et quel est le plus préférable ?

Dans son « Enquête » au sein du livre 3, Hérodote rapporte un dialogue entre trois « mages » au lendemain de la mort du roi de Perse, Smerdis, pour trouver quel serait le meilleur régime afin de gouverner le territoire. En réalité, ces « mages » ou encore appelés « servants » selon les textes, représentent les trois principaux régimes politiques.

  • Otanes, faisant l’apogée de la démocratie, commence par attaquer la monarchie par ces mots : « Je crois que l’on ne doit plus désormais confier l’administration de l’État à un seul homme, le gouvernement monarchique n’étant ni agréable ni bon ». En réalité, Otanes s’insurge sur le fait que ce « monarque » n’agirait qu’à sa guise, selon l’impulsion donnée par son caractère capricieux, tout lui étant alors permis. Otanes préconise un gouvernement choisi par le peuple ce qui régirait le « principe d’isonomie ». Ce principe consiste en une soumission à une même loi pour tous. L’isonomie est concrétisée sur l’égalité des droits civiques avec l’idée de partage effectif du pouvoir.
  • Mégabyse, favorable au système aristocratique, témoigne de son accord avec Otanes sur les dérives de la monarchie, régime tyrannique selon lui. Mais la démocratie ne vaut pas mieux en y regardant de plus près ! Mégabyse dira même que le système démocratique est bien pire que son opposant monarchique pour la simple et bonne raison que le tyran monarque sait ce qu’il fait, alors que la masse populaire ne le sait pas ! Pour lui, seul un gouvernement composé des hommes de savoir et d’éducation, peut se maintenir ! « Pour nous, faisons le choix des hommes les plus vertueux ; mettons-leur la puissance entre les mains : nous serons nous-même de ce nombre ; et, suivant toutes les apparences, des hommes sages et éclairés et ne donneront que d’excellents conseils ».
  • Darius quant à lui se positionne pour la monarchie. Prenant la parole en dernier, et ayant soigneusement écouté ses comparses, il critique immédiatement Otanes et Mégabyse : Pour lui, le meilleur gouvernement ne peut être autre que celui du meilleur homme seul ! « Il est constant qu’il n’y a rien de meilleur que le gouvernement d’un seul homme, quand il est homme de bien ». L’oligarchie n’est pour lui que l’étape précédent la monarchie, d’où sa faiblesse : « Chacun veut primer, chacun veut que son opinion prévale » de sorte que les nobles se battraient pour gouverner. Cette situation ne déboucherait que sur le recours à un roi pour rétablir l’ordre social. Mais la démocratie ne vaut pas mieux selon le « mage » ! « Quand le peuple commande, il est impossible qu’il ne s’introduise beaucoup de désordre dans un État ». Cela ne conduirait qu’à une tyrannie – justement – pour rétablir brutalement l’ordre. Pour Darius, la monarchie apparait comme seul régime valable, ou du moins comme le moins mauvais.

Cette introduction nous permet d’enchaîner sur l’étude desdits systèmes politiques, non pas pour vanter les mérites de l’un sur les autres, mais pour en comprendre leurs fondements, leurs principes et leurs idéaux.

La démocratie

aristotelessdgh.jpgL’une des meilleurs définitions a été donné par Aristote : « La liberté – ou démocratie – consiste dans le fait d’être tour à tour gouverné et gouvernant… »
La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Idéalement, la démocratie instaure une identité entre les gouvernants et les gouvernés. Les conditions nécessaires sont les suivantes :

  • L’égalité : C’est l’idée que tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe ou de religion, sont égaux en droit. Les mêmes règles doivent s’appliquer aux citoyens qui sont placés dans une situation identique.
  • La légalité : C’est l’idée d’une obéissance aux règles de droit. Les rapports entre les citoyens doivent être régis par des règles de droit qui, adoptées par tous, s’appliquent à tous.
  • La liberté : C’est l’idée de la liberté de participation aux affaires publiques. Tous les citoyens sont libres de participer au gouvernement soit par la désignation des gouvernants – élection – soit par la prise directe de décision – référendum. C’est également l’idée d’une liberté d’opinion, ce qui induit le respect de plusieurs courants politiques.

Outre Otanès que nous avons évoqué en introduction, Périclès fait également l’éloge de la démocratie où l’égalité serait son fondement. Dans ce régime il ne doit y avoir aucune différence entre les citoyens ni dans leur vie publique ni dans leur vie privée. Aucune considération ne doit s’attacher à la naissance ou à la richesse, mais uniquement au mérite !

La démocratie est un régime de générosité et de fraternité, reposant sur la philanthropie (du grec ancien φίλος / phílos « amoureux » et ἄνθρωπος / ánthrôpos « homme », « genre humain ») est la philosophie ou doctrine de vie qui met l’humanité au premier plan de ses priorités. Un philanthrope cherche à améliorer le sort de ses semblables par de multiples moyens.

Cependant et après étude de ces éléments, nous sommes en droit de nous poser la question suivante : l’élection démocratique d’un dirigeant le force t-il nécessairement à être philanthrope ? À moins que la réponse ne soit déjà dans la question…

L’Oligarchie

L’oligarchie est le gouvernement d’un petit nombre de personnes, le pouvoir étant détenu par une minorité. L’oligarchie est également une catégorie générique qui recouvre plusieurs formes de gouvernement.

La forme oligarchique la plus répandue est l’aristocratie. C’est un gouvernement réservé à une classe sociale censée regrouper les meilleurs. L’aristocratie repose ainsi sur une conception élitiste du pouvoir.

Outre les institutions de la république romaine, rappelons que le système politique spartiate était bel et bien orienté vers l’oligarchie notamment avec la gérousie.
La gérousie est une assemblée composée de 28 hommes élus à vie et âgés de plus de 60 ans. Ces derniers sont choisis en fonction de leur vertu militaire mais force est de constater qu’ils appartiennent pour la plupart aux grandes familles de Sparte.

Il est intéressant de noter que dans cet exemple que seuls les membres de cette assemblée possèdent l’initiative des lois. Dans un système oligarchique on ne laisse que peu de place à l’aléatoire puisque seuls les « meilleurs » accèdent aux fonctions législatives, encore faut-il convenablement définir ce que sont « les meilleurs » dans un régime politique.

La monarchie

La monarchie est la forme de gouvernement dans laquelle le pouvoir est exercé par un seul homme (roi, empereur, dictateur).
La monarchie absolue est un courant de la monarchie qui, elle-même est un courant de la monocratie. La monarchie absolue donc, est le gouvernement d’un seul homme fondée sur l’hérédité et détenant en sa personne tous les pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire). La souveraineté du monarque est très souvent de droit divin.

Outre Darius, Isocrate défend cette idée de monarchie comme forme d’organisation du pouvoir. Il pense trouver le chef dans Philippe de Macédoine (père d’Alexandre le Grand), car il y voit le règne de l’efficacité et l’avènement de la modernité.

xenophon05.jpgXénophon a réellement été l’initiateur du régime monarchique. « Ce qui fait les rois ou les chefs (…) c’est la science du commandement ». Le roi est comparable au pilote qui guide le navire. Xénophon décrit un homme qui détient une supériorité sur tous les autres, car il « sait ». On ne naît pas roi, on ne l’est pas non plus par le fait, ni encore par l’élection : on le devient ! La monarchie est un art qui, comme tous les autres arts, suppose un apprentissage, la connaissance des lois et des maîtres pour les enseigner.

L’éducation fait acquérir au roi un ensemble de talents et de qualités qui le rendront véritablement apte à exercer ses fonctions. Il ne doit pas imposer son pouvoir par la force, sinon il ne serait qu’un tyran, ce que Xénophon réprouve. Le roi devra être capable de susciter le consentement du peuple en se fondant sur la justice et la raison. Le chef est donc au service de ceux qu’il commande. « Un bon chef ne diffère en rien d’un bon père de famille ». Héritage grec oblige, Xénophon n’oublie pas de mentionner que le roi ne fera régner la justice qu’en respectant la primauté de la loi.

***

À l’étude de ces différents régimes proposant une gouvernance différente du territoire, sommes-nous en capacité de répondre à l’intitulé de cet article à savoir « Quel est le meilleur Régime politique ? » Chacun se fera son avis, chacun se fera son opinion ! Tout réside naturellement dans la capacité du « chef » à gouverner, mais aussi et surtout dans sa conception du pouvoir.

Napoléon Bonaparte a été très certainement l’un des empereurs les plus prestigieux de l’Histoire. Cependant était-il d’avantage un démocrate qu’un monarque ? Ou a-t-il réussi à faire ressortir une nouvelle façon d’exercer le pouvoir ? Pour approfondir le sujet, je vous invite à lire les articles de Christopher Lings et David Saforcada aux adresses suivantes :

Christopher Destailleurs

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lundi, 22 décembre 2014

Robert Stark interviews Paul Gottfried on Dugin & Neoconservatives

Robert Stark interviews Paul Gottfried on Dugin & Neoconservatives

Ex:

http://www.starktruthradio.com

Audio:

http://www.starktruthradio.com/?p=934

Duginxcvvbnb.jpgPaul Gottfried recently retired as Professor of Humanities at Elizabethtown College, PA. He is the author of After Liberalism, Multiculturalism and the Politics of Guilt and The Strange Death of Marxism His most recent book is Leo Strauss and the Conservative Movement in America.

Topics include:

Alexander Dugin and Martin Heidegger

The definition of Liberalism

The Eurasian school of thought

National Review’s Hit Piece on Dugin

How Neoconservatives attack their enemies such as Dugin as Fascist or Nazis

How Neoconservatives are a faction of the left

The Neoconservative View toward Russia

The Cold War and whether it was a mistake

The conflict with Russia in the Ukraine

Why Paleoconservatives tend to dislike Israel

Paul Gottfried’s upcoming book Fascism: The Career of a Concept

mardi, 16 décembre 2014

Handboek Nieuw-Rechts eindelijk ook in het Nederlands beschikbaar!

Handboek Nieuw-Rechts eindelijk ook in het Nederlands beschikbaar!
 
Ex: Deltastichting - Nieuwsbrief Nr. 89

Onze zusterorganisatie Identiteit was een tijdje geleden op het briljante idee gekomen het Engelstalig handboek van Tomislav Sunic over Nieuw-Rechts in het Nederlands te vertalen.
Het resultaat ligt eindelijk voor in boekvorm, en het mag gezien worden.

Reden genoeg dus om de uitgevers van "
Nieuw Rechts: voor een andere politieke cultuur" even aan de tand te voelen naar de reden om dit fundamentele boek ook in het Nederlands uit te geven, en naar hun toekomstplannen.

Vanwaar kwam de idee om net dit boek te vertalen en uit te geven? Hoe kwam je op de naam van Tomislav Sunic?
 
Het boek zelf is zeer gekend in de Angelsaksische wereld.  Het wordt er  – samen met het recentere boek New Culture, New Right: Anti-Liberalism in Postmodern Europe  van Michael O’Meara – gezien als het basiswerk inzake Nieuw-Rechts.   Het feit dat Sunic  heel wat contacten heeft met Vlamingen maakte het ook gemakkelijker.   Tomislav Sunic was overigens  zeer tevreden over de Nederlandse vertaling.

Kan je in 5 woorden de inhoud van dit boek aan de lezers meegeven (mag natuurlijk iets langer zijn)?

Het boek heeft een overzicht van de verschillende politieke denkers die Nieuw-Rechts beïnvloed hebben.  Het is in feite de doctoraatsverhandeling van Tomislav Sunic, die in boekvorm verschijnt.  Oorspronkelijk uitgegeven in het Engels is het ondertussen vertaald in het Kroatisch, Spaans en Frans.  En nu in het Nederlands.

Waarom zou de lezer van deze elektronische Nieuwsbrief dit boek zéker moeten aanschaffen?

Het boek schetst hoe NR zich niet zo gemakkelijk in de klassieke links/rechtsschaal laat indelen. Het boek schenkt  aandacht aan de  historische cycli (in contrast met vooruitgangsmythe),  de heidense vorm van spiritualiteit, de visie op democratie en kapitalisme. Het is het ideale boek om Nieuw Rechts beter te situeren en te leren kennen.  Het boek sluit af met het manifest van Nieuw Rechts

Welke andere projecten staan er op stapel? Wordt eraan gedacht om een echte NR-reeks op te zetten? Welke boeken en welke auteurs heb je in gedachten?

Het is hopelijk het eerste boek van een reeks.  Er zijn concrete plannen om ook andere boeken in vertaling uit te geven.  Wat zit er momenteel in de pijplijn?  Alain de Benoist met Critiques/Théoriques, Evola… maar ook onbekend Engelstalig werk van Jan De Vries.

Hoe wordt het boek verspreid? De traditionele verspreidingskanalen? Sociale media? Waarom werken jullie niet met voorinschrijvingen?

We verspreiden ons boek zeker via de klassieke kanalen (meetings, Ijzerwake). Anderzijds zullen we ook via mailings het boek proberen aan de man te brengen.  Voorinschrijvingen is iets dat we bij de volgende uitgaven zullen overwegen, maar daar moeten we eerst onze nieuwsbrief voor rondkrijgen.
 
Bedankt voor dit gesprek!
 
Interesse? Het boek kan besteld worden via het volgende e-postadres 
Kostprijs € 18€ (+ 4€ verzendingskosten)

Een ideaal nieuwjaarscadeau.

 

Peter Logghe

samedi, 13 décembre 2014

Lille, 27 juin 2014: Révolution conservatrice

ROBERT STEUCKERS

La révolution conservatrice allemande (extrait)

Lille, 27 juin 2014

(conférence prononcée avec une solide angine de poitrine; amusant de se revoir alors que l'on est là, à l'article de la mort, en présence de la Camarde, envoyée promener au nom de Heidegger, de Mohler, du "kaïros". Eugène Krampon a eu le mot qu'il fallait: "T'as failli faire comme Molière! Mourir sur scène! Quel artiste tu fais!).

 

vendredi, 12 décembre 2014

ESSAIS SUR LA VIOLENCE DE MICHEL MAFFESOLI

Michel-Maffesoli.jpg

ESSAIS SUR LA VIOLENCE DE MICHEL MAFFESOLI
 
Une réédition opportune
 
Gustin Sintaud.
Ex: http://metamag.fr

Une bien heureuse initiative que cette réédition le 2 octobre 2014 des « Essais sur la violence » de Michel Maffesoli. Ni son travail originel, ni sa préface postérieure ne semble, à l’auteur, nécessiter une quelconque actualisation tant la violence, telle qu’il l’expose, la détaille et l’analyse, est invariante. 

Qu’aurait-il pu ajouter ou retrancher ?


Par son originalité, sa remarquable rigueur scientifique, cette étude ne souffre aucune critique ; surtout pas celle des idées primaires sur la violence du genre « café du commerce » ou « fin de repas familial », régurgitations de celles généralement véhiculées péremptoirement par la suffisance des médias ; encore moins celle du conformisme intellectuel soumis à la dictature du moralisme convenu comme convenable, pleine d’un fade « bon garçonnisme », bourrée d’une bien triste irénologie. Cette intelligente approche s’affirme rebelle sans ambages, tant elle répète qu’elle ignore volontairement le politiquement ou philosophiquement correct.


La totale liberté revendiquée permet d’appréhender la violence dans une acceptation particulièrement ouverte. Elle fait découvrir l’ambivalence de ses profonds aspects institutionnels comme sa dimension socialement fondatrice.


maf9782271082565.jpgSans jamais sombrer dans quelque facile solution unique réductrice, Michel Maffesoli expose la violence, tant sous ses expressions de simple opposition, d’affrontement plus ou moins évident, plus ou moins marqué, voire de débridement passionnel ou autre, individuel ou social. Il l’embrasse sous sa forme de dissidence, prise en son acceptation générale, comme sous celle de résistance dans toutes ses manifestations : politique ou tout simplement banale de la vie quotidienne.


La magistrale analyse du phénomène de la violence utilise en prémisses, les travaux de Georg Simmel, Gilbert Durant, Julien Freund ou Max Wéber. Elle n’hésite jamais, parfois même abusivement, à s’étayer en citant ces géniaux précurseurs. Elle se réfère tout aussi complaisamment, ici à Montaigne pour son « hommerie » tant il est « vain et naïf de réduire à l’angéologie » l’humaine nature, là au « neikos » d’Empédocle, nécessaire pendant de la conciliante « philià » ; ou encore sollicite-t-elle Spinoza pour qui la violence est un incontournable structurant collectif. Machiavel, lui aussi est plusieurs fois référencé, tout comme J. Duvignaud qui nomme : « dialectique vivante de l’imaginaire et de l’institué » la duplicité de la dissidence. La notion d’ « hypercivilisation » chère à Durkeim, lui sert aussi pour illustrer la très étroite relation entre productivisme et détestable atomisation.


Tout le long de cette précieuse et productive démarche, se révèle, avec récurrence, la riche bipolarité de la violence. La complémentarité de contraires s’y exprimant, lui reconnaît partout une fonction d’équilibre. La bivalence lui permet de générer une bien réelle harmonie malgré son apparence de paradoxe. Le rôle de la violence dans la réalité de la société ne peut se contester : elle participe à sa fondation, elle l’aide à se bâtir, elle l’anime, lui donne vie et valeur, et s’y impose même en raison sine qua non.


A tant s’intéresser, de cette manière, à la violence, se gomme l’idée réflexe de mal absolu dont tout monde conditionné, aseptisé charge la violence. Aucune manifestation violente, prise parmi les plus outrancières, les plus détestables, ne peut totalement la diaboliser : elle n’est pas le grand Satan. Et même, qu’elle engendre la destruction, elle ne se réduit pas à ce seul effet. Elle semble alors tout autant porteuse d’utilité, tout du moins intégrée « dans un mécanisme productif dont elle est apparemment la négation ». Ainsi son aspect généralement angoissant se dissout puisque, sans cette destruction, point de reproduction sociale, tout comme en biologie. La violence fonde bien, sur cette ambigüité, son utilité d’agent d’équilibre structural, mais aussi sa destructivité. Toujours oppositions et antagonismes concourent à l’équilibre global.


Si à la forme violence, est intégrée la fête, dans son rituel de régénération sociale et individuelle se fait grand usage du langage non contenu ; alors la parole peut s’avérer dangereuse pour l’institué, plus d’ailleurs par l’échange qu’elle implique que dans son contenu : voilà la parole violence, révolte ; car la parole, souvent anodine, est difficilement contrôlable. Elle est néanmoins un élément important de la socialité même si le vrai rôle de la parole est subversif. La violence s’insère partout, même et surtout, à priori, elle semble étrangère, en totale incongruité. Ne peut-on la dénicher même dans rire ou sourire, dans la dérision, pleine d’humour, comme une forme de subversion en contestation travestie ? Certes, le rire parce que irrépressible est subversif ; il marque réaction et résistance ; le voilà contagieux, agrégatif.


Le rôle corrosif du rire, comme pour la parole, lui octroie d’être un important élément dans la dynamique de la violence. Tout cela s’exprime dans l’orgiasme de la tradition dionysiaque : le cocktail de parole libérée, de consumation outrancière, avec une forte dose de rire gras, explosif, résume techniquement les phénomènes d’effervescence sociale ; il canalise, exprime et limite le sacré, la part d’ombre qui pétrit tant l’individu que le social. « L’orgie joue donc de manière paroxystique le rapport à la dépense, à la déperdition, à la dissolution. ». Elle lie mort et vie dans une relation organique, vécue rituellement, parfois cruellement ou bien alors sereinement. L’orgiasme exige d’accepter le vertige et l’angoisse de la mort ou de l’altérité. Cela entraîne, par l’intégration à une globalité organique, à participer de l’éternité du monde.


Par cette pointilleuse investigation de la violence, traquée jusqu’en ses germes les plus diffus, insolites, improbables, Michel Maffesoli s’insurge que ne se retiennent trop souvent que ses aspects inquiétants, négatifs : alors, il s’efforce véhémentement de les compenser en détaillant tout ce que telles évidences occultent de positif, paradoxalement constructif et réformateur socialement. Il s’acharne à affirmer l’intérêt induit de chaque avènement du moindre soupçon d’expression violente. Celui-ci génère quasi systématiquement de notables transformations profitables, comme améliorations de comportements individuels, ou ajustements judicieux des structures sociales.


Au-delà de cette longue démarche captivante, profondément optimiste, par-delà l’intérêt stimulant de trouvailles clairement expliquées, se construit patiemment une grande leçon de sagesse intransigeante : elle ne se prive pas de fustiger, plus ou moins directement, toutes les indignités des pseudo-maîtres à penser, toutes les veuleries des suiveurs ou « metuentes », toutes les infamies des débats sémantiques, philosophiques, sociologiques, … toutes les vérités prétendues véhiculées par les traditions…


A l’unicité, l’uniformité, en général, il semble avoir un faible pour le polymorphisme et même le « polythéisme » qui disent l’aspect pluriel des choses, des êtres et des étants sociaux. Son goût pour la globalité, quand elle se conforte d’une complémentarité de contraires ajustés, ne doit pas faire oublier qu’en violence, l’auteur entend, sans le dire ouvertement : volonté de puissance.


« Essais sur la violence » de Michel Maffesoli (CNRS Editions, collection Biblis n°93) , 9.50€

jeudi, 11 décembre 2014

Schaf de begrippen links en rechts af!

Schaf de begrippen links en rechts af!

Over zelfverklaard links en weggemoffeld rechts

door Dirk Rochtus

Ex: http://www.doorbraak.be

Deugen de begrippen 'links' en 'rechts' nog als politiek kompas? Een gesprek met een Duitse vriend ontlokt me de volgende mijmering over de oude tegenstelling – een vermeende? – tussen links en rechts.

Mijn goede vriend is een overtuigde sociaaldemocraat en noemt zichzelf steevast links. De tegenpool van links is volgens hem niet 'rechts', maar conservatief of 'burgerlijk'. 'Rechts' reserveert hij voor wat in feite extreemrechts voorstelt. De Duitse linkerzijde heeft er een handje van weg om rechts en extreemrechts met elkaar te vereenzelvigen. Wanneer neonazi's een aanslag pleegden, werden bijvoorbeeld vanuit progressieve hoek vaak concerten georganiseerd onder de noemer 'Rock gegen Rechts" (Rockmuziek tegen rechts). In Duitsland zul je iemand van het christendemocratische of liberale kamp zichzelf nooit rechts horen noemen, wel 'Mitte' (centrum) of 'bürgerlich' (De tegenhanger van dit laatste begrip zou consequent gezien eigenlijk 'proletarisch' moeten zijn in plaats van 'links'). Zich als progressief beschouwende mensen zullen nooit aarzelen om zichzelf 'links' te noemen, de 'anderen' zullen de begrippen 'links' en 'rechts' eerder relativeren. Het begrip 'rechts' is intussen zo'n vies woord geworden dat van de weinigen die zich nog rechts durven te noemen ('complexloos rechts') een groot aantal in de extreemrechtse hoek terug te vinden is. Zo wordt de gelijkschakeling van rechts en extreemrechts een self-fulfilling prophecy.

Vleugels

Over de vraag hoe links en rechts te definiëren kan eindeloos gediscuteerd worden. Enkele trefwoorden kunnen de tegenstelling misschien ietwat concreter maken: gelijkheid versus vrijheid, belastingen versus besparingen, kosmopolitisme versus (volks)nationalisme, vrijzinnigheid versus geloof. Mensen kunnen op basis van het levensbeschouwelijke als links, maar op basis van het economische als rechts gecatalogiseerd worden of omgekeerd. Zo heb je volksnationalisten die heel sociaal denken én handelen, bijvoorbeeld vanuit hun beroep of hun werken in het middenveld. Zulke mensen als 'rechts' stigmatiseren vanuit een 'links' oogpunt doet afbreuk aan hun sociale inborst en hun sociaal engagement. Links en rechts vormen – zolang deze begrippen nog gelden – de twee vleugels van de democratie. Het stigmatiseren of doen wegvallen van een van beide zou de democratie amputeren en ofwel tot geestelijke stilstand ofwel tot de hegemoniale positie van links of van rechts leiden. Deze vaststelling zou een objectieve kijk op de tegenstelling links-rechts met zich mee moeten brengen. Niettemin wordt deze tegenstelling al te vaak als moreel opgevat. Links claimt morele superioriteit, het taalgebruik zet zich daar naar: links geldt dusdoende als 'vooruitstrevend', en rechts als 'bekrompen'.

Merites

Het kost ook niets om jezelf 'links' te noemen en zo aan de goede kant te staan, wat heerlijk voor het geweten is. Maar eigenlijk zou iemand die zich 'links' noemt op zijn minst basisnoties van het marxisme moeten hebben of zelfs marxistische klassiekers moeten hebben gelezen, kwestie van intellectuele eerlijkheid. Beter dan te zwaaien met de termen links en rechts zou een politiek geëngageerde zich moeten bekennen tot een bepaalde ideologie en zichzelf bijvoorbeeld sociaaldemocraat, groen, christendemocraat, liberaal of volksnationalist noemen. Dat staat voor ideologische duidelijkheid en zorgt ervoor dat een overtuiging enkel en alleen op basis van haar maatschappelijke merites wordt beoordeeld in plaats van met morele maatstaven..

mercredi, 10 décembre 2014

Critique de la Révolution par Hegel : Périclès contre l’égalitarisme

Critique de la Révolution par Hegel : Périclès contre l’égalitarisme

Ex: http://anti-mythes.blogspot.com

 
Pericles_Pio-Clementino_Inv269_n2.jpgAlors que la Révolution française insuffle à l’Europe une énergie philosophique nouvelle, affirmant ressusciter l’esprit de la démocratie grecque, un soupçon germe déjà dans l’esprit de Hegel : cette filiation avec l’Antiquité ne repose-t-elle pas sur un malentendu ? Par la figure de Périclès, le philosophe révèle l’erreur d’interprétation commise par ceux qui se réclament de la démocratie athénienne. Présentée comme une révolution chargée de promesses égalitaires que Périclès se serait empressé de trahir, ne fut-elle pas plutôt la célébration de la liberté et de la vertu individuelles, dont Périclès s’avéra le plus admirable serviteur ?
 
Périclès a fait l’objet d’une disgrâce constante dans l’histoire de la philosophie, dont les traces subsistent encore fortement, même à la fin du XVIIIème siècle. Lui préférant Sparte, les révolutionnaires français n’ont que modérément recours au modèle d’Athènes, et voient dans le destin tragique de cette cité le paradigme à ne pas suivre en ces heures de refondation politique intégrale – or, Périclès incarne en tout point cette corruption de l’idéal démocratique qu’ils entendent ne pas reproduire. En Allemagne, à la même époque, les détracteurs de l’entreprise révolutionnaire française puisent dans l’œuvre de Platon d’innombrables présages du destin qui attend, selon eux, le peuple français. Le philosophe grec, constatant l’échec absolu de la démocratie, et formulant une critique acerbe du régime qui avait, selon lui, corrompu la grandeur athénienne, assimilait entièrement sa décadence à la personnalité de Périclès. Ainsi, le nom de l’homme d’État est à la fois utilisé par ses opposants pour discréditer la Révolution, et mettre en garde contre le chaos dont ils la croient porteuse, et rejeté par ses défenseurs, qui se passeraient volontiers de l’encombrant exemple d’un homme en qui l’historiographie persiste à ne voir qu’un monarque déguisé, populiste et manipulateur de foules.
 
Hegel, fasciné par les bouleversements politiques qui ont lieu en France, expose dans ses Leçons sur la Philosophie de l’Histoire les raisons qui le poussent à rejeter en bloc l’analyse de Platon. Découlant d’une idée univoque selon laquelle la démocratie fut néfaste à Athènes, le philosophe grec formule un jugement partial et intéressé, puisqu’il s’agit avant tout de discréditer un régime après son effondrement, en s’appuyant allègrement sur l’impopularité de Périclès dans la mémoire de ses contemporains. Platon reproche notamment à l’homme d’État athénien d’avoir préféré la prospérité économique de la Cité, pour s’assurer le soutien des foules ainsi comblées, à la véritable poursuite de l’idéal de justice. Périclès serait également le corrupteur moral de la vie politique athénienne, ayant introduit un système de rétribution de l’exercice des charges publiques, explicitement accusé par Platon, dans le Gorgias, d’avoir précipité la décadence d’un régime déjà vicié. « Périclès a rendu les Athéniens paresseux, lâches, babillards et intéressés, ayant le premier soudoyé les troupes. » Il semble pourtant que ce système ait, bien au contraire, permis à un nombre sans cesse croissant de citoyens athéniens de prendre part à l’administration de la Cité. Hegel ne s’y trompe pas, et il annonce ne vouloir juger Périclès qu’à l’aune des récits produits par les historiens, c’est-à-dire en s’appuyant sur des textes certes pas neutres quant à leur substance, puisque trahissant inconsciemment leur époque, mais du moins plus impartiaux dans leurs intentions que ceux de Platon.
 
Le chef plutôt que la foule, le mérite plutôt que l’égalité
 
C’est naturellement chez Thucydide que Hegel trouve la source documentaire la plus utile à son entreprise, mais également chez Plutarque, bien qu’il ne souscrive pas aux critiques sévères que ce dernier adresse aux décisions politiques prises par Périclès. Recoupant les descriptions concordantes, Hegel brosse le portrait d’un homme dont la qualité première fut la modération. Jamais en proie aux excès de la colère ou de la peur, Périclès était avant tout un homme tempéré, qui n’agissait qu’avec précaution et mesure, en accord avec les vertus de son temps. Intègre, il est peu probable qu’il eût jamais cédé à quelque tentative de corruption que ce fût, étant doté d’une force de caractère implacable, qui le poussait à obéir aux principes qu’il s’était lui-même fixé. De Thucydide, Hegel retient surtout l’éloge de la culture de Périclès, « homme riche en esprit », signe d’une formation irréprochable. Or, pour le philosophe allemand, c’est justement la formation qui permet à l’individu d’entrer en contact avec l’universel tout en développant sa personnalité. « La personnalité ne doit pas être confondue avec la particularité, car la première sera d’autant plus grande qu’elle sera dégagée de la seconde et qu’elle aura davantage saisi, exprimé et réalisé là, la véritable essence de son époque ».
 
Périclès apparaît ainsi comme l’homme portant à leur plus parfaite harmonie les vertus individuelles permettant la bonne conduite de la vie collective de la Cité qu’il dirige seul. Là où les historiens n’avaient vu qu’une preuve supplémentaire du dévoiement de la démocratie au profit du pouvoir d’un seul homme, Hegel voit finalement dans le pouvoir de Périclès la résolution de l’inextricable tension qui parcourt la démocratie : tiraillée entre la liberté individuelle et la subjectivité, entre l’obéissance et la volonté, elle ne peut être que de courte durée sous sa forme institutionnelle. Il lui faut donc un homme d’État fort et vertueux, qui se distingue par ses qualités morales et intellectuelles, et qui s’impose aux foules par une maîtrise absolue du langage, ainsi que par une détermination sans faille. A l’opposé de la méfiance platonicienne à l’égard des sophistes et des démagogues, Hegel célèbre donc la fascination de la foule pour l’éminence d’un individu demeurant cependant entièrement soumis à elle, ne pouvant agir contre son gré ni la contrarier, sous peine de perdre immédiatement son affection et son appui.
 
C’est dans ce rapport quasi organique entre l’homme d’État et le tribunal perpétuel devant lequel il s’exprime que réside, selon Hegel, l’assurance la plus fiable d’une Cité administrée selon la volonté du peuple, sans corruption ni déformation. Le seul critère permettant de déterminer l’aptitude d’un homme à se distinguer et à diriger la Cité repose donc sur l’examen de ses qualités propres, loin des fantasmes abstraits d’une égalité supposée absolue entre tous les tempéraments, tous les caractères et toutes les individualités. Nourrissant ici une divergence très marquée avec la philosophie kantienne et la neutralité morale des talents qu’elle avait posée comme principe fondateur de l’égalité des individus, Hegel n’en vient pas pour autant à réhabiliter la conception aristocratique de la Cité chère aux platoniciens. Bien au contraire, il vante les mérites du procédé par lequel l’homme vertueux parvient à s’imposer comme tel auprès de ses pairs, à se faire reconnaître par eux et à les guider : le mérite.
 
Éloge de la liberté individuelle et critique de la liberté formelle
 
Il serait absurde de déceler dans la perspective hégélienne une quelconque tentative de justification des despotismes éclairés tels qu’ils se développèrent au cours du XVIIIème siècle, puisqu’elle célèbre avant tout l’individu libre que fut Périclès, et dénonce les « abstractions » dont se nourrissent les révolutionnaires français. Il convient de noter que, par ce terme péjoratif, Hegel ne critique pas leur tentative de fonder une anthropologie ex nihilo, grâce à une raison autosuffisante dont découleraient, purs et évidents, les principes éthiques régissant la cité – c’est là le reproche principal des contre-révolutionnaires français. Il s’en prend davantage aux libertés attribuées à l’homme, et dont il reproche, avec une justesse relativement visionnaire, le formalisme auquel elles sont condamnées. Car c’est bien là que se situe, selon lui, toute l’ambiguïté de la Révolution : ses grands principes, aussi nobles soient-ils, sont désincarnés, et ne porteront fatalement aucun fruit, lorsqu’ils ne s’avéreront tout simplement pas délétères.
 
Pour le comprendre, il suffit de se rappeler qu’à l’opposé d’Athènes et de Périclès se trouve le modèle lacédémonien, Sparte, Cité idéalisée dans l’imaginaire des révolutionnaires de 1789. Face aux richesses bourgeoises d’Athènes, à son exaltation de la beauté, des arts et du superflu, ainsi qu’à son attachement profond à l’individu, la frugalité spartiate, austère et rigoureuse, séduit bien davantage les figures les plus radicales comme Robespierre. Rien d’étonnant à cela, selon Hegel, qui voit dans ces deux périodes historiques la manifestation de la même tendance égalitaire destructrice. Entre l’égalité forcée des fortunes et des propriétés privées à Sparte et la dérive sanglante de la Terreur, le philosophe ne concède aucune différence : c’est la même « vertu rigide et abstraite » à l’œuvre, qui fait du Comité de Salut Public le nouveau directoire des Éphores, c’est à dire une aristocratie portée par des principes qui, sous couvert d’égalité, attire le peuple vers la médiocrité et noie l’individu dans la masse. Sans liberté individuelle, pas de développement de la subjectivité. Sans la prospérité économique, pas d’accès à ces luxes que représentent les arts, la science ou la pensée universelle. Hegel condamne les Spartiates comme les Jacobins en les accusant de travestir l’enchaînement de l’individu libre en une apparente promesse d’égalité vide de tout sens et intenable, comme le démontreront les événements à venir.
 
Si Périclès trouve grâce aux yeux de Hegel, ce dernier n’appelle en aucun cas à reproduire la tentative athénienne. L’analyse historique ne peut fournir autre chose qu’une éventuelle inspiration, mais ne constitue pas un idéal vers lequel il conviendrait de tendre. De même, s’il identifie les révolutionnaires français aux Spartiates, ce n’est que pour souligner l’essence abstraite et perverse des principes qui les guident, et non pour prophétiser le déclin de l’idée démocratique en France. C’est finalement à cette dernière que sont adressées les principales critiques que formule Hegel dans ses Leçons, ou, plus précisément, à l’ambiguïté de son nom, dont profitent les révolutionnaires pour se dispenser d’avoir à mettre en place l’égalité et la liberté effectives. Il ne s’agit pas de gouverner pour le peuple, ni même de permettre au peuple de gouverner directement – ce sont là des questions d’agencement presque secondaires, et qui, ironiquement, constituent l’horizon absolu de toute la philosophie politique contemporaine. Le projet dont il est question, bien plus vaste et ambitieux, concerne la marche de l’Histoire du monde : il s’agit de permettre à la raison de se réaliser. Et c’est précisément pour éviter que la démocratie, fût-elle bien réelle et permît-elle aux citoyens libres et égaux de déterminer leur avenir, ne se fasse plus nuisible encore en remettant le pouvoir à une masse d’individus ayant troqué leurs singularités et leur liberté contre l’égalitarisme médiocrement uniforme, que Hegel oppose aux révolutionnaires de 1789 la figure vertueuse et libre de Périclès, et avec elle le modèle athénien contre l’ombre égalitaire qui est en train de se lever sur l’Europe.
 

samedi, 06 décembre 2014

The Straussian Assault on America’s European Heritage

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The Straussian Assault on America’s European Heritage

By Ricardo Duchesne

Ex: http://www.counter-current.com

Grant Havers
Leo Strauss and Anglo-American Democracy: A Conservative Critique [2]
Northern Illinois University Press, 2013

Havers-200x300.jpgAmain pillar sustaining the practice of mass immigration is that Western nations are inherently characterized by a “civic” form of national membership. Western nations express the “natural” wishes of “man as man” for equal rights, rule of law, freedom of expression, and private property. Mainstream leftists and conservatives alike insist on the historical genuineness of this civic definition. This civic identity, they tell us, is what identifies the nations of Western civilization as unique and universal all at once. Unique because they are the only nations in which the idea of citizenship has been radically separated from any ethnic and religious background; and universal because these civic values are self-evident truths all humans want whenever they are given the opportunity to choose.

To include the criteria of ethnicity or religious ancestry in the concept of Western citizenship is manifestly illiberal. Even more, it is now taken for granted that if Western nations are to live up to their idea of civic citizenship they must relinquish any sense of European peoplehood and Christian ancestry. Welcoming immigrants from multiples ethnic and religious backgrounds is currently seen as a truer expression of the inherent character of Western nationality than remaining attached to any notion of European ethnicity and Christian historicity.

The reality that the liberal constitutions of Western nations were conceived and understood in ethnic and Christian terms (if only implicitly since the builders and founders of European nations never envisioned an age of mass migrations) has been conveniently overlooked by our mainstream elites. These elites are willfully downplaying the fact that the liberal nation states of Europe emerged within ethnolinguistic boundaries and majority identities. Those states possessing a high degree of ethnic homogeneity, where ancestors had lived for generations—England, France, Italy, Belgium, Holland, Sweden, Norway, Finland, and Denmark—were the ones with the strongest liberal traits, constitutions, and institutions. Those states (or empires like the Austro-Hungarian Empire) composed of multiple ethnic groups were the ones enraptured by illiberal forms of ethnic nationalism and intense rivalries over identities and political boundaries. In other words, the historical record shows that a high degree of ethnic homogeneity tends to produce liberal values, whereas countries or areas with a high number of diverse ethnic groups have tended to generate ethnic tensions, conflict, and illiberal institutions. As Jerry Muller has argued in “Us and Them” (Foreign Affairs: March/April 2008), “Liberal democracy and ethnic homogeneity are not only compatible; they can be complementary.”

Mainstream leftists and conservatives have differed in the way they have gone about redefining the historical roots of Western nationalism and abolishing the ethnic identities of Western nations. Eric Hobsbawm, the highly regarded apologist of the Great Terror [3] in the Soviet Union, persuaded most of the academic world, in his book, Nations and Nationalism since 1780: Programme, Myth, Reality [4] (1989), that the nation states of Europe were not created by a people sharing a common historical memory, a sense of territorial belonging and habitation, similar dialects, and physical appearances; no, the nation-states of Europe were “socially constructed” entities, “invented traditions,” “imagined” by people perceiving themselves as part of a “mythological” group in an unknown past. Hobsbawm deliberately sought to discredit any sense of ethnic identity among Europeans by depicting their nation building practices as modern fairy-tales administered by capitalists and bureaucrats from above on a miscellaneous pre-modern population.

Leftists however have not been the only ones pushing for a purely civic interpretation of Western nationhood; mainstream conservatives, too, have been trying to root out Christianity and ethnicity from the historical experiences and founding principles of European nations. Their discursive strategy has not been one of dishonoring the past but of projecting backwards into European history a universal notion of Western citizenship that includes the human race. The most prominent school in the formulation of this view has come out of the writings of Leo Strauss. This is the way I read Grant Havers’s Leo Strauss and Anglo-American Democracy: A Conservative Critique (2013). In this heavily researched and always clear book, Havers goes about arguing in a calm but very effective way that Strauss was not the traditional conservative leftists have made him out to be; he was a firm believer in the principles of liberal equality and a unswerving opponent of any form of Western citizenship anchored in Christianity and ethnic identity.

9782253111177-T.jpgStrauss’s vehement opposition to communism coupled with his enthusiastic defense of American democracy, as it stood in the 1950s, created the erroneous impression that he was a “right wing conservative.” But, as Havers explains, Strauss was no less critical of “right wing extremists” (who valued forms of citizenship tied to the nationalist customs and historical memories of a particular people) than of the New Left. Strauss believed that America was a universal nation in being founded on principles that reflected the “natural” disposition of all humans for life, liberty, and happiness. These principles were discovered first by the ancient Greeks in a philosophical and rational manner, but they were not particular to the Greeks; rather, they were “eternal truths” apprehended by Greek philosophers in their writings against tyrannical regimes. While these principles were accessible to all humans as humans, only a few great philosophers and statesmen exhibited the intellectual and personal fortitude to fully grasp and actualize these principles. Nevertheless, most humans possessed enough mental equipment as reasoning beings to recognize these principles as “rights” intrinsic to their nature, so long as they were given the chance to deliberate on “the good” life.

Havers’s “conservative critique” of Strauss consists essentially in emphasizing the uniquely Western and Christian origins of the foundational principles of Anglo-American democracy. While Havers’s traditional conservatism includes admiration for such classical liberal principles as the rule of law, constitutional government, and separation of church and state, his argument is that these liberal principles are rooted primarily in Christianity, particularly its ideal of charity. He takes for granted the reader’s familiarity with this ideal, which is unfortunate, since it is not well understood, but is generally taken to mean that Christianity encourages charitable activities, relief of poverty, and advancement of education. Havers has something more profound in mind. Christian charity from a political perspective is a state of being wherein one seeks a sympathetic understanding of ideas and beliefs that are different to one’s own. Charitable Christians seek to understand other viewpoints and are willing to engage alternative ideas and political proposals rather than oppose them without open dialogue. Havers argues that the principles of natural rights embodied in America’s founding cannot be separated from this charitable disposition; not only were the founders of America, the men who wrote the Federalist Papers, quite definite in voicing the view that they were acting as Christian believers in formulating America’s founding, they were also very critical of Greek slavery, militarism, and aristocratic license against the will of the people.

Throughout the book Havers debates the rather ahistorical way Strauss and his followers have gone about “downplaying or ignoring the role of Christianity in shaping the Anglo-American tradition” – when the historical record copiously shows that Christianity played a central role nurturing the ideals of individualism and tolerance, abolition of slavery and respect for the dignity of all humans. Havers debates and refutes the similarly perplexing ways in which Straussians have gone about highlighting the role of Greek philosophy in shaping the Anglo-American tradition – when the historical record amply shows that Greek philosophers were opponents of the natural equality of humans, defenders of slavery, proponents of a tragic view of history, the inevitability of war, and the rule of the mighty.

9782743612375.jpgHavers also challenges the Straussian elevation of such figures as Lincoln, Churchill, Roosevelt, Hobbes, and Locke as proponents of an Anglo-American tradition founded on “timeless” Greek ideas. He shows that Christianity was the prevailing influence in the intellectual development and actions of all these men. Havers imparts on the readers a sense of disbelief as to how the Straussians ever managed to exert so much influence on American conservatism (to the point of transforming its original emphasis on traditions and communities into a call for the spread of universal values across the world), despite proposing views that were so blissfully indifferent to “readily available facts.”

Basically, the Straussians were not worried about historical veracity as much as they were determined to argue that Western civilization (which they identified with the Anglo-American tradition) was philosophically conceived from its beginnings as a universal civilization. In this effort, Strauss and his followers genuinely believed that American liberalism had fallen prey to the “yoke” of German historicism and relativism, infusing the American principles of natural rights with the notion that these were merely valid for a particular people rather than based on Human Reason. German historicism – the idea that each culture exhibits a particular world view and that there is no such thing as a rational faculty standing above history – led to the belittlement of the principles of natural rights by limiting them a particular time and place. Worse than this — and the modern philosophers, Hobbes and Locke, were to be blamed as well — the principles of natural rights came to be separated from the ancient Greek idea that we can rank ways of life according to their degree of excellence and elevation of the human soul. The modern philosophy of natural right merely afforded individuals the right to choose their own lifestyle without any guidance as to what is “the good life.”

Strauss believed that this relativist liberalism would not be able to withstand challenges from other philosophical outlooks and illiberal ways of life, from Communism and Fascism, for example, unless it was rationally grounded on eternal principles. He thought the ancient Greeks had understood better than anyone else that some truths are deeply grounded in the actual nature of men, not relative to a particular time and culture, but essential to what is best for “man as man.” These truths were summoned up in the modern philosophy of natural rights, though in a flawed manner. The moderns tended to appeal to the lower instincts of humans, to a society that would merely ensure security and the pursuit of pleasure, in defending their ideals of liberty and happiness. But with a proper reading of the ancient texts, and a curriculum based on the “Great Books,” the soul of contemporaneous students could be elevated above a life of trivial pursuits.

This emphasis on absolute, universal, and “natural” standards attracted a number of prominent Christians to Strauss. The Canadian George Grant (1918-1988), for one, was drawn to the potential uses Strauss’s emphasis on eternal values might have to fight off the erosion of Christian conviction in the ever more secular, liberal, and consumerist Canada of his day. Grant, Havers explains, did not quite realize that Strauss was neither a conservative nor a Christian but a staunch proponent of a philosophically based liberalism bereft of any Christian identity. Grant relished the British and Protestant roots of the Anglo-American tradition, though there were certain affinities between him and Strauss; Grant was a firm believer in the superiority of Anglo-Saxon civilization and its rightful responsibility in bringing humanity to a higher cultural level. The difference is that Grant affirmed the religious and ethnic particularities of Anglo-Saxon civilization, whereas Strauss, though a Zionist who believed in a Jewish nation state, sought to portray Anglo-American civilization in a philosophical language cleansed of any Christian particularities and European ethnicity.

Strauss wanted a revised interpretation of Anglo-American citizenship standing above tribal identities and historical particularities. Strauss’s objective was to provide Anglo-American government with a political philosophy that would stand as a bulwark against “intolerable” challenges from the left and the right, which endangered liberalism itself. The West had to affirm the universal truthfulness of its way of life and be guarded against the tolerance of forms of expression that threaten this way of life. Havers observes that Strauss was particularly worried about the inability of liberal regimes, as was the case with the Weimar republic, to face up to illiberal challenges. He wanted a liberal order that would ensure the survival of the Jews, and the best assurance for this was a liberal order that spoke in a neutral and purely philosophical idiom without giving any preference to any religious faith and any historical and ethnic ancestries. He wanted a liberalism that would work to undermine any ancestral or traditionally conservative norms that gave preference to a particular people in the heritage of America’s founding, and thereby may discriminate against Jews. Only in a strictly universal civilization would the Jews feel safe while retaining their identity.

Havers brings up another old conservative, Willmore Kendall (1909-68), who was drawn to Straussian thought even though substantial aspects of his thought were incompatible with Strauss’s. Among these differences was the “majoritarian populism” of Kendall versus the aristocratic elitism of Strauss. The aristocrats Strauss had in mind were philosophers and statesmen who understood the eternal values of the West whereas the majoritarian people Kendall had in mind were Americans who were conservative by tradition and deeply attached to their ancestral roots in America, rather than believers in universal rights concocted by philosophers. While Kendall was drawn to Strauss’s scepticism over unlimited speech, what he feared was not the ways in which particular ethnic/religious groups might use free speech to protect their ancestral rights and thereby violate – from Strauss’s perspective – the universality of liberalism, but “the opposite of what Strauss fear[ed]”: that an open society unmindful of its actual historical roots, allowing unlimited questioning of its ancestral identities, against the natural wishes of the majority for their roots and traditions, would eventually destroy the Anglo-American tradition.

Havers brings up as well Kendall’s call for a restricted immigration policy consistent with majoritarian wishes. While Havers is primarily concerned with the Christian roots of Anglo-American democracy, he identifies this view by Kendall with conservatism proper. The Straussian view that America is an exceptional nation by virtue of being founded on the basis of philosophical propositions, which somehow have elevated this nation to be a model to the world, is, in Havers view, closer to the leftist dismissal of religious identities and traditions than it is to any true conservatism. Conservatives, or Paleo-Conservatives, believe that human identities are not mere private choices arbitrarily decided by abstract individuals in complete disregard of history and the natural dispositions of humans for social groupings with similar ethnic and religious identities.

These differences between the Straussians and old conservatives are all the more peculiar since, as Havers notes, Strauss was very mindful of the particular identities of Jewish people, criticizing those who called for a liberalized form of Jewish identity based on values alone. Jews, Strauss insisted, must maintain fidelity to their own nationality rather than to a “liberal theology,” otherwise they would end up destroying their particular historical identity.

Leo-Strauss-De-la-tyrannie.jpgNow, Straussians could well respond that the Anglo-American identity is different, consciously dedicated to universal values, but, as Havers carefully shows, this emphasis on the philosophy of natural rights cannot be properly understood outside the religious ancestry of the founders, and (although Havers is less emphatic about this) outside the customs, institutions and ethnicity of the founders. As the Australian Frank Salter has written:

The United States began as an implicit ethnic state, whose Protestant European identity was taken for granted. As a result, the founding fathers made few remarks about ethnicity, but John Jay famously stated in 1787 that America was ‘one united people, a people descended from the same ancestors,’ a prominent statement in one of the republic’s founding philosophical documents that attracted no disagreement (230) [5].

This idea that Western nations are all propositional nations is not restricted to the United States, but has been applied to the settler nations of Canada and Australia, and the entire continent of Europe, under the supposition that, with the Enlightenment, the nations of Europe came to be redefined by such “universal” values as individual rights, separation of church and state, democracy. As a result, mainstream liberals and conservatives today regularly insist that Europe is inherently a “community of values,” not of ethnicity or religion, but of values that belong to humanity. Accordingly, the reasoning goes, if Europe is to be committed to these values it must embrace immigration as part of its identity. Multiculturalism is simply a means of facilitating the participation of immigrants into this universal culture, making them feel accepted by recognizing their particular traditions, while they are gradually nudge to think in a universal way. But, as Salter points out,

This is hardly a complete reading of Enlightenment ideas, which include the birth of modern nationalism, the democratic privileging of majority ethnicity, and the linking of minority emancipation to assimilation. The Enlightenment also celebrates empirical science including biology, which culminated in man’s fuller understanding of himself as part of nature (213).

Liberals in the 19th century were fervent supporters of nationalism and the essential importance of being part of a community with shared traditions and common ancestry. Eric Hobsbawm’s claim that Europeans nations were “ideological constructs” created without a substantial grounding in immemorial lands, folkways, and ethnos, should be contrasted to the ideas of such liberal nationalists as Camillo di Cavour (1810–1861), Max Weber [6] (1864–1920), and even John Stuart Mill (1806–1873). While these liberals emphasized a form of nationalism compatible with classical liberal values, they were firm supporters of national identities at a time when a “non-xenophobic nationalism” was meant to acknowledge the presence of what were essentially European ethnic minorities within European nations. None of these liberals ever envisioned the nations of Europe as mere places identified by liberal values belonging to everyone else and obligated to become “welcome” mats for the peoples of the world.

Moreover, Enlightenment thinkers were the progenitors of a science of ethnic differences [7], which has since been producing ever more empirical knowledge, and has today convincingly shown that ethnicity is not merely a social construct but also a biological substrate. As Edward O. Wilson, Pierre van den Berghe, and Salter have written, shared ethnicity is an expression of extended kinship at the genetic level; members of an ethnic group are biologically related in the same way that members of a family are related even though the genetic connection is not as strongly marked. Numerous papers – which I will reference below with links — are now coming out supporting the view that humans are ethnocentric and that such altruistic dispositions as sharing, loyalty, caring, and even motherly love, are exhibited primarily and intensively within in-groups rather than toward a universal “we” in disregard for one’s community. Strauss’s concern for the identity of Jews is consistent with this science.

The Straussian language about “natural rights” belonging to “man as man” is mostly gibberish devoid of any historical veracity and scientific support. Hegel long refuted the argument that humans were born with natural rights which they never enjoyed until a few philosophers discovered them and then went on to create ex nihilo Western civilization. Man “in his immediate and natural way of existence” was never the possessor of natural rights. The natural rights the founders spoke about, which were also in varying ways announced in the creation of the nations of Canada and Australia, and prescribed in the modern constitutions of European nations, were acquired and won only through a long historical movement, the origins of which may be traced back to ancient Greece, but which also included, as Havers insists, the history of Christianity and, I would add, the legal history of Rome, the Catholic Middle Ages [8], the Renaissance, Protestant Reformation, the Enlightenment, and the Bourgeois Revolutions.

The Straussians believe that the way to overcome the tendency of liberal societies to relativism or the celebration of pluralistic conceptions of life without any sense of ranking the lifestyle of citizens is to impart reverence and patriotic attachment for the Anglo-American tradition by emphasizing not the heterogeneous identity of this tradition but its foundation in the ancient philosophical commitment to “the good” and the “perfection of humanity.” But this effort to instill national commitment by teaching citizens about the classics of ancient Greece and the great statesmen of liberal freedom is doomed to failure and has been a failure. The problem of nihilism is nonexistent in societies with a strong sense of reverence for traditional practices, authoritative patriarchal figures, and a sense of peoplehood and homeland. The way out of the crisis of Western nihilism is to re-nationalize liberalism, throw away the cultural Marxist notion that freedom means liberation from all identities not chosen by the individual, and accentuate the historical and natural-ethnic basis of European identity.

Recent scientific papers on ethnocentrism and human nature:

Oxytocin promotes human ethnocentrism [9]

Perhaps goodwill is unlimited but oxytocin-induced goodwill is not [10]

Oxytocin Increases Generosity in Humans [11]

Oxytocin promotes group-serving dishonesty [12]

We Take Care of Our Own [13]

Source: http://www.eurocanadian.ca/2014/06/the-straussian-assault-on-americas.html [14]

 

 


 

Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

 

URL to article: http://www.counter-currents.com/2014/12/the-straussian-assault-on-americas-european-heritage/

 

URLs in this post:

[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2014/12/Havers.jpg

[2] Leo Strauss and Anglo-American Democracy: A Conservative Critique: http://www.amazon.com/gp/product/0875804780/ref=as_li_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=0875804780&linkCode=as2&tag=countecurrenp-20&linkId=ZWUAQYNFHAR6IFWN

[3] apologist of the Great Terror: http://blogs.spectator.co.uk/coffeehouse/2013/03/eric-hobsbawm-keeping-the-red-faith/

[4] Nations and Nationalism since 1780: Programme, Myth, Reality: http://www.amazon.com/gp/product/1107604621/ref=as_li_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=1107604621&linkCode=as2&tag=countecurrenp-20&linkId=SGA5FVCJO5LHXAKN

[5] (230): http://www.amazon.com/On-Genetic-Interests-Ethnicity-Migration/dp/1412805961

[6] Max Weber: http://www.jstor.org/discover/10.2307/3654673?uid=3739448&uid=2&uid=3737720&uid=4&sid=21104391042883

[7] science of ethnic differences: http://www.amazon.com/Cambridge-History-Eighteenth-Century-Philosophy-Haakonssen/dp/0521418542

[8] Catholic Middle Ages: http://www.amazon.com/Catholic-Church-Built-Western-Civilization/dp/1596983280

[9] Oxytocin promotes human ethnocentrism: http://www.pnas.org/content/108/4/1262.abstract?ijkey=b9ad2efdf008b041812724e617989f6f23ccae23&keytype2=tf_ipsecsha

[10] Perhaps goodwill is unlimited but oxytocin-induced goodwill is not: http://www.pnas.org/content/108/13/E46.full

[11] Oxytocin Increases Generosity in Humans: http://www.plosone.org/article/info:doi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0001128

[12] Oxytocin promotes group-serving dishonesty: http://www.pnas.org/content/111/15/5503.abstract

[13] We Take Care of Our Own: http://pss.sagepub.com/content/early/2014/05/06/0956797614531439.abstract

[14] http://www.eurocanadian.ca/2014/06/the-straussian-assault-on-americas.html: http://www.eurocanadian.ca/2014/06/the-straussian-assault-on-americas.html